Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guerre mondiale (Seconde) ou Guerre de 1939-1945 (suite)

L’élimination de l’Italie (juillet 1943 -juin 1944)

Dès le 10 juillet 1943, Eisenhower lance ses forces sur la Sicile, qu’elles conquièrent en un mois. Cette victoire accélère la désagrégation du régime fasciste italien : dans la nuit du 24 au 25 juillet, Mussolini est destitué au cours d’une dramatique réunion du Grand Conseil fasciste et arrêté sur ordre du roi, qui confie le pouvoir au maréchal Badoglio. Tout en cherchant à rassurer les Allemands (qui ont des troupes en Italie), ce dernier prend en août des contacts secrets avec les Alliés et signe le 3 septembre à Syracuse un armistice impliquant la capitulation sans condition de toutes les forces italiennes. Les Alliés ne l’annoncent que le 8, alors qu’ils ont déjà débarqué le 3 en Calabre et s’apprêtent à le faire le 9 à Salerne. Hitler réagit aussitôt : le 12 septembre, il fait libérer Mussolini, qui fonde une république fasciste pour continuer la lutte aux côtés du Reich, auquel le gouvernement de Badoglio, réfugié à Brindisi, déclare la guerre le 13 octobre.

Au même moment, les Allemands réussissent à se retrancher au sud de Home sur une forte position, la ligne Gustav, à laquelle se heurtent les forces anglo-américaines du général Alexander*, rejointes en décembre par le corps expéditionnaire français du général Juin*. Alors commence une très rude campagne, marquée notamment par la violente bataille de Cassino : c’est seulement le 11 mai 1944 que les Français de Juin réussiront la percée de la ligne Gustav et permettront l’entrée des Alliés à Rome, le 4 juin 1944 (v. Italie [campagne d’]).


La Wehrmacht refoulée de la Volga au Dniestr

Si, en 1943, les alliés anglo-saxons ont obtenu des résultats décisifs en Afrique et en Italie, ils n’y ont immobilisé qu’une très faible partie de la Wehrmacht. Les trois quarts du potentiel militaire allemand s’appliquent encore au front soviétique, où, au cours de la même année, la victoire va aussi définitivement changer de camp. Au nord, la prise de Schlüsselburg par les Russes (12 janv.) dégage Leningrad ; celles de Viazma et de Rjev (mars) refoulent la Wehrmacht à 250 km de Moscou, mais c’est au sud qu’ont lieu les actions décisives. Au lendemain du désastre de Stalingrad* (févr. 1943), les Allemands, chassés du Caucase comme de la boucle du Don, doivent abandonner Rostov. Koursk et Kharkov (qui est reconquis en mars par Manstein). Le 5 juillet 1943, l’échec de la double offensive blindée allemande (Manstein-Klugel) sur le saillant de Koursk signifie la perte désormais irréversible de l’initiative par la Wehrmacht sur le front oriental. Le 12, l’offensive soviétique de Rokossovski sur Orel est la première d’une série de coups de boutoir sur Kharkov, Briansk et Smolensk qui portent à la fin de septembre l’armée rouge sur le Dniepr : il sera largement franchi en novembre, malgré la réaction de Manstein à Jitomir. Refusant tout répit à Hitler, Staline déclenche dès le 18 décembre 1943 la campagne d’hiver : au nord, la Wehrmacht est refoulée de 200 km sur Narva et Pskov (janv. 1944) ; au sud, Vatoutine, Koniev, Malinovski et Tolboukhine portent leurs forces sur le Boug (févr.) et le Dniestr (mars), tandis que Joukov entre en Galicie polonaise, atteint Tchernovtsy et Kovel et menace Lvov. Le 15 avril, après la prise d’Odessa et de Ternopol, le front se stabilise : l’Ukraine est totalement libérée, les Russes sont à la porte des Balkans ; Sébastopol tombe le 9 mai ; seuls les pays baltes et la Russie blanche sont encore aux mains de la Wehrmacht.


L’U. R. S. S. et ses Alliés : conférence de Téhéran

Sur le plan diplomatique, où elle connaît une intense activité, l’année 1943 est dominée par le problème du second front, que Staline, qui se refuse à considérer comme tel l’étroit champ de bataille italien, ne cesse de poser aux Alliés. De nombreuses réunions se tiennent à Washington en mars et en mai, à Québec en août, où Roosevelt, Churchill et Mackenzie King se concertent avec T. V. Soong, ministre de Tchang Kaï-chek, sur la lutte contre le Japon. En octobre, pour dissiper la méfiance existant entre les Alliés et l’U. R. S. S., qui se soupçonnent mutuellement de prendre des contacts secrets avec Berlin, Cordell Hull, Eden et Molotov préparent à Moscou une rencontre des trois Grands, Roosevelt, Churchill et Staline. Après que les deux premiers ont conféré avec Tchang Kaï-chek au Caire, elle a lieu le 28 novembre 1943 à Téhéran. Il y est confirmé que le second front serait réalisé, non comme le souhaitait Churchill, dans les Balkans, mais en France. Les trois conviennent publiquement qu’ils garantiront l’intégrité de l’Iran et secrètement que l’Allemagne serait démembrée et que les frontières de la Pologne seraient reportées à l’ouest jusqu’à l’Oder et à l’est jusqu’à la ligne Curzon. Staline promet d’attaquer le Japon dès que cela lui sera possible. Les problèmes de l’après-guerre sont aussi évoqués, et les bases jetées d’une Organisation des Nations unies où le maintien de la paix relèvera essentiellement des trois Grands et de la Chine (leurs représentants se réuniront à Dumbarton Oaks d’août à octobre 1944). Seul contre Roosevelt et Staline, qui, comme lui, ont reconnu le Comité français de libération nationale le 26 août 1943, Churchill a affirmé sa volonté de voir la France se reconstituer après la guerre.


Le reflux japonais en Extrême-Orient (1943-44)

De Guadalcanal à Leyte. Alors qu’en Afrique comme en U. R. S. S. la retraite des forces de l’Axe revêt un caractère spectaculaire, le renversement de la situation en Extrême-Orient connaît un rythme plus lent. L’immensité des distances, le caractère spécial des forces aéronavales et amphibies qu’il leur faut constituer exigent des Américains près d’un an après leur attaque de Guadalcanal (août 1942) pour qu’ils puissent développer à fond le poids de leur puissance offensive.

L’hiver de 1942 est dominé par la dure conquête de Guadalcanal, qui ne s’achève que le 8 février 1943, et par la défense victorieuse des Australiens en Nouvelle-Guinée, qui écarte de leur pays la menace d’une invasion nippone. Les Aléoutiennes sont reconquises dans l’été 1943, mais c’est des bases de Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides que le commandement américain lance deux offensives décisives en direction des Philippines. L’une, essentiellement aéronavale, sera conduite par l’amiral Nimitz* sur les îles Gilbert et Mariannes, l’autre, à dominante amphibie, sur la Nouvelle-Guinée et les Moluques, sera dirigée par le général MacArthur, commandant des forces alliées dans le sud-ouest du Pacifique. La campagne s’ouvre par une série d’actions limitées sur les îles Salomon (Bougainville) et Gilbert, de juin à décembre 1943. En 1944, Nimitz lance ses forces à l’assaut des Marshall (janv.), des Carolines (8 févr.) et des Mariannes, où la conquête de Saipan et de Guam (juin-août), à 2 300 km de Tōkyō, permet à l’U. S. Air Force de prendre sous ses feux la capitale nippone ; l’événement, durement ressenti au Japon, provoque la démission du cabinet Tōjō (18 juill.). En même temps, les divisions de MacArthur atteignent la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée et débarquent aux Moluques (sept.). Finalement, les deux grandes offensives américaines convergent sur l’île de Leyte (Philippines), où la flotte japonaise subit, du 24 au 26 octobre 1944, un véritable désastre dont elle ne se relèvera pas.