Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hongrie (suite)

Le nouveau gouvernement, avec l’appui des syndicats ouvriers, proclame la république des Conseils (21 mars 1919), fonde l’armée rouge (25 mars), nationalise les industries (26 mars) et les propriétés terriennes supérieures à 100 arpents (env. 60 ha) [3 avr.]. La Constitution, promulguée le 2 avril, attribue le pouvoir législatif à l’Assemblée nationale des Conseils composée des représentants des conseils ouvriers, paysans et militaires, qui constituent les organes locaux de pouvoir et d’administration. L’instance exécutive supérieure est le Conseil exécutif révolutionnaire des commissaires du peuple, sous la présidence de Béla Kun*.

La république des Conseils se heurte à des difficultés extérieures et intérieures. L’armée roumaine occupe du 16 avril au 1er mai l’est du pays jusqu’à la Tisza. L’armée tchécoslovaque avance du 27 avril au 9 mai dans le nord jusqu’à la ville minière et industrielle de Salgótarján. L’armée rouge hongroise, qui en mai compte environ 100 000 soldats, passe à la contre-offensive et repousse les Tchécoslovaques au-delà de Košice, Prešov et Bardejov. Mais Georges Clemenceau*, en tant que président de la conférence de la paix de Paris, réclame en deux télégrammes successifs la retraite des troupes hongroises jusqu’à la ligne de démarcation ; cependant, il promet d’inviter le gouvernement hongrois à la conférence et se porte garant de la retraite de l’armée roumaine. Le Conseil révolutionnaire, après d’âpres controverses, retire ses troupes le 30 juin, mais, l’armée roumaine restant sur place, il se voit dans l’obligation d’attaquer. L’offensive du 20 juillet échoue.

La défaite militaire est fatale pour la république des Conseils, qui connaît également des difficultés intérieures. Les paysans sont déçus, car les terres nationalisées ne leur sont pas distribuées et les fonctionnaires maintenus en service obstruent l’administration ; communistes et sociaux-démocrates s’opposent à l’intérieur du gouvernement, plusieurs organisations contre-révolutionnaires locales se constituent et, dès le 5 mai 1919, un contre-gouvernement se forme d’abord à Arad, puis à Szeged, ville occupée par l’armée française.

Le ministre de la Guerre, le contre-amiral Miklós Horthy (1868-1957), entreprend l’organisation d’une armée blanche. Les Roumains traversent la Tisza et le Conseil révolutionnaire démissionne (1er août 1919), laissant la place à un gouvernement dirigé par des sociaux-démocrates. L’armée roumaine entre à Budapest (3 août) et occupe le pays jusqu’au Danube au nom de l’Entente, dont la mission politique pèse sur la vie politique hongroise, même après l’évacuation d’une partie du pays par les Roumains.

En moins d’un an, quatre gouvernements se succèdent, le pouvoir réel se partageant entre l’armée de Horthy et des commandos militaires irréguliers, dont l’activité principale est la répression antirévolutionnaire. La lutte politique se circonscrit entre les associations radicales de droite et de tendance antisémite des classes moyennes, d’une part, et les partis traditionnels conservateurs ou modérés d’autre part. Les premiers préconisent un État autocratique. Les autres veulent maintenir le système parlementaire. Le parti des petits propriétaires sort vainqueur des élections du 25 janvier 1920, sans pouvoir accéder au gouvernement, dominé par le parti unitaire.

Horthy est élu régent du « royaume sans roi » de Hongrie, qui rompt officiellement le lien avec l’Autriche (1er mars). La Hongrie signe le traité de paix de Trianon (4 juin), acceptant la perte de la Slovaquie, de la Ruthénie, de la Transylvanie, du Banat, du Bačka, de la Croatie, de Fiume et du Burgenland.

Le gouvernement de Pál Teleki (1879-1941) réussit, entre juillet 1920 et avril 1921, à désarmer les commandos paramilitaires, et le Parlement vote une loi de réforme agraire (7 déc.) à portée réduite et échelonnée sur plusieurs années.

La consolidation politique aboutit grâce à István Bethlen (1874-1947), qui unit son parti unitaire à celui des petits propriétaires et constitue ainsi une formation politique massive qui détiendra le pouvoir jusqu’en 1944. Lui-même dirige le gouvernement d’avril 1921 à août 1931. L’accord conclu fin 1921 avec le parti social-démocrate lui permet de contrôler et de neutraliser, outre la paysannerie, la classe ouvrière, sortie affaiblie de la république des Conseils, et cela malgré le succès des libéraux et des sociaux-démocrates aux élections de 1922.

En réponse à deux tentatives de restauration de Charles IV (Charles Ier d’Autriche) en mars et en octobre 1921, les Habsbourg sont définitivement écartés du trône en novembre 1921, mais aucun autre roi n’est élu. La régence provisoire de Horthy est appelée à se prolonger.

Le gouvernement Bethlen réussit, avec l’aide d’un emprunt de la Société des Nations, à consolider l’économie hongroise, très affaiblie par la guerre, par les remous politiques et par les pertes subies à la suite du traité de Trianon.

L’évolution économique des années 20 est décisive pour tout l’entre-deux-guerres. L’activité principale du pays reste l’agriculture ; les propriétés supérieures à 100 arpents représentent la moitié des terres cultivées. La part de l’industrie dans le revenu national augmente. Si la majorité de la population reste paysanne (4,5 millions sur 8,7 millions en 1930), en 1938, on compte 330 000 ouvriers d’usine et 320 000 personnes travaillant dans l’artisanat. Les capitaux industriels sont contrôlés pour 60 p. 100 par les banques.

L’apport financier des forces de l’Entente définit également l’orientation de la politique extérieure. Toutefois, le 5 avril 1927, la Hongrie signe un traité d’amitié avec l’Italie dans le dessein d’obtenir son appui pour la révision du traité de Trianon, et pour la reconstitution de l’armée, qui, à partir du 15 mai 1927, n’est plus sous le contrôle de l’Entente.