Habsbourg (suite)
Les Habsbourg devaient se révéler des adversaires irréductibles de la Révolution française, qu’ils combattirent par les armes. Les réformes hardies de Joseph* II (1741-1790), empereur de 1765 à 1790, avaient montré jusqu’à quel point les idées nouvelles étaient inapplicables dans cette mosaïque de pays dominés par les ordres. Ses tentatives d’unification linguistique avaient tourné court ; il avait pu seulement réduire le pouvoir exorbitant de l’Église, accorder la liberté de culte et améliorer la condition juridique des paysans ; noblesse et clergé serrèrent les rangs derrière François II (1768-1835), empereur de 1792 à 1806, qui réprima durement la révolte des jacobins hongrois. Une fois achevé l’intermède de Joseph II, les Habsbourg furent indiscutablement les champions de la « réaction ». Metternich imposa cette politique à l’Autriche et à l’Europe de 1815 à 1848. La cohésion de l’Autriche reposait sur des valeurs qui étaient en contradiction formelle avec les principes de la Révolution française, en particulier l’idée de l’État-nation.
Jusqu’en 1918, les Habsbourg ont oscillé entre l’immobilisme et un réformisme prudent, adapté aux nécessités autrichiennes, les peuples de la monarchie se rendant bien compte, jusqu’en 1914, qu’ils avaient intérêt à rester unis en face de la Russie et de l’Allemagne. Et les Habsbourg ne devaient pas survivre au conflit mondial, qu’un des leurs, l’empereur François-Joseph* 1er (1830-1916), empereur de 1848 à 1916, avait imprudemment engagé pour venger la mort de son neveu, l’archiduc François-Ferdinand, assassiné à Sarajevo en 1914. L’empereur Charles Ier (1887-1922) renonça au trône en novembre 1918 ; deux tentatives de restauration en Hongrie devaient échouer, devant l’hostilité des Alliés, des États successeurs et du chef de la contre-révolution hongroise, l’amiral Horthy. Le fils du dernier Empereur, l’archiduc Otto (né en 1912), vit aujourd’hui exilé en Bavière, la République autrichienne lui interdisant l’accès de son territoire tant qu’il n’aura pas renoncé à toute action politique.
En dépit des caractères très divers des souverains de la maison de Habsbourg, un trait dominant se retrouve néanmoins chez chacun d’entre eux tout au long de l’histoire : leur très profonde piété et leur attachement au catholicisme, aussi bien en Espagne que dans les pays danubiens. Ces princes, de tempérament bienveillant, respectaient volontiers les coutumes, les constitutions, les cultures particulières de leurs sujets, mais à condition que ceux-ci demeurassent catholiques. Sur ce seul point, ils étaient intransigeants, à la fois par conviction intime et par principe politique. On comprend pourquoi l’historiographie libérale ne pouvait avoir beaucoup de sympathie pour une dynastie qui avait conçu sa mission en fonction d’autres valeurs éthiques et politiques : fidélité dynastique, supranationalité, cosmopolitisme, catholicisme romain.
J. B.
➙ Allemagne / Autriche / Bohême / Bourgogne / Charles V ou Charles Quint / Charles II d’Espagne / Contre-Réforme / Espagne / François-Joseph Ier / Hongrie / Joseph II / Marie-Thérèse / Maximilien Ier / Philippe II d’Espagne / Saint Empire romain germanique / Succession d’Autriche (guerre de la) / Succession d’Espagne (guerre de la).
A. Wandruszka, Das Haus Habsburg : die Geschichte einer europäischen Dynastie (Vienne, 1956 ; 2e éd., 1959). / A. Coreth, Pietas Austriaca (Vienne, 1959). / E. Zöllner, Die Geschichte Österreichs. Von den Anfängen bis zur Gegenwart (Vienne, 1961 ; 3e éd., 1966 ; trad. fr. Histoire de l’Autriche, des origines à nos jours, Horvath, Roanne, 1966). / M. Géoris, les Habsbourg (Rencontre, Lausanne, 1969). / V.-L. Tapié, Monarchies et peuples du Danube (Fayard, 1969).