Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

glaciaire (relief) (suite)

Plus caractéristique est l’alternance d’ombilics et de verrous tout au long de la vallée glaciaire. Les premiers sont de petites plaines de remblaiement à fond plat ou des cuvettes lacustres. Les seconds correspondent à des affleurements rocheux moutonnés : les uns ne provoquent qu’une brutale accélération de la pente du lit (verrou-gradin) ; d’autres font saillie et barrent plus ou moins complètement la vallée, obligeant les eaux à s’inciser en gorges étroites (verrou-barre). Souvent, les influences structurales sont déterminantes : les ombilics correspondent à des roches fortement diaclasées très sensibles à la désagrégation, et les verrous à des roches compactes très résistantes. Mais il est bien des exceptions à ce principe. Pour les expliquer, certains recourent aux variations de débit glaciaire en fonction des confluences et des diffluences, qui régleraient la puissance de l’érosion. Pour d’autres, la glace creuse d’autant plus qu’elle est plus épaisse et donc accentue les irrégularités du profil de la vallée préglaciaire. Il est vraisemblable que toutes ces influences jouent, mais varient selon les situations locales.

• À l’extrémité des langues glaciaires, les moraines s’accumulent en un amas au tracé arqué et au profil dissymétrique, le vallum morainique. Les eaux de fonte en remanient les débris les moins grossiers et les étalent vers l’aval en un cône proglaciaire qui se raccorde aux remblaiements fluvio-glaciaires. Après le retrait du glacier, les vallums retiennent souvent des nappes d’eau qui se colmatent lentement. Lorsque les glaciers débouchaient sur un piémont, ils y creusaient souvent des cuvettes profondes à l’arrière des vallons morainiques : telle est, par exemple, l’origine des grands lacs italiens (lac de Côme, avec 410 m de profondeur). Enfin, lors du retrait glaciaire, la langue n’occupe plus toute la largeur de sa vallée ; des eaux de fonte circulent sur les bords de l’auge et y étalent les moraines latérales : ainsi se forment les « kames », qui s’individualisent en terrasses après la fusion complète de la glace.


Le modelé glaciaire inlandsisien

Il est beaucoup plus monotone que celui des glaciers alpins. D’immenses surfaces des boucliers canadien et fennoscandien, que les inlandsis quaternaires ont recouverts totalement, ne présentent que de molles ondulations aux dénivellations médiocres. Les collines, taillées dans les roches cristallines, sont généralement dissymétriques : la face amont, en pente douce, a l’aspect caractéristique de roche moutonnée ; la face aval, en pente plus accusée, est plus rugueuse et présente un profil en marches d’escalier.

Dans les creux intermédiaires, mal drainés généralement, s’observent de minces placages discontinus de moraine grossière. Près des marges de l’inlandsis, les moraines sont plus abondantes et peuvent recouvrir complètement la roche en place sur de vastes espaces. Mais le modelé désordonné de molles collines ne se différencie guère de celui qui a été précédemment décrit, sauf lorsque la glace a façonné des « drumlins ». On appelle ainsi des collines groupées en champs, orientées parallèlement les unes aux autres suivant l’axe d’écoulement de la glace, de forme allongée, de profil convexe aérodynamique, et formées d’un noyau rocheux enrobé de moraine.

Sur les bords relevés des boucliers nordiques (Labrador, Norvège), le paysage de fjell (ou fjeld) offre une plus grande diversité : de hauts plateaux ondulés sont dominés par des reliefs résiduels creusés de cirques et entaillés de profondes auges envahies par la mer, les fjords.

Les marges inlandsisiennes présentent des formes plus variées dans le détail, car l’action des eaux de fonte se combine à celle de la glace. Dans le domaine recouvert par la glace, la fonte très active fournit en grande abondance des eaux qui se concentrent dans des torrents sous-glaciaires. Ceux-ci creusent des cuvettes digitées, profondes de quelques dizaines de mètres et longues de plusieurs kilomètres ; celles-ci sont noyées par les eaux après le retrait glaciaire et forment des lacs comme ceux de la Havel à l’ouest de Berlin. Inversement, les torrents sous-glaciaires accumulent des débris remaniés des moraines de fond de l’inlandsis, surtout en phase de récession ; telle est l’origine des collines allongées, étroites, sinueuses, tantôt empâtées, tantôt étranglées, disposées parallèlement les unes aux autres, auxquelles on a donné le nom d’œsar (sing. ôs) et qui sont très nombreuses dans le sud de la Finlande par exemple. Après le retrait de l’inlandsis, la fonte laisse sur place d’abondantes moraines de fond au relief désordonné troué d’innombrables dépressions, les unes dues aux irrégularités originelles du dépôt, les autres, de forme circulaire ou elliptique, résultant de l’effondrement de la moraine à la suite de la fusion d’un culot de glace résiduelle noyé sous les débris.

En bordure de l’inlandsis s’accumulent des moraines bordières qui forment des alignements de collines allongées, pouvant avoir plusieurs centaines de mètres de hauteur, et de profil dissymétrique : la pente raide est tournée vers le glacier, et la pente douce vers l’extérieur, où les eaux de fonte trient et litent les matériaux. Dans le détail, ces bourrelets sont fort complexes : la bordure de l’inlandsis est en effet irrégulière et instable à la fois ; en oscillant, elle pousse et imbrique d’innombrables lobes plus ou moins arqués.

Au-delà des moraines bordières commence le domaine proglaciaire, où les eaux de fonte redistribuent les débris les plus fins, aisément mobilisables : ainsi se construisent des cônes sableux très aplatis et souvent coalescents. Ce sont les sandur d’Islande. Entre les têtes de ces cônes, les secteurs déprimés, correspondant aux angles morts de remblaiement, sont mal drainés et généralement tourbeux.

Enfin, ces eaux, recueillies à l’aval des cônes sableux, sont évacuées dans de larges vallées (pouvant atteindre 10 km) disposées parallèlement au front de l’inlandsis. Ces vallées, les Urstromtäler des auteurs allemands et les pradoliny des auteurs polonais, écoulent des débits considérables en période estivale et charrient des masses énormes de sable. Après le retrait glaciaire, elles ont été tronçonnées par suite d’un réaménagement de l’hydrographie. Mais elles canalisent encore les sections est-ouest des fleuves de la plaine germano-polonaise, par exemple, où les glaciations successives ont édifié plusieurs complexes marginaux d’inlandsis.