Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grèce (suite)

La Grèce orientale, c’est-à-dire la côte d’Asie Mineure et les îles qui lui font face, a produit une céramique commune, qu’il n’est pas possible d’attribuer à des ateliers précis. Les premières manifestations du style orientalisant apparaissent sur de petits bols décorés d’oiseaux, d’une facture souvent très délicate. À partir de 650 se développe ce que les Anglais ont appelé le style de la chèvre sauvage : des files d’animaux paissants (bouquetins, taureaux, lions) décorent la panse des vases, parmi lesquels de nombreuses œnochoés (cruches à verser le vin). En outre, presque chaque cité possède des ateliers dont les œuvres sont plus raffinées. À Rhodes, les vases trouvés dans la nécropole de Fikellura sont souvent décorés d’animaux (perdrix ou lièvres) pris sur le vif. Chios a pour spécialité des calices de forme très élégante ; plusieurs ont été retrouvés à Naucratis, comptoir grec en Égypte. Clazomènes a donné de grands sarcophages de terre cuite sur lesquels sont peintes des scènes de bataille, des chasses : ici, la céramique est bien le reflet de la grande peinture. Dans la production des ateliers cycladiques, on notera les vases méliens, sans doute fabriqués à Paros à partir de 650 : une grande amphore du musée d’Athènes, sur laquelle on voit Apollon et Artémis montés sur leur char, en donne un bon exemple. Vers le milieu du vie s., ces ateliers orientaux se mettent à imiter la céramique attique.

Celle-ci occupe une place à part dès le début de notre période. Au viie s., Athènes n’exporte pas de céramique. Ses peintres accordent une grande importance à la figure humaine et représentent des scènes de la mythologie grecque au dessin très ample. Voyez les deux Gorgones s’enfuyant devant le corps de Méduse, dont Persée a coupé la tête ; la scène décore toute la panse d’une grande amphore d’Éleusis (musée d’Éleusis), qui est peut-être le chef-d’œuvre du style protoattique. Le style archaïque proprement dit apparaît vers 625, sous l’influence de Corinthe, à qui les peintres attiques ont pris l’emploi des rehauts et des incisions. Le Vase François (Florence, musée archéologique), cratère trouvé en Etrurie, est un des plus beaux témoins de la première période (vers 570). Les scènes empruntées à la mythologie, comme la chasse de Calydon ou la geste de Thésée, sont quasi des miniatures ; mais le dessin révèle un souci de précision anatomique qui est caractéristique de l’atelier attique. Celui-ci va désormais supplanter tous ses rivaux sur les marchés grecs et étrangers. Ces succès vont de pair avec de constantes recherches pour améliorer la précision et la finesse du dessin. À partir de 550, on assiste à l’éclosion de l’œuvre de grands maîtres comme Exékias ou le peintre d’Andokidès.


Le début des arts plastiques

Si la céramique n’était, aux yeux des Grecs, qu’un art mineur, la plastique, en pierre ou en bronze, est l’expression majeure du génie artistique grec. C’est par elle que l’homme et la cité manifestent leur piété et leur reconnaissance envers les dieux. De taille modeste ou grande statue, en ronde bosse ou en relief, l’œuvre plastique est avant tout une offrande consacrée dans un sanctuaire ou sur une tombe. Le mot qui désigne la statue, agalma, signifie « qui fait plaisir » au dieu.

On qualifie traditionnellement la statuaire du viie s. de dédalique, du nom de Dédale, artiste plus ou moins mythique, en qui les Grecs reconnaissaient leur plus ancien sculpteur. Un type nouveau apparaît : la statue debout, frontale, les jambes réunies, les bras collés au corps, la tête triangulaire, la chevelure en « perruque ». Elle dérive probablement de modèles égyptiens, comme les Grecs le pensaient déjà. La Dame d’Auxerre, au musée du Louvre, en est un des meilleurs exemples ; c’est sans doute une œuvre crétoise. À côté de la Crète, Naxos joue un rôle de premier plan dans l’histoire de la sculpture dédalique : les Naxiens ont édifié dans l’île voisine de Délos* une des plus anciennes grandes statues féminines ainsi que le colosse, statue masculine atteignant quatre fois la grandeur humaine, et surtout les célèbres lions qui bordent le lac Sacré. À ces derniers fait écho le sphinx de Delphes*, qui se dressait sur une colonne de plus de 9 m de haut.

Mais les sculpteurs ont constamment tendu à insuffler plus de mouvement et de réalisme à leurs créations encore très statiques. Ces recherches jalonnent l’histoire de la plastique au vie s. Elles sont très sensibles dans l’évolution des deux types principaux : le kouros (couros), jeune athlète nu, et la korê (coré), jeune fille revêtue de ses plus beaux atours, prête à danser en l’honneur de la déesse. Les Jumeaux d’Argos (musée de Delphes), dédiés par cette cité à l’Apollon de Delphes vers 590-580, offrent une magnifique illustration du premier. Trapus, puissants, ils montrent le goût des sculpteurs doriens pour les constructions solides et harmonieuses. L’Héra de Samos (Louvre), qui, malgré son nom, ne représente sans doute pas la déesse, mais plutôt une prêtresse, est un des chefs-d’œuvre des écoles ioniennes. C’est de l’harmonie des drapés accompagnant ou prolongeant les volumes que joue ici le sculpteur. L’émulation entre maîtres doriens et maîtres ioniens n’est nulle part plus féconde qu’à Athènes. L’ensemble des korês de l’Acropole, paradoxalement conservées, parce qu’à la suite des destructions des Perses en 480 elles furent enfouies dans une fosse, nous présente les diverses tendances de la plastique grecque dans la seconde moitié du vie s. Ces efforts culminent dans l’œuvre d’Anténor, sculpteur qui réalisa les statues du fronton de Delphes et lune des plus belles korês d’Athènes.

Par opposition à la ronde-bosse, qui fixe l’homme dans une attitude intemporelle, le relief est un art du récit, illustrant un instant précis d’une légende. Mais on ne peut le dissocier du décor des temples, et nous en reparlerons à propos de l’architecture.