Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

groupe de pression (suite)

Il va sans dire que le style louche de l’ancien lobby n’a pas totalement disparu, d’abord parce qu’il arrive que, dans l’ardeur du combat, de grandes associations recourent à des procédés peu recommandables, ensuite parce que, au xxe s., les pouvoirs publics ont été de plus en plus des distributeurs de sécurité, de subventions et de privilèges, ce qui a attiré des individus qui, aujourd’hui comme hier, ne sont satisfaits qu’avec la part des autres. On peut cependant avancer que les pratiques de l’ancien lobby ne se rencontrent plus guère qu’au niveau de décisions mineures, ou de l’exécution individuelle des lois, ou de collectivités territoriales.


La critique du groupe de pression

Le terme de pression est utilisé le plus souvent par ceux qui jugent que les moyens employés pour obtenir une décision favorable sont excessifs, voire immoraux. Du point de vue de ceux qui s’ingénient à faire prévaloir leurs idées, l’action entreprise n’est jamais excessive. On la tient pour légitime : d’abord parce qu’elle découle de la liberté d’expression, et ensuite parce que, dans l’affrontement avec ceux qui veulent obtenir une décision opposée, chacun trouve son propre intérêt au moins aussi valable que celui des adversaires et se sent justifié de le défendre par tous les moyens dont il dispose.

Dans un conflit, il est fréquent de voir chaque protagoniste dénoncer les « pressions » de ses adversaires tout en assurant ses fidèles qu’il met tout en œuvre pour le triomphe de la bonne cause, et repousser avec indignation lorsqu’on l’applique à lui l’appellation de groupe de pression, bien qu’il exhorte ses sympathisants à s’unir pour mieux se défendre. On voit donc que, dans le langage courant, une nuance péjorative, réprobatrice, s’attache aux termes de pression et de groupe de pression. Cela tient essentiellement à deux raisons.

En premier lieu, parmi les moyens innombrables que l’on peut mettre en œuvre pour influencer les pouvoirs publics, il en est que la morale condamne ou que la loi interdit, comme par exemple le chantage ou la corruption, et cela jette une certaine ombre sur toute recherche d’influence, d’autant plus que les frontières entre le bien et le mal sont ici particulièrement floues : quand une manifestation cesse-t-elle d’être expression pour devenir violence ? pourquoi un chèque à un fonctionnaire est-il illicite et non une invitation à des réjouissances fastueuses ? etc. De plus, une partie importante de l’effort de persuasion reste forcément cachée aux regards (contacts individuels, marchandages, etc.), et, dans ces conditions, la tentation est forte de soupçonner les autres, surtout lorsqu’ils sont vos adversaires et qu’ils ont mieux réussi que vous, des plus noires actions.

En second lieu, les doctrines politiques les plus diverses se rejoignent dans le désir de mettre l’autorité politique à l’abri des sollicitations des gouvernés. Le pouvoir absolu du roi ou du dictateur peut tolérer de respectueuses suppliques, mais doit réduire au silence et à l’impuissance toute action collective qui semblerait vouloir ériger son propre pouvoir en face du sien. Les démocraties libérales se veulent des régimes représentatifs, mais les représentants des intérêts particuliers y sont vus d’un fort mauvais œil, soit qu’on les accuse de faire obstacle à la souveraineté populaire en perturbant son expression au Parlement (où l’élu est censé représenter la nation), soit que, en face d’un État instauré gardien de l’intérêt général, les porte-parole d’intérêts moins généraux fassent ligure d’ennemis publics. Enfin, dans les régimes autoritaires, l’idéologie officielle proclame l’effacement des antagonismes antérieurs et interdit toute association ou manifestation qui contredirait le dogme de l’unanimité. On comprend qu’à partir de bases doctrinales aussi différentes s’établisse dans l’esprit public une méfiance, peut-être une haine sourde, à l’égard des groupes de pression, même si chacun s’empresse, lorsque le régime lui en laisse la liberté et qu’il en a les moyens matériels, de s’associer à ses semblables pour mieux défendre les idées et les intérêts qui lui tiennent à cœur.

J. T.

➙ Groupe / Politique.

 A. F. Bentley, The Process of Government (Chicago, 1908 ; nouv. éd. rev. par P. H. Odegard, Cambridge, Mass., 1967). / D. Truman, The Governmental Process (New York, 1951). / J. Meynaud, les Groupes de pression en France (A. Colin, 1958) ; les Groupes de pression (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960) ; les Groupes de pression internationaux (Lausanne, 1961) ; Nouvelles Études sur les groupes de pression en France (A. Colin, 1962). / J. Meynaud et D. Sidjansky, les Groupes de pression dans la Communauté (Institut de sociologie, Bruxelles, 1971).

Groupe 47

Groupe formé en 1947 en Allemagne pour permettre à des écrivains et journalistes de se réunir en séances de travail.



Naissance spontanée du Groupe 47

Le nom même de Groupe 47 (en allem. Gruppe 47), qui ne donne qu’une indication chronologique, montre bien qu’il ne s’agit pas d’une école ; le groupe, en effet, est né par hasard. Deux journalistes allemands, qui devinrent écrivains par la suite, Hans Werner Richter (né en 1908) et Alfred Andersch (né en 1914), décidèrent pendant l’été 1946 de créer à Munich une revue, l’Appel (Der Ruf). Ils s’étaient trouvés tous les deux dans des camps de prisonniers allemands aux États-Unis, avaient été des adversaires du national-socialisme et voulaient empêcher le retour de toute dictature en contribuant à l’instauration d’une véritable démocratie en Allemagne. À cette fin, ils souhaitaient créer un nouveau journalisme, pensant qu’il serait bon d’avoir une tribune où pourraient s’exprimer les diverses tendances prêtes à concourir à l’établissement d’une autre Allemagne. Mais ces opposants au régime nazi voulaient définir eux-mêmes les principes de leur action et critiquaient aussi bien la thèse de la responsabilité collective et la politique de dénazification des occupants occidentaux que le marxisme dogmatique des Soviétiques. La revue l’Appel eut une existence éphémère : après seize numéros, elle fut, en mars 1947, interdite par le gouvernement militaire américain, qui reprochait à ses collaborateurs leur esprit trop critique et leur « nihilisme ».