Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Havre (Le) (suite)

Actuellement, Le Havre offre un outil portuaire d’une remarquable efficacité. À courte distance, la Manche atteint des profondeurs comprises entre 10 et 20 m. La marée, d’une amplitude de 6 à 8 m, présente la particularité d’une longue étale de 2 à 3 heures très favorable aux mouvements de navires. De la sorte, et grâce aux travaux de dragage effectués dans le chenal, Le Havre est accessible à marée basse à des unités ayant des tirants d’eau de 19-21 m. Sa spécialisation dans l’accueil des plus gros navires n’a donc pas cessé de s’affirmer. En outre, Le Havre complète l’amélioration de ses accès maritimes par des équipements de manutention, de dégagement, ou même par l’installation d’usines au ras des quais qui doivent assurer le maximum d’efficacité dans le déchargement des marchandises pondéreuses.

Aussi le trafic du port a-t-il beaucoup changé depuis le début du siècle. Jadis, c’était surtout un port de marchandises diverses et souvent coûteuses et un port de passagers transatlantiques. La première activité, notamment la manutention du coton, du café, des cuirs, des bois, occupait une très nombreuse main-d’œuvre d’ouvriers dockers. La seconde employait un corps important de « navigateurs », beaucoup originaires de Bretagne, travaillant dans ces palaces flottants qu’étaient les paquebots transatlantiques. Ces activités n’ont pas disparu, mais elles se sont rétractées, créant de délicats problèmes sociaux. Un seul grand paquebot de la Compagnie générale transatlantique, le France, fréquente toujours les lignes de l’Atlantique Nord. Le Havre a conservé une place intéressante dans les importations de bois, de caoutchouc et latex, de café, de coton, de fruits frais ainsi que dans les exportations de produits agricoles, de machines et de voitures.

Mais ses véritables spécialités s’affirment surtout dans les techniques modernes du « roll on-roll off », dans le déchargement des marchandises pondéreuses et principalement dans les importations de pétrole brut et de méthane. Le « roll on-roll off » met en relation directe la route et le rail avec les « car-ferries » en provenance d’Angleterre pour le trafic des conteneurs, tandis que des équipements spéciaux assurent le déchargement des grands navires « porte-cadres » qui viennent des États-Unis. Un poste minéralier effectue le déchargement automatique des pondéreux. Surtout, le « roi pétrole » soutient l’essentiel de l’activité du port. Le Havre accueille au sud de son grand bassin de marée les pétroliers de 200 000 t, dont les cargaisons sont ensuite acheminées par oléoducs vers les raffineries de la Basse-Seine, de la Région parisienne et vers celle de Valenciennes.

Ainsi, le trafic du port a progressé de 10 Mt en 1950, 16 Mt en 1960 à 60 Mt en 1971, en attendant beaucoup plus. Les exportations couvrent environ 8 Mt, alors que les hydrocarbures représentent 80 p. 100 de l’ensemble du trafic.


L’industrie

Le Havre s’est industrialisé, parallèlement au développement du port, à partir de la seconde moitié du xixe s. Les vieilles industries havraises traduisent bien dans leur localisation comme dans leurs productions une liaison étroite avec le port. Immédiatement en arrière de celui-ci, entre les bassins à flot, le canal de Tancarville et l’estuaire, notamment sur le territoire de l’ancienne commune de Graville, s’établirent des industries métallurgiques orientées principalement vers la construction, la réparation ou l’équipement des navires ainsi que des industries alimentaires traitant des produits d’importation. Une curiosité cependant : Le Havre, grand port d’importation du coton, n’a jamais été une ville textile. Toutes ces activités n’ont pas progressé entre les deux guerres mondiales et ont même reculé à partir de 1945-1950, créant un marasme sur le marché de l’emploi. La relève a été assurée à partir de 1960 par le développement de nouvelles industries dans la vaste zone du marais d’estuaire qui s’étend entre Graville et Tancarville sur quelque 25 km. Actuellement, les industries havraises occupent un peu plus de 40 000 personnes. Elles se répartissent dans quatre branches principales. La métallurgie (près de 20 000 salariés) occupe la première place pour le nombre d’emplois ; il s’agit d’une métallurgie très différenciée qui travaille maintenant moins pour le port lui-même que pour la construction et l’équipement d’autres usines, particulièrement celles qui sont liées au pétrole, ainsi que pour la fabrication de matériel de transport (navires, locomotives électriques, automobiles) ; avec 5 700 salariés, l’usine Renault de Sandouville est la plus importante des entreprises havraises. Le raffinage du pétrole, assuré par la grande raffinerie de la Compagnie française de raffinage à Gonfreville-l’Orcher, la chimie et la pétrochimie comptent moins par le nombre de leurs salariés (environ 4 000) que par la masse de leurs chiffres d’affaires, par leur caractère ultra-moderne et leurs techniques très automatisées, ainsi que par le rôle moteur qu’ils jouent dans l’entraînement des autres activités havraises. Le bâtiment (10 000 salariés) occupe une place de choix à cause de multiples possibilités de chantier offertes par les extensions du port, de la ville et des autres industries (industries agricoles et alimentaires, textile et confection, cimenterie).

L’importance de toutes ces activités, les crises et les luttes très difficiles de la période de récession allant de 1920 à 1955-1960 expliquent l’orientation politique de l’agglomération havraise, socialement dominée par le prolétariat des dockers et des ouvriers d’usine et administrée par des municipalités à majorité communiste (à l’exception de la petite commune de Sainte-Adresse).


L’agglomération

L’agglomération du Havre cumule bien des particularités. Pratiquement, elle est sans passé puisque les destructions de 1944 ont rayé de la carte les vieux quartiers de Notre-Dame et de Saint-François qui remontaient au xvie s. ; ses plus vieux immeubles datent d’une centaine d’années ; la vieille abbaye romane de Graville apparaît dans ce contexte comme un exceptionnel joyau, presque préhistorique. Mais cette grande ville, tout entière tournée vers les activités du port et de l’industrie, est aussi sans région ; sa zone d’influence dans le pays de Caux voisin, très vite concurrencée par Rouen, ne s’étend guère au-delà de Fécamp et de Lillebonne ; Le Havre, sans université et sans évêché, n’est administrativement qu’une sous-préfecture. Ville de marins, de négociants, d’employés de commerce et, de plus en plus, d’ouvriers, c’est le contraire d’une capitale de province. Son essor démographique suit avec des crises brutales la marche de ses activités : un développement rapide et anarchique du milieu du xixe s. à la Première Guerre mondiale entraînant un bond de 50 000 à 170 000 habitants dans l’agglomération ; une stagnation relative de 1920 à nos jours, un peu au-dessus de 200 000 habitants ; un nouveau bond attendu pour la fin de ce siècle, vers les 800 ou 900 000 habitants. La physionomie actuelle de l’agglomération traduit toutes ces tensions, que renforcent les contraintes de site et de vigoureux contrastes sociaux.