Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Henri VIII (suite)

La marche au protestantisme (1529-1540)

Pourtant, la volonté de rester fidèle à une sorte de « catholicisme sans pape » est très nette : les mesures prises par Henri VIII doivent être considérées comme des mesures provisoires, destinées à servir de monnaie d’échange dans une négociation avec Rome... qui ne pourra jamais s’ouvrir. C’est ce qui explique que nombre de protestants furent brûlés (par exemple Thomas Bilney). Cependant, sur les conseils de ses nouveaux hommes de confiance, Thomas Cromwell et Thomas Granmer (ce dernier archevêque de Canterbury en 1532), Henri semble avoir envisagé une nouvelle orientation. Sa troisième femme, Jeanne Seymour, est d’ailleurs plutôt favorable au protestantisme, et la situation internationale (réconciliation de Charles Quint et de François Ier) ne lui laisse guère comme alliés possibles que les princes protestants de l’Allemagne du Nord.

En 1534, 1’« Acte de suprématie » fait définitivement passer l’Église d’Angleterre sous l’autorité royale. La résistance des catholiques « papistes » est brisée : les moines chartreux de Londres sont exécutés après d’horribles supplices : Thomas* More et l’évêque John Fisher (1469-1535) sont arrêtés et bientôt décapités. Les « Dix Articles », promulgués en 1536, où sont sensibles les influences de Hugh Latimer et de Melanchthon, sont pleins de l’esprit réformateur, sous une forme modérée, il est vrai.

Pourtant, à partir de 1539, l’évolution s’arrêta ou plutôt devint cohérente. D’un côté, le parti protestant, affaibli par la mort de Jeanne Seymour en 1537 à la naissance du seul fils du roi, Édouard (le futur Édouard VI*), pousse à une diplomatie plus engagée du côté des princes allemands : son chef-d’œuvre est le mariage d’Henri avec Anne de Clèves en 1540. La suppression des monastères, menée à bien par Cromwell, permet en outre au roi et à bon nombre de courtisans de remplir leurs coffres et d’arrondir leurs domaines.

Pourtant, les partisans du maintien d’une doctrine aussi proche que possible du catholicisme ont des arguments solides à faire valoir. Ainsi, les difficultés religieuses du royaume ont été une gêne lorsqu’il s’est agi de réprimer la révolte des Fitzgerald en Irlande en 1534. De même, l’opposition papiste se révéla dangereuse : le « Pèlerinage de Grâce », en 1536-37, n’a pu être arrêté que par l’habileté de Thomas Howard (duc de Norfolk depuis 1524), qui a su parlementer avec l’armée des « pèlerins » partis du Nord catholique pour aller chercher le roi à Londres et qui s’est débarrassé traîtreusement des chefs du soulèvement. Dès 1539, d’ailleurs, les « Six Articles » marquent un retour en arrière : ainsi, le célibat des prêtres est nettement affirmé, et l’archevêque Cranmer doit promptement renvoyer l’Allemande qu’il vient d’épouser.

Pourtant, l’échec des protestants va venir de leur dernière victoire elle-même : Henri, qui avait épousé Anne de Clèves sur la foi des rapports enthousiastes d’ambassadeur et d’un portrait pour le moins flatteur de Hans Holbein, est profondément déçu par sa nouvelle épouse, laide, vulgaire et grossière. Un divorce (par consentement mutuel) met rapidement fin à cette union. Cromwell est exécuté, tandis que le roi épouse Catherine Howard, de cette famille qui, avec Norfolk, dirige le parti des antiréformateurs.


Les oscillations de la fin du règne

Les dernières années du règne sont, à certains égards, glorieuses. Elles montrent bien, en tout cas, la puissance de la monarchie anglaise, enrichie par les dépouilles de l’Église : les armées anglaises abattent une nouvelle fois l’Écosse (bataille de Solway Moss en 1542) et, lorsque la guerre contre la France éclate en 1544, elles se révèlent capables de prendre la place forte importante de Boulogne et de la garder.

À l’intérieur, pourtant, ces années sont marquées par la lutte des factions aristocratiques : celle des Howard (antiprotestante) d’une part, et celle des Seymour et des Dudley (protestante) d’autre part. Le premier parti est cependant affaibli par l’inconduite de son meilleur atout : la reine Catherine Howard est exécutée en 1542, et la nouvelle épouse d’Henri VIII, Catherine Parr, est plutôt favorable au protestantisme et, en tout cas, liée au clan Seymour. Si bien que, lorsque, après le traité d’Ardres, qui prévoyait la restitution de Boulogne à la France (1546), le roi Henri VIII entend régler les problèmes intérieurs, il penche en faveur des Seymour : Norfolk et son fils Henry Howard, comte de Surrey, sont arrêtés. Celui-ci sera exécuté quelques jours avant la mort du roi.

Cette mort vient interrompre l’évolution commencée, et ce n’est qu’au cours du règne suivant, celui d’Édouard VI, que le protestantisme paraîtra triompher en Angleterre.

J.-P. G.

➙ Angleterre / Anglicanisme / Tudor.

 A. F. Pollard, Henry VIII (Londres, 1905 ; nouv. éd., 1970). / F. Hackett, Henry VIII (Londres, 1929 ; trad, fr., Payot, 1930, nouv. éd., Club du meilleur livre, 1960). / S. T. Bindoff, Tudor England (Harmondsworth, 1950 ; 2e éd., 1959). / P. Hughes, The Reformation of England (Londres, 1951-1954 ; 3 vol.). / J. D. Mackie, The Earlier Tudors, 1485-1558 (Oxford, 1952). / G. R. Elton, England under the Tudors (Londres, 1955). / J. Bowle, Henri VIII, a Biography (Londres, 1965). / J. Scarisbrick, Henry VIII (Londres, 1968).

Henri le Navigateur

Prince portugais (Porto 1394 - Sagres 1460).


Dom Henrique est le cinquième fils de Jean Ier le Grand, fondateur de la dynastie d’Aviz*, et de Philippa de Lancastre, dont le nom est traditionnellement associé aux débuts de l’expansion portugaise.

Le Portugal est la première puissance européenne qui ait entrepris une politique d’expansion outre-mer de grande envergure. C’est toute une nation qui s’est lancée dans l’aventure que devaient couronner le voyage de Vasco de Gama* aux Indes et la colonisation du Brésil. Cette politique trouve au xve s. des partisans dans toutes les couches de la société. La noblesse, écartée de la vie politique, ruinée par des dévaluations successives, désire des compensations. La bourgeoisie, active et dynamique, a besoin de gomme et de produits tinctoriaux pour l’industrie textile ainsi que de nouveaux territoires pour une économie sucrière en plein essor. Enfin, le pays manque de blé et surtout d’or. Plus que la recherche des épices, dont l’intérêt n’apparaît qu’au milieu du xve s., ce sont ces mobiles qui ont poussé les Portugais.

En 1415, ceux-ci s’emparent de Ceuta, et c’est au prince Henri qu’échoit l’honneur de hisser la bannière portugaise sur les murailles de la ville. Son nom est intimement associé à cette première expédition outre-mer ; jusqu’en 1460, directement ou indirectement, sa forte personnalité domine l’histoire de l’expansion portugaise.