Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guillaume II (suite)

Dans la dégradation de la situation internationale, depuis 1908 et surtout depuis 1911, Guillaume II a d’abord fait échouer toute tentative de désarmement naval : intransigeant sur ce point, il est largement responsable de la tension des relations anglo-allemandes. Fanfaron, impulsif, hésitant, il n’a pas su imposer sa façon de voir lorsqu’il mesure les conséquences d’un appui total à l’Autriche-Hongrie : il s’incline devant les avis de ses ministres, de ses conseillers et, de plus en plus, devant les vues de l’état-major. Dès lors, la postérité accablera ce souverain qui, à tort ou à raison, restera celui qui a plongé le monde dans le premier grand conflit de l’histoire.


La guerre, la chute

La guerre ne galvanise pas le kaiser, qui paraît incapable d’assumer ses responsabilités : c’est particulièrement net dans ses relations avec l’état-major. Dès novembre 1914, il se plaint d’être tenu à l’écart par les militaires, qui n’en font qu’à leur tête. Pourtant, il limoge Moltke, coupable d’avoir perdu la bataille de la Marne et donc de ne pas avoir su obtenir du plan Schlieffen les résultats escomptés ; il le remplace par Falkenhayn, très critiqué, même au sein de l’armée, et le soutient parce qu’il partage avec lui la conviction qu’il faut obtenir une victoire décisive à l’ouest.

Après la désastreuse bataille de Verdun et l’entrée en guerre contre l’Allemagne d’une Roumanie ménagée jusque-là par lui, parce qu’un Hohenzollern y règne, il se laisse imposer par une opinion unanime le duo vainqueur à l’est, Hindenburg et son adjoint Ludendorff, qui deviennent, à la tête de l’état-major, les véritables maîtres de l’Allemagne. Il cède également en ce qui concerne la flotte. Soucieux de la ménager, il refuse de l’engager à fond, comme le souhaite Tirpitz (1915) ; tout au plus accepte-t-il une guerre sous-marine plus intense (févr. 1916).

Un an plus tard, il ordonne la guerre sous-marine à outrance, malgré les risques parfaitement exposés par Bethmann-Hollweg. Il accepte aussi la démission de ce chancelier si vivement critiqué par l’état-major. Pris entre l’état-major et le Reichstag, il ne sait pas imposer son arbitrage, ce qui, à partir de 1917, met en question le régime. Il en est conscient, mais, croyant encore à la victoire en raison d’une carte de guerre qui reste favorable, il apparaît aux chefs des partis du Reichstag, en juillet 1917, comme sourd et aveugle ; il veut bien la paix, mais une paix victorieuse, donnant à l’Allemagne les buts de guerre arrêtés depuis 1914.

Le kaiser, qui ne sait pas défendre les chanceliers (Georg Michaelis, Georg von Hertling) contre l’état-major ni imposer avec eux les réformes intérieures indispensables et qui a l’impression d’être mené « par le bout du nez » par Hindenburg, semble compter sur une grande victoire pour arrêter la décomposition du régime. Éprouvé par les défaites d’août 1918, il comprend que l’Allemagne est à bout de forces et qu’il faut terminer la guerre. Mais Wilson n’entend pas traiter avec une Allemagne transformée en monarchie constitutionnelle à la suite des réformes du chancelier Max de Bade ; il exige l’abdication de Guillaume II. D’autre part, l’hostilité contre l’empereur grandit en Allemagne ; les premiers mouvements révolutionnaires éclatent au début de novembre. Comme l’armée refuse de marcher sur Berlin, où la république est proclamée le 9 novembre, le kaiser abdique et quitte le quartier général de Spa pour se réfugier en Hollande.

Il est considéré comme criminel de guerre, et les Alliés réclament son extradition afin de pouvoir le traduire devant un tribunal international. Le gouvernement hollandais refuse de le livrer et écarte l’idée de le faire transférer dans une colonie néerlandaise. L’ex-kaiser peut alors mener une vie calme dans la maison de Doorn, confiant dans une miséricorde divine, qui tiendra compte de sa bonne volonté. Il s’occupe du parc, du jardin et reçoit de nombreux visiteurs allemands ; membres de sa famille, intellectuels, etc. Après la mort de Victoria-Augusta (1921), il épouse une veuve, la princesse Hermine von Schönaich-Carolath (1887-1947), née princesse von Reuss. Il jouit d’une excellente santé jusqu’à la fin de sa vie, et c’est une embolie pulmonaire qui l’emporte à l’âge de quatre-vingt-deux ans, le 4 juin 1941.

R. P.

➙ Allemagne / Guerre mondiale (Première) / Hohenzollern.

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