Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

C’est au début de cette période qu’apparaît en Crète l’écriture sous la forme de caractères idéographiques — écritures hiéroglyphes A et B —, et presque dans le même temps, à Phaistos, comme l’a souligné le professeur Doro Levi, est inventée l’écriture dite « linéaire A ». Ces écritures restent indéchiffrées malgré de nombreuses tentatives faites sur le linéaire A.

Pendant les deux premières périodes (minoen moyen I et II), les Crétois restent en étroites relations commerciales avec la Syrie et l’Égypte. Lorsque, vers 1700, les invasions des Hyksos perturbent le commerce et le développement pacifique des civilisations du Proche-Orient, les Minoens portent leurs intérêts commerciaux vers la mer Égée, où ils établissent des comptoirs (Rhodes, Cythère, peut-être Mêlos [Mílos]), apportant dans le monde grec et cycladien leurs conceptions originales, qui vont profondément marquer ces cultures.


Le bronze récent et l’hégémonie mycénienne

Pendant un siècle encore (1550-1450 av. J.-C.), les Minoens conservent leur hégémonie, et leur civilisation raffinée brille alors de tout son éclat. Cependant, leur action sur le continent porte ses fruits, et les Grecs du début de l’Helladique récent se convertissent aux modes minoennes. Vers 1450, une dynastie grecque s’installe à Knossós, et les scribes des nouveaux maîtres adaptent l’ancienne écriture linéaire à la nouvelle langue : le linéaire B s’est ainsi révélé exprimer un grec archaïque mêlé de mots appartenant au vocabulaire des populations soumises.

C’est soit vers cette époque, soit plutôt dans la première moitié du xive s. que sont détruits le palais de Knossós et sans doute les autres palais crétois.

Le désarroi causé par la catastrophe permet aux Grecs du continent de s’imposer en force à toute la Crète, qu’ils occupent et où se développe alors une culture où dominent les éléments mycéniens, eux-mêmes déjà fortement « minoïsés ».

En Grèce même, les Grecs ont divisé le pays en petits États centralisés autour de palais fort différents de ceux de la Crète, centrés selon la tradition continentale sur le mégaron, vaste salle carrée pourvue d’un préau extérieur et d’un foyer central entouré de quatre colonnes destinées à soutenir le toit. Quelques-uns de ces palais ont été exhumés en Thessalie (Iôlkos, près de l’actuelle Vólos), en Béotie (île de Glâ, dans l’ancien lac Kôpaïs, où l’on trouve une conception originale du palais constitué par deux ailes), en Argolide (Mycènes et Tirynthe), en Messénie (Pylos).

Les tablettes administratives qui ont été retrouvées à Pylos, à Mycènes et à Knossós nous permettent de nous faire une certaine idée de la société mycénienne. La société était divisée en plusieurs classes, parmi lesquelles on est parvenu à identifier : les do-e-ro (en grec, douloi), les esclaves ; les da-mi-jo-we-ko (en grec, dêmiourgoi), les ouvriers, comprenant paysans et artisans de condition libre ; les i-je-re-u (en grec, hiereis), les prêtres ; les te-re-ta (en grec, telestai), les « colons militaires » auxquels on a alloué des terres (ki-ti-me-na) travaillées par des esclaves ; enfin les ka-ma-e-we, les tenanciers de terres communales. La hiérarchie administrative comprend : le wa-na-ka (en grec, anax), le roi ; le la-wa-ge-te (en grec, lawagetas), le chef des armées ; les e-qe-ta, sans doute les « chevaliers » possesseurs d’un char ; les qa-si-re-u (en grec, basileis), sortes de maires possédant une « maison » et un conseil d’anciens, et chargés en particulier de distribuer le bronze aux forgerons ; les ko-re-te-re et les da-mo-ko-ro, dont on ne distingue pas très bien l’étendue des fonctions, mais qui étaient certainement chargés de fournir métaux, bétail et peaux. Le roi ainsi que le lawagetas possèdent leurs terres, le te-me-no (en grec, temenos), le reste des terres étant divisé en ke-ke-me-na, terres communales, et en ki-ti-me-na, terres des colons.

De ces faits, il semble ressortir que le système social mycénien était un système socialiste du type égyptien, dans lequel la terre appartenait à l’État et était concédée à des exploitants qui n’en n’étaient pas propriétaires.

Ces textes jettent aussi quelques clartés sur la religion créto-mycénienne, qui, comme on l’avait pensé, avait transmis de nombreux éléments à la religion grecque classique. La déesse mère se manifeste sous plusieurs aspects : maîtresse des fauves, « maîtresse d’Atana » (Athéna ?), « maîtresse du labyrinthe » à Knossós. On retrouve aussi les noms des divinités classiques : Poséidon, Zeus, Paiawon (Péan), Enyalios (Arès).

Si les palais crétois ont servi de sanctuaires, on connaît aussi des sanctuaires situés sur les sommets, et les grottes étaient aussi des lieux de culte (Diktê, Ida).

La brillante civilisation mycénienne s’est étendue aux xive et xiiie s. jusqu’en Sicile et en Syrie (Ras Shamra) avant de disparaître au xiie s., à la suite de guerres internes, une grande sécheresse ayant peut-être favorisé ce déclin. Dans le même temps, les guerriers doriens, venus sans doute au départ comme mercenaires, vont porter le coup de grâce à cette civilisation expirante.

G. R.


La Grèce ancienne ou classique

La Grèce est un territoire de médiocre importance, comprenant le sud de la péninsule balkanique et les îles de la mer Égée. Peu à peu, les Grecs débordèrent ce cadre trop étroit, et le monde grec s’étendait, à l’époque d’Alexandre, de la Sicile à l’Indus.

Après la période des grandes migrations, un peuple grec issu du mélange de populations d’époques et d’origines diverses — Indo-Européens (Achéens, Doriens) et Méditerranéens — s’est trouvé constitué, mais ce n’est que lentement que les Grecs arrivèrent à la conscience de l’unité de leur société et de la valeur du monde qu’ils édifiaient. L’hellénisme naquit alors, dernier venu des grandes civilisations méditerranéennes.

La civilisation grecque est issue des poèmes homériques, l’Iliade et l’Odyssée, œuvre collective d’une conscience ethnique s’éveillant et créant peu à peu les mythes dont se nourriront des générations d’enfants grecs. C’est Homère qui donna leur nom et leurs attributs aux dieux qui, par-dessus les particularismes locaux, constitueront un panthéon profondément hellène. Il se fonda ainsi d’abord une sorte de communauté religieuse dont les membres se réunissaient pour des fêtes (panégyries) qui exaltaient l’unité du peuple grec : quand, à Olympie, au viiie s., à l’Isthme, à Némée, à Delphes, se célébraient les concours en l’honneur de Zeus, de Poséidon ou d’Apollon, auxquels pouvait participer tout homme qui parlait grec et était de naissance libre, les guerres s’arrêtaient, chacun communiait dans sa fierté grecque ; ainsi aurait pu se forger une nation.