Ammonites (suite)
Cette même époque voit l’apparition des premières classifications de type évolutif (auparavant, elles étaient seulement morphologiques), classifications fondées sur les hypothèses palingénésiques, d’après lesquelles l’ontogénie d’un être vivant est la récapitulation de la phylogénie de la lignée évolutive à laquelle il appartient. Pendant une cinquantaine d’années, ces idées ont été le fil directeur dans les essais de reconstitution de phylums.
Mais les classifications reposent sur une idée très différente, celle de l’évolution itérative. Dans cette hypothèse, les deux groupes stables à évolution très lente que sont les Phylloceras, d’une part, et les Lytoceras, de l’autre, conservant à peu près les mêmes caractères du début du Jurassique à la fin du Crétacé, ont donné à plusieurs reprises naissance à des rameaux distincts, à évolution rapide et dans lesquels la même évolution morphologique — donc le même type d’ornementation — a pu se produire indépendamment à plusieurs reprises au cours des temps géologiques. Ce sont ces idées que reflète le traité de paléontologie des Invertébrés publié par Moore en 1957.
Une réaction s’est produite depuis contre un emploi trop exclusif de l’évolution itérative pour interpréter l’histoire phylogénique des Ammonites, et on a tendance actuellement à rendre un rôle plus important à l’idée déjà vue de palingenèse.
Origine et affinités des Ammonites
Les Ammonites ont été longtemps considérées comme très proches des Nautiles à cause de leur coquille externe cloisonnée ; les découvertes récentes concernant la radula et la poche à encre conduisent au contraire à les rapprocher des Dibranchiaux actuels (Calmars et Poulpes). La radula des Ammonites est en effet de même type que celle des Dibranchiaux et ne ressemble pas à celle du Nautile, dont les écarte aussi la présence d’une poche à encre, absente chez ce dernier.
On suppose actuellement qu’Ammonites et Dibranchiaux sont sortis au Dévonien d’un groupe de Nautiloïdés, les Bactritidœ, pour évoluer ensuite indépendamment en deux rameaux s’écartant de plus en plus l’un de l’autre.
Évolution des Ammonites
Le rameau des Ammonites n’a pas évolué régulièrement. Entre son origine au Dévonien et son extinction à la fin du Crétacé, il a subi deux crises majeures, l’une à la fin du Permien, l’autre à la fin du Trias.
Au Permien moyen, on compte douze familles d’Ammonites, chacune avec de nombreux genres. À la fin du Permien, il ne reste plus que deux familles, dont l’une s’éteint au Trias inférieur sans descendants et dont l’autre est à l’origine de toutes les Ammonites triasiques. Ces dernières vont devenir encore plus nombreuses que n’étaient les Ammonites permiennes, mais, à la fin du Trias, au Rhétien, tout cet ensemble disparaît, et on ne trouve plus, de nouveau, que deux familles qui atteignent seules la fin de l’étage pour être l’origine de l’énorme masse de familles, de genres et d’espèces que représentent les Ammonites du Jurassique et du Crétacé.
En résumé, le développement du rameau des Ammonites n’est pas simple et régulier comme on pourrait le penser à première vue. Deux fois au cours de leur longue histoire, les Ammonites ont failli disparaître : d’abord à la fin du Primaire, puis à la fin du Trias.
Et chaque fois, à partir de rares survivants, le groupe s’est développé de nouveau en une extraordinaire variété de formes et en un nombre immense d’individus.
J. S.
R. C. Moore (sous la dir. de), Treatise on Invertebrate Paleontology (Boulder, Colorado, 1953).