Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

Petit à petit, les motifs deviennent plus nombreux, plus variés et couvrent une surface plus importante du vase. La technique des potiers s’améliore sensiblement. C’est au viiie s. que le style géométrique atteint à sa perfection. Des figures humaines, des animaux apparaissent désormais, peints en silhouette noire sur fond clair. Le cimetière du Dipylon, aux portes d’Athènes*, a donné un certain nombre de vases utilisés comme urnes funéraires, des cratères (grands vases trapus à large embouchure, qui servaient notamment à mélanger l’eau et le vin) et de hautes amphores (vases allongés avec un col haut et deux anses disposées symétriquement), qui sont les représentants les plus achevés de ce style. Au milieu d’une profusion de motifs géométriques, disposés en bandes horizontales, une scène, située au niveau de la plus grande largeur du vase, attire l’attention. Le peintre aime à représenter le mort étendu sur un lit de parade, entouré de pleureuses ; le char du mort est souvent figuré, attelé de deux chevaux. Sur d’autres vases, nous pouvons voir des défilés de guerriers sur leur char, des combats navals, des chasses, images de la vie des Eupatrides, ces nobles qui vivaient au moment où sont composées l’Iliade et l’Odyssée. La céramique géométrique de l’Argolide, moins soignée que celle de l’Attique, témoigne de plus d’exubérance ; sur les gigantesques cratères qui servaient de sépulture apparaissent de nombreux animaux stylisés : poissons, oiseaux. Presque chaque région du monde grec possède de la sorte son style particulier.

À côté de la céramique, les autres arts n’occupent qu’une place mineure. De l’architecture il ne reste pratiquement rien que les fondations en petites pierres de quelques temples ou de maisons, au plan en abside. Les tombes ont livré de rares bijoux, dont le décor est adapté au goût nouveau. La plastique fait son apparition avec quelques statuettes en terre cuite et surtout en bronze. Ces dernières ont été retrouvées dans plusieurs grands sanctuaires. Si les figurines d’animaux sont les plus nombreuses, on notera avec intérêt les premières représentations humaines en ronde bosse.


L’art orientalisant et l’art archaïque (fin du viiie s.-vie s. av. J.-C.)

Dans le dernier quart du viiie s., à des moments d’ailleurs variables suivant les lieux, l’art grec évolue dans une direction tout à fait nouvelle, abandonnant les motifs géométriques pour une inspiration plus naturaliste. En même temps, le travail du bronze, de la pierre et de la céramique fait des progrès considérables. Ce foisonnement culturel se produit en un siècle très important pour le monde grec, qui voit s’affirmer la cité comme forme d’organisation politique et qui noue des relations beaucoup plus étroites avec les autres peuples de la Méditerranée. Tous ces phénomènes sont évidemment liés, et l’on pense généralement que les artistes grecs ont trouvé de nouvelles sources d’inspiration dans les objets orientaux, qui arrivent désormais en plus grand nombre dans les cités et sanctuaires grecs ; on y a mis au jour de petits ivoires et surtout des objets en bronze : statuettes, boucliers ou grands chaudrons qui proviennent d’ateliers orientaux, égyptiens et aussi chypriotes, Chypre* jouant le rôle de relais entre les Grecs et les peuples orientaux. Les tissus, qui ont disparu, étaient également fort appréciés. De ces influences, l’art orientalisant tire son nom.

Mais ce n’en est pas moins un art profondément original ; jamais l’artiste ne copie. Il adopte certains procédés techniques, utilise certains motifs, comme les fleurs de lotus, s’inspire de certains thèmes, telles les frises d’animaux, en greffant ces acquisitions d’origine étrangère sur le vieux tronc géométrique. C’est particulièrement net pour la céramique, qui paraît très réceptive aux apports orientaux et qui, pourtant, n’a pas de modèle oriental. Cette synthèse contient en germe toutes les réalisations de l’art grec archaïque et même classique. Son originalité, l’art grec la doit à la société dont il est l’expression. L’artiste n’est ici au service ni du roi ni du clergé des grands temples ; le cadre de son activité est formé par la cité, dont les citoyens, qu’ils appartiennent à une cité aristocratique ou à une cité démocratique, se veulent égaux entre eux. On a souvent noté que l’art grec mettait l’homme au centre de ses préoccupations, qu’il était la première manifestation de l’humanisme : il faut, pour le comprendre, bien le situer dans le milieu humain qui en a permis l’épanouissement.


La céramique

Le viie et le vie s. voient la floraison de nombreux ateliers à la production très variée. C’est à Corinthe qu’apparaît le premier style orientalisant. Le décor des vases se renouvelle : des motifs floraux (fleurs de lotus, palmettes, rosettes), des animaux (chiens courants, lions, chèvres) ou des monstres (sphinx essentiellement) remplacent les dessins géométriques. Les représentations humaines (guerriers, chasseurs à pied ou à cheval) sont de plus en plus fréquentes. En même temps, la technique de la figure noire est mise au point ; les sujets sont entièrement peints en noir sur fond clair ; les détails anatomiques sont indiqués par des incisions ; des rehauts rouge et blanc complètent le dessin. Cette céramique corinthienne est exportée dans tout le bassin de la Méditerranée. Les formes ne sont pas très variées, et lune d’elles est particulièrement populaire : c’est l’aryballe, petit vase à panse ronde ou piriforme et à embouchure à large bord, qui contenait sans doute de l’huile parfumée. Deux phases sont à distinguer : de 725 à 625, le protocorinthien, au dessin plus aéré, dont la scène de bataille qui orne l’olpê Chigi (Rome, Villa Giulia) nous donne l’exemple le plus achevé ; de 625 à 550, le style corinthien proprement dit. Une nouvelle forme apparaît : le cratère à colonnettes, au dessin plus monumental, comme le montre le cratère du banquet au musée du Louvre.