Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Henri VIII (suite)

L’équipe dirigeante est maintenue, au moins au niveau supérieur (l’archevêque William Warham [v. 1450-1532] comme chancelier, l’évêque Richard Foxe [v. 1448-1528] comme garde des sceaux et Thomas Howard [1443-1524], comte de Surrey, comme trésorier), puisque les agents subalternes d’Henri VII, très impopulaires, disparaissent (exécution de Richard Empson et d’Edmund Dudley en 1510).

Dès 1511, l’Angleterre adhère à la Sainte Ligue (avec le pape, Venise, l’Espagne et l’Empire), tournée contre la France, dont les ambitions italiennes effraient l’Europe. En août 1513, l’armée anglaise remporte la facile victoire de Guinegatte, suivie de la prise de Thérouanne et de Tournai. En réalité, le plus dur combat s’est déroulé en Angleterre, puisque la vieille alliance franco-écossaise a de nouveau joué et que le roi d’Écosse, Jacques IV, a envahi l’Angleterre : à la bataille de Flodden (sept. 1513), Thomas Howard, devenu duc de Norfolk, écrase les Écossais. Jacques IV ayant trouvé la mort pendant le combat, l’Écosse devient, pendant la longue régence qui suit, un champ clos où s’affrontent les ambitions françaises et anglaises, et cesse d’être dangereuse pour l’Angleterre.

Toutefois, il n’y a pas grand-chose à gagner à une guerre contre la France. Dès 1514, la paix est conclue, et la sœur d’Henri, Marie, épouse le vieux Louis XII.

Une politique nouvelle, défendue brillamment par Thomas Wolsey (v. 1473-1530), promu à l’épiscopat en 1514 et qui est déjà un véritable « Premier ministre », est inaugurée : l’Angleterre garde une neutralité, plutôt amicale à l’égard de la France, qui lui permet de jouer le rôle d’arbitre en Europe, où s’affrontent à partir de 1515 François Ier et Charles Quint. En 1515, la fortune de Wolsey paraît encore mieux assurée : devenu chancelier, il reçoit le chapeau de cardinal.

En 1519, Henri VIII joue au candidat au titre impérial : mais, là encore, la vraie rivalité est entre Charles et François. Charles l’ayant emporté, il apparaît que la neutralité anglaise n’est plus de mise. Bien que le somptueux « Camp du Drap d’or », où Henri VIII rencontre François Ier et fait assaut de munificences avec lui, ait pu être interprété comme le prélude à une alliance franco-anglaise (1520), c’est en fin de compte du côté de l’Empire qu’Henri et son conseiller penchèrent.

Cette guerre n’apporte rien de plus aux Anglais que là précédente. Les expéditions de Thomas Howard (1475-1554), le fils du vainqueur de Flodden, et celles de Charles Brandon, duc de Suffolk, en France et en Espagne (1522 et 1523) sont des échecs, et, en 1525, la paix est conclue. Henri s’attache même, pendant un moment, à organiser une armée destinée à lutter contre Charles Quint, mais l’argent lui manque. Il faut dire que les dépenses d’apparat des premières années du règne et les guerres ont épuisé le Trésor, si soigneusement géré par Henri VII, et qu’en 1523 Wolsey a dû exiger un énorme subside du Parlement (qui n’est d’ailleurs accordé qu’en partie), alors qu’en 1526 on doit avoir recours à des emprunts plus ou moins forcés, sans grand succès d’ailleurs.

La situation est donc beaucoup moins satisfaisante qu’auparavant, et Wolsey a du mal à se maintenir dans son rôle profitable d’arbitre de l’Europe. Elle est pourtant encore aggravée lorsque Henri VIII, malgré les objurgations de son ministre, entreprend de divorcer d’avec la reine Catherine d’Aragon, qui ne lui a pas donné d’héritier.


La rupture avec la papauté et le divorce d’Henri VIII

Le problème des mariages d’Henri VIII va se révéler d’une importance primordiale dans l’histoire de son règne. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, la dynastie Tudor ne s’est établie qu’en éliminant impitoyablement tous les nobles apparentés à la famille royale (exécution de Warwick en 1499 sous Henri VII, d’Edmund de la Pole, comte de Suffolk, en 1513 et d’Edward Stafford, duc de Buckingham, en 1521 sous Henri VIII). L’impossibilité pour le roi d’obtenir un héritier mâle de son épouse légitime (dont il n’aura qu’une fille, la future Marie Ire* Tudor) laisse donc planer la menace d’une grave crise politique, aggravée par l’existence d’un fils bâtard du roi, le duc de Richmond (1519-1536). Plus tard, le mariage du souverain avec des jeunes femmes issues de l’aristocratie anglaise, s’il lui permet d’avoir enfin un héritier, hausse au niveau de la famille royale des familles telles que les Howard ou les Seymour.

La seconde raison est d’ordre religieux. Pour que le roi puisse se marier à sa guise, il faut qu’il puisse divorcer. Or, il a été marié à Catherine d’Aragon grâce à une dispense pontificale, puisqu’elle était veuve de son frère, le prince Arthur. Ce qu’un pape a fait, un autre peut essayer de le défaire. Il y a d’ailleurs des précédents (tel le divorce du roi de France Louis XII). Le malheur pour Henri VIII est qu’à l’époque où il engage les négociations avec Rome sur ce point le pape se trouve pratiquement au pouvoir de Charles Quint, alors ennemi du roi d’Angleterre et surtout neveu de Catherine d’Aragon ! Il n’est donc pas question de donner satisfaction à l’Anglais : les négociations traînent en longueur. Une commission, dont la direction est confiée à deux légats, Lorenzo Campeggio et Wolsey, met plus de deux ans à se réunir et est supprimée après sa première réunion, en 1529.

S’il veut divorcer d’avec Catherine d’Aragon, Henri doit rompre avec Rome. Deux raisons l’y poussent : la nécessité, pour assurer la paix en Angleterre, d’avoir un héritier mâle et son amour pour Anne Boleyn, dont il est tombé amoureux dès 1527. La tâche n’est d’ailleurs pas insurmontable, tant l’impopularité de la papauté est grande et tant le désir d’obtenir une autonomie aussi étendue que possible à l’égard de Rome est grand au sein de l’Église même d’Angleterre.

Dans la partie qu’il engage avec Rome, si Henri ne peut compter sur Wolsey, disgracié dès 1529, il a l’appui du Parlement (le « Parlement de la Réforme » siégera de 1529 à 1536) et celui de la « Convocation » (assemblée du clergé anglais), obtenu, il est vrai, par un mélange savant de flatteries et de menaces. Dès 1531, il reçoit le titre de Protecteur de l’Église d’Angleterre. En 1532, il supprime les annates (impôts payés à Rome par l’Église d’Angleterre) et, ayant obtenu de l’Église d’Angleterre un divorce en bonne et due forme, épouse Anne Boleyn en 1533. Mariage d’ailleurs malheureux, puisqu’en ne donnant au roi qu’une fille (la future Élisabeth Ire*) et un fils mort-né la reine sera incapable de remplir le devoir que lui avait fixé Henri VIII. On profitera de quelques légèretés de sa part et aussi de son caractère entier pour la faire exécuter en 1536, le roi étant pressé d’épouser sa nouvelle passion Jeanne Seymour. En 1534, la rupture avec la papauté est consommée.