Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

La restauration byzantine

Byzance essaie très tôt de reprendre le contrôle du pays : en 658 est signalée une expédition victorieuse de Constant II contre les Sclavinies, mais toutes les tribus qui enserrent Thessalonique se révoltent entre 675 et 681, et assiègent la ville. Sans succès. En 688-89, Justinien II organise une campagne rapide qui le mène jusqu’à Thessalonique. Une terrible épidémie de peste en 746-47 contribue à réduire la population hellénique, et ce dépeuplement provoque un nouveau et considérable afflux de Slaves dans l’Hellade et le Péloponnèse, qui est complètement coupé de l’autorité centrale depuis le milieu du viie s. En 783, le logothète Staurakios († 811) parvient à rétablir la souveraineté impériale sur ces régions, mais, malgré ces efforts et l’importance des résultats obtenus, la soumission des Slaves est loin d’être achevée. En 805, des Slaves du Péloponnèse se soulèvent et, avec l’aide de Sarrasins, lancent une violente attaque contre Patras, mais ils sont vaincus et astreints à des redevances au bénéfice de l’église locale de Saint-André. Leur défaite marque une étape décisive dans la regrécisation du pays. Dès le début du ixe s., celle-ci est d’ailleurs efficacement secondée par une intense propagande religieuse, un des moyens les plus puissants d’assimilation, et par une réorganisation administrative de la région : création des « thèmes » des Helladiques (v. 695) de Macédoine* et du Péloponnèse* (fin du viiie s.) ainsi que de Thessalonique* (début du ixe s.). Mais, sous la régence de Théodora (842-856), le stratège Théoctiste Bryenne fera encore campagne dans le Péloponnèse pour achever de soumettre les Slaves des contrées montagneuses de 1’intérieur et du Sud-Est.


La menace bulgare

Le répit procuré par ces expéditions allait être de courte durée : de nouveaux ennemis menacent la Grèce. Ce sont, dès le milieu du viiie s., les Arabes, qui, depuis leurs bases de Crète, de Sicile et d’Italie méridionale, assaillent les côtes grecques, mais sans s’y établir ; ils s’emparent de Thessalonique en 904 et en déportent la population. Ce sont surtout les Bulgares, qui se sont taillé un grand royaume dans les Balkans, qui englobe toute la partie septentrionale de la Grèce depuis le golfe d’Aulon (auj. Vlorë) jusqu’aux abords de Thessalonique. En 918, le tsar Siméon traverse l’Hellade et s’avance jusqu’à l’isthme de Corinthe. Une révolte des tribus slaves du Taygète, Mélingues et Ezérites, paraît coïncider, vers 924-927, avec des incursions de groupes bulgares. La menace s’aggrave avec l’ambitieux tsar Samuel : des attaques répétées contre Serrès (auj. Sérrai) et Thessalonique sont suivies d’incursions fréquentes en Thessalie ; en 985 ou 986, Lárissa tombe au pouvoir du tsar ; en 996, les troupes de ce dernier parcourent la Béotie, l’Attique et pénètrent dans le Péloponnèse. L’empereur Basile II* se promet de débarrasser l’empire de ce fléau, mais il lui faudra trente ans de luttes presque ininterrompues pour en venir à bout. En 1018, il fait son entrée solennelle à Ohrid, capitale de Samuel. Sur le chemin du retour, il visite Athènes ; il monte au Parthénon, devenu une église de la Vierge, remercier Dieu de lui avoir permis de rétablir l’autorité byzantine sur toute la péninsule balkanique, pour la première fois depuis son occupation par les Slaves.


Le répit des xie et xiie siècles

L’accalmie consécutive à la destruction du royaume bulgare dura presque deux siècles. À part des séditions militaires et le passage de bandes de croisés en 1096, qui n’affectèrent que la Grèce septentrionale, il faut signaler en 1064-65 les raids brefs, mais dévastateurs des Oghouz, dont les hordes commirent les pires déprédations jusqu’au cœur de l’Hellade, et pendant le règne de Michel VII Doukas (1071-1078) ceux des Petchénègues à travers la Thessalie et la Béotie. Dans la décennie suivante apparaissent les Normands. En 1081, ils débarquent en Épire sous la conduite de Robert Guiscard, traversent la Macédoine, la Thessalie et mettent le siège devant Lárissa, mais une vigoureuse contre-offensive d’Alexis* Comnène les en débusque en 1083, et, deux ans plus tard, ils sont contraints de repasser l’Adriatique.

Le règne des Comnènes* est pour la Grèce celui du répit. Au cours du xiie s., cette province ne subit que deux attaques. Durant l’automne 1147, le roi normand Roger II s’empare de Corfou et enlève Corinthe et Thèbes, centres importants de l’industrie de la soie. En 1185, les Normands de Guillaume II débarquent à Dyrrachium, s’emparent de Thessalonique le 24 août, cependant que leur flotte occupe Corfou, Céphalonie (auj. Kefallinía) et Zante (auj. Zákynthos). Ils marchent ensuite sur la capitale, mais, vaincus à Mosynopolis et à Dimitritsa (à l’embouchure de la Struma), ils doivent abandonner leurs conquêtes.

Dans les dernières décennies du siècle, sous les Anges*, ce sont les abus des fonctionnaires et des seigneurs indépendants ainsi que l’audace des pirates qui ruinent les campagnes et les villes. Leurs méfaits conjugués conduisent aux mêmes résultats : difficultés financières, appauvrissement, anarchie et déséquilibre social. « Contre un ennemi décidé à se tailler dans les lambeaux de l’empire des royaumes et des principautés, le pays grec ne pouvait compter ni sur ses forces propres, ni sur celles de l’empire qui s’effondrait et dont la ruine était déjà consommée quand les conquérants commencèrent à fouler son sol » (A. Bon).


L’émiettement de la Grèce

La quatrième croisade (1203-04) aboutit au partage de l’Empire byzantin, dont la partie occidentale fut dépecée entre les barons francs et les Vénitiens. La capitale, avec la Thrace, constitua l’Empire latin (1204-1261) ; la Macédoine et la Thessalie formèrent le royaume de Thessalonique ; la Grèce centrale fut divisée en divers duchés ; le Péloponnèse devint la principauté française d’Achaïe ou de Morée ; les îles, notamment l’Eubée et la Crète, furent cédées à Venise. Il n’échappa aux croisés que l’Épire*, érigée en État indépendant, concurrent de l’empire de Nicée*, par Michel II Ange.