Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grisons (suite)

La décadence de l’Empire incite l’évêque de Coire, au xive s., à reconnaître secrètement l’allégeance de l’Autriche. En 1367, pour défendre leur indépendance, les chapitres de Coire, la noblesse de l’évêché et les vallées s’unissent : c’est la ligue de la Maison-Dieu (Gotteshaus Bund), qui, gagnant progressivement de nouveaux adhérents, est étendue à toutes les vallées rhétiennes, donnant naissance en 1395 à la ligue Supérieure (Oberer Bund), ou ligue Grise (Grauer Bund), et en 1436 à la ligue des Dix Juridictions (Zehngerichte Bund).

Dès 1471, mais surtout après le traité de 1524, les trois ligues (Graubünden) font alliance, mettent peu à peu fin au régime féodal et forment une fédération dirigée par une Diète (Bundestag) et un Comité (Beitag). La menace autrichienne incite la fédération des ligues grisonnes à signer des traités d’alliance avec d’autres cantons suisses ; celle-ci participe victorieusement à la guerre de Souabe, mais demeure longtemps autonome, en marge de la Confédération.

La Réforme protestante pénètre aisément chez les Grisons ; dès 1526, la Diète déclare l’évêque de Coire déchu de son pouvoir temporel, mais proclame la liberté de conscience. Au xvie et au xviie s., les Grisons — à propos de la possession du duché de Milan, de la Valteline et des passages alpins — se divisent en parti autrichien-espagnol et en parti franco-vénitien. Ces luttes intestines profitent d’ailleurs aux Habsbourg, qui s’emparent de la basse Engadine, mais qui, à la suite d’une révolte paysanne (1622) et de l’intervention française, sont chassés (1624). Le duc de Rohan* reconquiert la Valteline (1635).

Les traités de Westphalie (1648) reconnaissent l’indépendance des Grisons, à qui l’Autriche reconnaît la possession de la Valteline, de la basse Engadine, de Bormio et de Chiavenna. Mais la Valteline est annexée à la république Cisalpine — donc à l’Italie — le 22 octobre 1797.

L’Acte de médiation (1803) a pour résultat l’entrée définitive des Grisons dans la Confédération helvétique. La Constitution cantonale conserve la division en trois ligues, mais la Diète est remplacée par un Grand Conseil, le Comité par un Petit Conseil permanent, le Congrès par une Commission d’État.

Les Constitutions de 1814 et de 1854 introduisent dans le canton des Grisons la division administrative moderne en districts, cercles et communes.

P. P.

 M. Schmid, les Grisons (Erlenbach, 1960). / R. Weiss, Dos Alpenwesen Graubündens Wirtschaft, Sachkultur, Recht, Älplerarbeit und Älplerleben (Erlenbach, 1964).

Groenland

Île danoise de l’Amérique.



La géographie

La glace en couvre la plus grande partie (inlandsis) et ne laisse affleurer qu’une étroite ceinture littorale (yderland), très faiblement peuplée.


L’inlandsis

Le Groenland, fragment séparé du grand bouclier canadien, est une cuvette totalement comblée par la glace. Sa surface a l’aspect d’une voûte immense et régulière haute de plus de 2 000 m et partagée en deux dômes par un ensellement allant d’Angmagssalik à l’île de Disko. C’est une plaine d’accumulation monotone et neigeuse. Toute la périphérie, domaine de l’ablation, a une surface chaotique, crevassée, labourée par les eaux de fonte. Le front glaciaire, qui atteint la mer dans le Nord-Ouest et l’Est, est un talus plus haut de plusieurs centaines de mètres et dont se détachent des émissaires glaciaires, générateurs de petites plates-formes flottantes et surtout d’icebergs (Arctique). Malgré le retrait sensible de ce rebord, l’inlandsis n’est pas en voie de disparition, mais connaît au contraire un bilan de masse positif qui se traduit par l’exhaussement lent de la partie centrale.


L’yderland

C’est une frange discontinue, montagneuse et élevée (elle porte le point culminant de l’île), récemment abandonnée par la glace. Elle est sculptée dans le socle gneissique et, localement, dans la couverture (parfois basaltique), diversement déformée. Les abrupts et les crêtes de type alpin portent, sauf les plus élevés, des témoignages de l’érosion glaciaire : fjords profonds, vallées en auge, cirques, collines morainiques, côtes découpées et précédées d’îles nombreuses. Les versants attestent par leur modelé (nappes de débris accumulés en glacis) et leur tapis végétal (toundra) l’extrême rigueur du milieu polaire. Les rivages sont, en permanence (au nord) ou pendant de nombreux mois, bloqués par la banquise dérivante, qui entraîne des cortèges d’icebergs (Arctique). Seule la côte ouest, qui bénéficie de conditions moins sévères, reste accessible presque tout l’hiver.

C’est dans ce milieu hostile que les Esquimaux arrivèrent et se maintinrent grâce à une résistance peu commune et une faculté d’adaptation exceptionnelle, développée depuis plusieurs millénaires. Après l’échec d’une première tentative de fixation scandinave au Moyen Âge, la colonisation a commencé au xviiie s. à partir des baies fréquentées par les baleiniers. L’introduction de la civilisation marchande et technicienne, la raréfaction dangereuse des phoques et des rennes devaient, inévitablement, porter atteinte à la cohésion de la société esquimaude traditionnelle. Les autorités danoises intervinrent de façon efficace et désintéressée : scolarisation, développement de l’assistance sociale et médicale, mise en exploitation de minerais (charbon, zinc, plomb), extension des pêcheries sur les bancs de la plate-forme continentale, équipement d’une flottille assurant la desserte des principaux centres côtiers, dont les plus importants sont à l’ouest. Dans les eaux du large, la chasse des mammifères marins et la grande pêche moderne (morue, hareng) sont en voie de développement rapide grâce aux Canadiens, aux Danois (surtout représentés par les pêcheurs des Féroé), aux Norvégiens et aux Soviétiques.

Quelques éléments chiffrés

• Superficie totale : 2 186 000 km2 (quatre fois la France ; c’est la plus grande île du monde), dont : inlandsis, 1 726 000 km2 (79 p. 100, le plus grand glacier boréal) ; glaciers locaux, 76 000 km2 (3,5 p. 100) ; superficie déglacée, 383 000 km2 (17,5 p. 100).

• Épaisseur moyenne de la glace : 1 500 m ; l’épaisseur maximale de la glace est de 3 000 m environ.

• Altitude moyenne : 2 135 m ; le point culminant de la roche est à 3 700 m (Gunnbjorn Fjeld), et celui de la glace à 3 220 m (dôme nord).

• Distance au pôle Nord : 707 km (le cap Morris Jesup, à 83° 38′, est la terre la plus septentrionale du monde).

• Températures moyennes : – 31 °C sur la côte nord et – 4 °C sur la côte sud. Précipitations moyennes : de moins de 100 mm (côte nord) à plus de 1 000 mm (côte sud).

• Superficie habitée : 88 000 km2 (23 p. 100 de la superficie déglacée ou 4 p. 100 du total). Population (étrangers non compris) : environ 45 000 habitants (plus de 80 p. 100 d’autochtones), répartis en 185 centres. Taux de natalité : 50 p. 1 000 (environ) ; mortalité : 10 p. 1 000. Densité moyenne : 0,34 habitant au kilomètre carré.

• Superficie cultivée : 0,7 km2.

• Activités : pêcheries (100 000 t ; 25 000 pêcheurs) ; charbon (30 000 t ; deux tiers de la consommation locale) ; cryolithe (67 000 t).

• Principales villes : Godthåb, chef-lieu de comté (environ 8 000 hab.), Angmagssalik, Egedesminde, Holsteinsborg, Jakobshavn, Julianehåb, Nanortalik et Sukkertoppen (environ de 2 000 à 4 000 habitants chacune). Thulé (5 000 employés ; création en 1952) est une base aérienne américaine et un site BMEWS (Ballistic Missile Early Warning System).

• Administration : depuis 1953, le Groenland est une circonscription danoise (et non une colonie) gérée par un Landsråd (ou Conseil provincial).

J.-R. V.