Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

glaciaire (relief) (suite)

Le problème de l’érosion glaciaire

Diverses théories ont été proposées pour rendre compte des formes du modelé glaciaire. Suivant l’efficacité qu’elles accordent au travail du glacier, on peut les regrouper en trois grandes tendances. Les ultraglacialistes estiment que le glacier est le plus puissant de tous les outils d’érosion. Celui-ci creuse de profondes vallées dont le modelé en auge tient aux lois spécifiques du courant glaciaire. Pour J. Blache, par exemple, les ombilics et les verrous sont des phénomènes comparables aux seuils et mouilles des lits fluviaux, mais à une autre échelle. Les antiglacialistes, constatant par exemple que des placages de débris meubles d’âge tertiaire ont été laissés en place par les inlandsis quaternaires sur le bouclier scandinave, affirment que le glacier, loin d’éroder, protège au contraire les reliefs qu’il recouvre. Le creusement des vallées, indéniable, s’expliquerait alors par l’action des torrents sous-glaciaires, qui recueillent les eaux de fusion, ainsi que par le rôle de bulldozer que jouerait le glacier en phase d’englacement, poussant au-devant de lui des quartiers de roche préalablement fragmentés par le gel. Les transactionnels, enfin, adoptent une position intermédiaire : E. de Martonne, par exemple, juge que le glacier aménage les formes préglaciaires en creusant davantage là où il est plus épais, ce qui a pour résultat d’exagérer les inégalités initiales du relief.

En fait, ces théories contradictoires s’expliquent dans la mesure où les processus de l’érosion glaciaire sont encore bien mal connus faute de pouvoir être étudiés commodément au fond du lit glaciaire. Schématiquement, deux modes d’action peuvent être distingués.

• L’abrasion, ou usure par frottement. La glace pure n’exerce aucune action, mais, en râclant les débris qu’elle transporte sur son lit, elle produit soit un polissage, soit un striage, suivant la résistance de la roche qui constitue le lit et selon la nature et la dimension des débris entraînés. Le frottement est d’autant plus accusé que la glace est plus épaisse, du moins jusqu’à un certain seuil, que sa vitesse est plus rapide et que la rugosité du lit augmente. Toutefois, si les protubérances du lit sont assez hautes pour que l’écoulement de la glace se fasse par glissement plastique, les débris enchâssés dans la glace tendent à s’enfoncer dans sa masse plus plastique et usent moins la roche. À l’échelle du mètre, donc, le glacier tend à accuser le relief plus qu’à l’effacer.

• Le débitage sous-glaciaire, ou arrachement de blocs. Il est plus difficile à concevoir dans la mesure où la glace n’exerce que des contraintes de cisaillement bien trop faibles pour pouvoir rompre une roche saine. C’est pourquoi il est nécessaire d’associer d’autres processus au délogement des blocs par le glacier. Suivant certains auteurs, c’est la gélifraction qui débiterait la roche ; mais peut-elle s’exercer efficacement au fond d’une langue glaciaire, où la température s’abaisse peu au-dessous de 0 °C, ou au fond d’un inlandsis, où la température est très basse en permanence ? À moins de considérer que la gélifraction précède l’avancée du glacier ; mais est-elle capable de défoncer la roche à une grande profondeur, ce que suppose le creusement d’auges très profondes ? D’autres accordent une grande importance à la décompression mécanique, qui ferait « s’expanser » et rompre la roche ; mais le glacier creuse-t-il assez rapidement pour permettre à ce phénomène de jouer réellement ? On peut encore penser que des tensions importantes se manifestent dans les cavités situées à l’aval des protubérances soumises à de brutales variations de pression. En dernier lieu, la lithologie joue un rôle certain : les roches fortement diaclasées se débitent beaucoup plus facilement que les roches compactes.

L’efficacité de ces divers processus apparaît fort inégale d’un point à un autre du lit glaciaire : l’ablation se concentre sur les zones de faiblesse du lit, que la glace creuse et surcreuse, alors que les roches saines sont seulement polies. La glace serait donc un outil sélectif. Ainsi, sous les inlandsis, des auges ont été creusées à l’emplacement de lignes de broyage, tandis que les plates-formes voisines étaient à peine égratignées. À plus petite échelle, le mode d’action de la glace est différent à l’amont des protubérances, où prévaut l’abrasion, et à l’aval, où prévaut le débitage. Cette dissymétrie semble, cependant, ne se manifester que sous les glaciers minces, où la glace décolle de son lit à l’arrière des obstacles. Elle n’apparaîtrait donc que lorsque le glacier s’amincit en phase de retrait et ne constituerait qu’un aménagement de détail. L’essentiel de l’action glaciaire se réaliserait en effet au cours de la phase de progression : le glacier se charge alors d’une grande quantité de débris préalablement fragmentés ; bien armé, il exerce une abrasion considérable ; c’est alors également qu’il débite au maximum les roches fissurées. Puis, le stock des débris et blocs aisément délogeables étant évacué, la glace est de moins en moins armée, et son action s’atténue progressivement.

R. L.

 J. Tricart et A. Callieux, Traité de géomorphologie, t. III : le Modelé glaciaire et nival (S. E. D. E. S., 1962). / J. Tricart, Géomorphologie des régions froides (P. U. F., 1963). / C. Embleton et A. M. King, Glacial and Periglacial Geomorphology (Londres, 1968).

glacier

« Toute grande masse de glace naturelle provenant de la neige, permanente à l’échelle humaine » (L. Lliboutry).


Ainsi définis, les glaciers couvrent à peu près 11 p. 100 de la surface des continents. Ils sont presque exclusivement cantonnés dans les régions polaires ; ailleurs, ils sont étroitement localisés en altitude dans les massifs montagneux les plus élevés. Leur existence est en effet conditionnée par des données thermiques rigoureuses.