Hammourabi (suite)
Administrateur minutieux, il tente d’enrayer le déclin qui frappe alors le pays de Sumer, victime des guerres et de la remontée des sels à travers le sol arable ; et c’est sans doute pour unifier la législation des cités du Bas Pays qu’il publie un code, qui est aussi un instrument de propagande royale. Si ce texte, rédigé en akkadien, n’est pas un code au sens moderne, mais seulement un recueil de décisions concernant un nombre limité de cas, il constitue cependant une source unique pour l’étude de la société, de l’économie et de la monarchie dans la Mésopotamie du IIe millénaire av. J.-C.
Le code nous fait connaître le statut juridique des différentes catégories qui composent la société : l’awîloum (« homme » par excellence) est le notable ; le moushkênoum (mot d’étymologie incertaine), de modeste condition, dépend sans doute du Palais ou d’un temple ; le wardoum (esclave) possède la personnalité juridique (il peut gagner de l’argent, tester, épouser une femme libre). En cas d’offense ou de blessure, les réparations et les sanctions sont différentes pour les membres de ces trois catégories, que le code ne définit pas et qui ne doivent pas être trop rigides. La promotion sociale, en effet, peut être rapide, puisque l’initiative privée s’exerce sans restrictions dans le domaine de la production et des échanges.
Mais le Palais et les temples restent les plus grosses unités économiques du temps, et le roi, se présentant comme le bienfaiteur et le protecteur de son peuple, intervient dans tous les types de rapports que ses sujets peuvent avoir entre eux. En particulier, il assume la responsabilité de l’entretien et de l’extension du système d’irrigation, pour lesquels il impose des corvées. Il apaise la tension sociale en obligeant le Palais et les temples à prêter à taux bas, en édictant des statuts plus humains pour le débiteur, le métayer et l’agent de compagnie commerciale, et en libérant, au bout de trois ans, le débiteur insolvable, vendu comme esclave.
Les moyens d’action du souverain sont quelque peu primitifs. Pour mettre ses terres en valeur, il les divise en lots qu’il concède à des fermiers héréditaires ou à ses « serviteurs » (administrateurs, soldats, travailleurs du Palais), pour qui les terres constituent une rémunération ; mais il a beaucoup de mal à les empêcher à la fois de disposer de leur lot comme d’une propriété personnelle et d’abandonner leur service. Parmi ce personnel ainsi doté figure le tamkâroum, qui est en même temps banquier et marchand à titre privé et administrateur des biens royaux, et dont la puissance économique et la situation ambiguë ne peuvent que limiter le pouvoir royal. Enfin, lorsque le code fixe le montant des salaires d’un certain nombre de métiers et le prix de denrées courantes, il ne s’agit sans doute, pour Hammourabi, que de se poser en défenseur du bon vieux temps : les documents contemporains montrent que le roi laisse pratiquer des taux bien plus élevés.
Beaucoup plus que l’empire éphémère constitué par Hammourabi dans les dernières années de sa vie et qui s’écroule dès le règne de son successeur, c’est ce code, l’ensemble législatif le plus étendu et le plus clair de toute la haute Antiquité, qui a fait la gloire du grand roi amorrite de Babylone, particulièrement au xxe s.
Trois extraits du code de Hammourabi
196 Si un homme a crevé l’œil d’un notable, on lui crèvera l’œil.
198 S’il a crevé l’œil d’un moushkênoum, il paiera une mine d’argent.
199 S’il a crevé l’œil de l’esclave d’un notable, il paiera la moitié du prix de l’esclave.
G. L.
➙ Assyrie / Babylone.
C. J. Gadd, Hammurabi and the End of his Dynasty (Cambridge Ancient History, no 32, 1965). / P. Garelli, le Proche-Orient asiatique. Des origines aux invasions des Peuples de la mer (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1969).