Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hammourabi (suite)

Administrateur minutieux, il tente d’enrayer le déclin qui frappe alors le pays de Sumer, victime des guerres et de la remontée des sels à travers le sol arable ; et c’est sans doute pour unifier la législation des cités du Bas Pays qu’il publie un code, qui est aussi un instrument de propagande royale. Si ce texte, rédigé en akkadien, n’est pas un code au sens moderne, mais seulement un recueil de décisions concernant un nombre limité de cas, il constitue cependant une source unique pour l’étude de la société, de l’économie et de la monarchie dans la Mésopotamie du IIe millénaire av. J.-C.

Le code nous fait connaître le statut juridique des différentes catégories qui composent la société : l’awîloum (« homme » par excellence) est le notable ; le moushkênoum (mot d’étymologie incertaine), de modeste condition, dépend sans doute du Palais ou d’un temple ; le wardoum (esclave) possède la personnalité juridique (il peut gagner de l’argent, tester, épouser une femme libre). En cas d’offense ou de blessure, les réparations et les sanctions sont différentes pour les membres de ces trois catégories, que le code ne définit pas et qui ne doivent pas être trop rigides. La promotion sociale, en effet, peut être rapide, puisque l’initiative privée s’exerce sans restrictions dans le domaine de la production et des échanges.

Mais le Palais et les temples restent les plus grosses unités économiques du temps, et le roi, se présentant comme le bienfaiteur et le protecteur de son peuple, intervient dans tous les types de rapports que ses sujets peuvent avoir entre eux. En particulier, il assume la responsabilité de l’entretien et de l’extension du système d’irrigation, pour lesquels il impose des corvées. Il apaise la tension sociale en obligeant le Palais et les temples à prêter à taux bas, en édictant des statuts plus humains pour le débiteur, le métayer et l’agent de compagnie commerciale, et en libérant, au bout de trois ans, le débiteur insolvable, vendu comme esclave.

Les moyens d’action du souverain sont quelque peu primitifs. Pour mettre ses terres en valeur, il les divise en lots qu’il concède à des fermiers héréditaires ou à ses « serviteurs » (administrateurs, soldats, travailleurs du Palais), pour qui les terres constituent une rémunération ; mais il a beaucoup de mal à les empêcher à la fois de disposer de leur lot comme d’une propriété personnelle et d’abandonner leur service. Parmi ce personnel ainsi doté figure le tamkâroum, qui est en même temps banquier et marchand à titre privé et administrateur des biens royaux, et dont la puissance économique et la situation ambiguë ne peuvent que limiter le pouvoir royal. Enfin, lorsque le code fixe le montant des salaires d’un certain nombre de métiers et le prix de denrées courantes, il ne s’agit sans doute, pour Hammourabi, que de se poser en défenseur du bon vieux temps : les documents contemporains montrent que le roi laisse pratiquer des taux bien plus élevés.

Beaucoup plus que l’empire éphémère constitué par Hammourabi dans les dernières années de sa vie et qui s’écroule dès le règne de son successeur, c’est ce code, l’ensemble législatif le plus étendu et le plus clair de toute la haute Antiquité, qui a fait la gloire du grand roi amorrite de Babylone, particulièrement au xxe s.

Trois extraits du code de Hammourabi

196 Si un homme a crevé l’œil d’un notable, on lui crèvera l’œil.

198 S’il a crevé l’œil d’un moushkênoum, il paiera une mine d’argent.

199 S’il a crevé l’œil de l’esclave d’un notable, il paiera la moitié du prix de l’esclave.

G. L.

➙ Assyrie / Babylone.

 C. J. Gadd, Hammurabi and the End of his Dynasty (Cambridge Ancient History, no 32, 1965). / P. Garelli, le Proche-Orient asiatique. Des origines aux invasions des Peuples de la mer (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1969).

Hampton (Lionel)

Vibraphoniste, pianiste, batteur, chanteur et chef d’orchestre américain (Louisville, Kentucky, 1913).


Le vibraphone n’est encore qu’un accessoire de la panoplie des percussionnistes lorsque Hampton s’en empare pour révéler des dons exceptionnels d’improvisateur dynamique et exubérant. Très jeune, il joue du tambour dans la fanfare du Chicago Defender. Il est initié au xylophone par Jimmy Bertrand, puis à la batterie par Snag Jones. En Californie, en 1927, il appartient au groupe des Spike’s Brothers avant d’être engagé par Paul Howard en 1929. Il joue ensuite au Sebastien’s Cotton Club de Los Angeles et, en 1930, tient la batterie, et déjà le vibraphone, dans l’ensemble de Les Hite, qui accompagne parfois Louis Armstrong. Toujours en Californie, il étudie la musique à l’université et fait un séjour chez Charlie Echols avant de diriger un orchestre au Café Paradise d’Hollywood en 1936. Découvert par Benny Goodman, il est la vedette du fameux quartette (1936-1940). À la même époque, il dirige aussi des séances d’enregistrement qui réunissent quelques-uns des meilleurs solistes du moment : les trompettistes Cootie Williams, Ziggy Elman, Harry James et Jonah Jones, les saxophonistes Johnny Hodges, Hershell Evans, Chew Berry, Ben Webster, Coleman Hawkins, Benny Carter et Harry Carney, le clarinettiste Buster Bailey, le guitariste Charlie Christian, les pianistes Clyde Hart, Jess Stacy et King Cole, les batteurs Gene Krupa, Jo Jones et Cozy Cole.

En novembre 1940, encouragé par sa femme Gladys et l’imprésario Joe Glaser, il constitue un grand orchestre, qui, deux ans plus tard, connaît une grande popularité avec Flying Home. Il réunit autour de lui, au fil des ans, des musiciens aussi remarquables que les trompettistes Joe Newman, Ernie Royal, Lamar Wright, Snooky Young, Quincy Jones, Clifford Brown, Benny Bailey, Eddie Mullens, Wallace Davenport, Art Farmer, Cat Anderson et Kenny Dorham, les saxophonistes Illinois Jacquet, Arnett Cobb, Dexter Gordon, Jerome Richardson, Lucky Thompson, Jack McVea, Al Sears, Marshall Royal, Bobby Plater, Eddie Chamblee, Andy McGhee, Jay Peters, Earl Bostic, Johnny Griffin et Charlie Fowlkes, les trombones Al Hayse, Britt Woodman, Bootie Wood, Al Grey, Benny Powell, Jimmy Cleveland et Slide Hampton, le contrebassiste Charlie Mingus, le batteur et danseur Curley Hamner, et les vocalistes Dinah Washington et Sonny Parker. Mention particulière pour deux fidèles collaborateurs : le guitariste Billy Mackel et surtout le pianiste-arrangeur Milt Buckner, dont le style en accords groupés (block chords) contribua à renforcer l’effet de choc de certaines pièces. À partir de 1953, l’orchestre Hampton visite régulièrement l’Europe et également le Japon, l’Australie, l’Afrique et le Moyen-Orient. Il subira néanmoins, vers la fin des années 60, la désaffection du public pour les grandes formations. Hampton se produit désormais à la tête d’un ensemble réduit à une dizaine de musiciens.