Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Groupe 47 (suite)

Hans Werner Richter et ses amis décidèrent alors de créer une autre revue, littéraire celle-ci, le Scorpion, dans laquelle ils publieraient des extraits de leurs œuvres inédites et qui serait en même temps un forum de discussion. En septembre 1947, un certain nombre de journalistes et d’écrivains, qui tous avaient été collaborateurs de l’Appel, se rencontrèrent à Bannwaldsee, dans le sud de l’Allemagne, pour préparer la nouvelle revue. À l’occasion de cette rencontre, ils lurent certains de leurs travaux et en discutèrent âprement, Hans Werner Richter dirigeant les débats. Ce fut la première séance de travail du Groupe 47, qui ne portait pas encore ce nom, trouvé peu de temps après par un des participants, Hans Georg Brenner (1903-1961). En se quittant, ils décidèrent de préparer un spécimen de la nouvelle revue et d’en discuter ensemble lors de la prochaine rencontre, fixée aux 8 et 9 novembre 1947 à Herrlingen, près d’Ulm. La revue le Scorpion ne parut jamais, mais le Groupe 47 était né.

Liste des participants à la première réunion du Groupe 47, tous collaborateurs de la revue Der Ruf (l’Appel)

Wolfgang Bächler
Maria Friedrich
Heinz Friedrich
Dr. Guggenheimer
Isolde Kolbenhoff
Walter Kolbenhoff
Nicolaus Sombart
Toni Richter
Hans Werner Richter
Wolfdietrich Schnurre
Freia von Wühlisch
Walter Hilsbecher
Friedrich Minnsen
Franz Wischnewsky
Heinz Ulrich


Les buts des premiers participants au Groupe 47

Les journalistes et écrivains qui, sans le vouloir expressément, donnèrent naissance au Groupe 47, avaient en commun l’expérience du IIIe Reich et un grand espoir de renouveau. Leurs intentions étaient d’abord de nature politique et ne peuvent se comprendre que si on les replace dans le contexte de cette époque, dominée par l’effondrement de l’Allemagne et l’atmosphère des premières années de l’après-guerre, alors que tout semblait encore possible. Mais, déçus par l’interdiction de leur revue, rapidement évincés de toutes les publications politiques où ils auraient voulu exprimer leurs idées, qui s’opposaient à la tendance de restauration qui se dessinait en Allemagne, ils se résignèrent à se cantonner dans le domaine de la littérature, tout en espérant que les nouveaux écrivains allemands seraient conscients de leurs responsabilités politiques et sociales.

En 1962, dans l’Almanach der Gruppe 47, édité à l’occasion des quinze années d’existence du groupe, Hans Werner Richter résume ainsi les buts que lui et ses amis se proposaient en 1947 :
— former une élite démocratique dans le domaine de la littérature et du journalisme ;
— manifester constamment la possibilité de pratiquer une méthode démocratique dans un cercle d’individualistes, avec l’espoir d’exercer de loin une influence sur les masses, même si elle ne devait agir qu’à longue échéance ;
— atteindre ces deux buts sans programme, sans association, sans organisation et sans donner naissance à aucune collectivisation de la pensée.


« le Groupe 47 est une légende... » (H. M. Enzensberger)

On s’est souvent demandé si le Groupe 47 avait une existence réelle. Hans Werner Richter et ses amis sont en effet restés fidèles à un principe : le Groupe 47 n’a jamais été pressé dans le carcan d’une organisation ; fait rare en Allemagne, il n’a pas d’existence officielle. Un de ses participants, Hans Magnus Enzensberger (né en 1929), a constaté, en 1962, sur le mode ironique : « Le Groupe 47, je ne le sais que trop bien, n’a pas d’insigne. Il n’a, ô tristesse, ni président d’honneur, ni directeur, ni secrétaire, ni trésorier. Il n’a pas de membres. Il n’a pas de compte chèque postal. Il n’est pas enregistré. Il n’a ni siège social, ni statuts... Cela peut signifier deux choses : ou bien le Groupe 47 est une légende, ou bien, ce qui est beaucoup plus grave, le Groupe 47 est une coterie... 362 jours par an, le Groupe 47 n’a qu’une existence virtuelle... Il n’est au fond rien d’autre que ses séances de travail. »

Après la première rencontre de 1947, Hans Werner Richter, séduit par la possibilité qui s’était ainsi offerte à des écrivains de discuter en commun de leurs travaux, décida de renouveler l’expérience. Prenant l’initiative, il envoya régulièrement des invitations à d’autres séances de travail. Le choix des participants peut sembler arbitraire. Les fondateurs du groupe, Richter, Alfred Andersch, Günter Eich (né en 1907), Wolfdietrich Schnurre (né en 1920), Wolfgang Weyrauch (né en 1904) entre autres, invitaient personnellement de jeunes collègues inconnus dont une œuvre les avait intéressés ; certains de ces inconnus acquirent ensuite la notoriété, parfois même la célébrité. Les séances de travail eurent lieu d’abord deux fois par an ; à partir de 1954, elles ne furent plus qu’annuelles.


Les séances de travail du Groupe 47, la « chaise électrique »

Si le Groupe 47 n’a pas de statuts, il observe cependant certains rites lors de ses séances de travail, qui se déroulent selon un schéma qui s’est établi peu à peu. Les écrivains, connus ou inconnus, qui ont été invités et désirent lire un extrait de leur œuvre, prennent place sur une chaise à laquelle on a donné le nom de « chaise électrique ». Pendant les premières années, il arrivait à l’auditoire de baisser le pouce lorsqu’il voulait faire interrompre la lecture ; par la suite, les formes devinrent plus policées. Après la lecture commencent les critiques. Ces interventions sont elles-mêmes critiquées, si elles n’apparaissent pas suffisamment fondées. L’écrivain qui est sur la « chaise électrique » doit, qu’il soit célèbre ou non, écouter sans répliquer les observations de son auditoire. Tout auditeur, à ses risques et périls, peut émettre une opinion ; mais, au cours des années, certains critiques ont pris un poids plus grand : ainsi les universitaires Hans Mayer et Walter Jens ou le journaliste Marcel Reich-Ranicki.


Le Groupe 47 n’est pas une école littéraire