Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Groenland (suite)

L’histoire

La terre la plus orientale de l’Amérique, le Groenland, fut découverte par les Vikings : l’étape islandaise avait été colonisée à la fin du ixe s., et un certain Gunnbjorn Ulfsson, qui naviguait encore plus à l’ouest, avait cru apercevoir dans les lointains une terre nouvelle et immense. En 982, Erik Thorvaldsson (dit Erik le Rouge) parvient aux abords de la côte du Groenland, que la banquise rend inaccessible à l’est. Il navigue jusqu’à l’extrémité méridionale du pays, puis remonte sur la côte ouest et séjourne trois années dans une île côtière. À son retour en Islande, il prône la colonisation de cette terre en décrivant les paysages sous de belles couleurs pour attirer les volontaires sur cette « Terre verte » (Grønland). La colonie, entreprise au sud en 985, comptera jusqu’à 300 exploitations, regroupant de 3 000 à 4 000 personnes : population considérable, même si, comme cela est à peu près certain, le pays était alors, sur ses franges, un peu moins envahi par les glaces qu’aujourd’hui. On vit de l’élevage (moutons et bœufs). On exporte des peaux d’ours blancs et l’ivoire des morses. Le christianisme est implanté par Leif, le fils d’Erik. Quelques relations se nouent avec les Esquimaux qui descendent le long de la côte occidentale à partir du xe s. : elles donnent lieu à quelques affrontements.

Dès le xiie s., un net refroidissement se fait sentir et rend la vie très difficile pour les colons, de plus en plus atteints par de graves déficiences physiologiques, comme l’a montré l’étude des squelettes d’un cimetière proche du cap Farewell. Les relations avec l’Islande et la Norvège se distendent, puis s’interrompent au début du xve s.

Les derniers Blancs ont disparu depuis longtemps lorsque l’Anglais Martin Frobisher redécouvre en 1576 les côtes méridionales du Groenland ; mais il ne peut y aborder. Les rivages rocheux de la grande île seront rebaptisés « terre de la Désolation » par un autre Anglais, John Davis, en 1585. Ce dernier, à la recherche du fameux passage vers l’Orient, parvient en 1587 au-delà de 72° de latitude, sur la côte occidentale.

Mais il faut attendre le xviiie s. pour que le Groenland commence à être véritablement connu : de 1721 à 1736, rayonnant dans la région de Godthåb, le missionnaire danois d’origine norvégienne Hans Egede donne une masse considérable de renseignements sur le pays et en relance la colonisation, qui est entreprise à partir de divers établissements sur la côte sud-ouest.

À la fin de l’union entre la Norvège et le Danemark (1814), ce dernier pays conserve la souveraineté sur le Groenland. Reconnue notamment par les États-Unis en 1916, cette souveraineté est remise en cause en 1931 par les Norvégiens, qui occupent et veulent faire reconnaître l’annexion du littoral oriental entre 71 et 75° de latitude. En 1933, la Cour internationale de justice confirme cependant les droits du Danemark sur l’ensemble du Groenland.

Incorporé au système militaire américain en 1941, le pays fait l’objet d’un accord de défense entre Copenhague et Washington le 27 avril 1951 ; une grande base militaire est alors édifiée à Thulé. En 1953, le statut colonial est aboli ; le monopole commercial, confié à une Compagnie royale, prend fin, et le Groenland, devenu partie intégrante du Danemark, envoie dès lors deux députés au parlement de Copenhague.

S. L.

➙ Arctique / Atlantique (océan) / Danemark / Esquimaux.

 J. Malaurie, les Derniers Rois de Thulé (Plon, 1954 ; nouv. éd., UGE, 1965) ; Thèmes de recherche géomorphologique dans le Nord-Ouest du Groenland (C. N. R. S., 1968). / B. Fristrup et coll., Physical Geography of Greenland (Copenhague, 1961). / G. Alexandersson, les Pays du Nord (trad. de l’angl., P. U. F., coll. « Magellan », 1971).


La découverte contemporaine

Il faut attendre le xixe s. pour que les contours de la plus grande terre arctique commencent à être véritablement connus. À l’est, William Scoresby effectue des levés entre 64 et 75° de latitude (1822). Un autre Américain, Elisha Kent Kane, parvient, au nord-ouest, jusqu’au bassin auquel a été donné son nom, au-delà du détroit de Smith (1853). Charles F. Hall, également Américain, franchit l’ultime détroit avant l’océan Arctique (le canal de Robeson), mettant fin au mythe d’une mer boréale libre de glaces (1871). En 1869 et en 1870, l’Allemand Karl Koldewey explore la côte orientale entre 73 et 77° de latitude. L’exploration littorale s’achève en 1907 avec les reconnaissances, à l’extrême nord-ouest, du Danois Ludvig Mylius-Erichsen, qui meurt d’épuisement, et avec l’expédition de Knud Rasmussen le long de la terre de Peary.

L’exploration de la calotte glaciaire elle-même fait l’objet de nombreuses expéditions, qui sont soutenues, dans les premiers temps, par l’espoir de trouver de grandes « oasis » libres de glaces. Fridtjof Nansen effectue la première traversée du pays, dans le Sud, entre 64 et 65° de latitude (1888). Préparant la conquête du pôle, Robert Edwin Peary franchit en 1892 toute l’extrémité nord du Groenland, du détroit de Smith au fjord de l’Indépendance. Parmi les autres voyageurs qui parcourent de part en part l’inlandsis, il faut encore citer : le Suisse A. de Quervain (1912), les Danois Knud Rasmussen (1912) et Johan Peter Koch (1913), ce dernier accompagné du géophysicien allemand Alfred Wegener (qui trouvera la mort sur l’inlandsis en 1930) ; les Norvégiens M. Mehren et A. Hovgaard (1931) ; l’Anglais Martin Lindsay (1934).

Les Français jouent un rôle de premier plan dans la dernière phase de l’exploration du Groenland : préparées par les campagnes hydrographiques que J.-B. Charcot, à bord du Pourquoi-pas ?, effectue sur la côte ouest à partir de 1932, leurs recherches dans l’intérieur commencent en 1934. En 1936, Paul-Émile Victor, le docteur Gessain, M. Perez et le Danois Eigil Knuth traversent l’inlandsis de la région d’Akugdlit à Angmagssalik, sur la côte sud-est. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1948, ces travaux reprendront dans le cadre des expéditions polaires françaises de P.-E. Victor et avec la coopération américaine.

S. L.