Germain (les) (suite)
Son fils, Thomas (Paris 1673 - id. 1748), devait illustrer la lignée. On le trouve à Rome dès 1688 ; il n’entrera qu’en 1699 à l’Académie de France, pour la quitter en 1706, couvert des éloges de La Teulière, son directeur. À cette époque, un esprit de novation régnait chez les jeunes artistes. L’influence baroque du Bernin, de Borromini les animait. Thomas Germain, au contraire, était frappé par la grandeur des ordonnances antiques. Sans doute, les impératifs du goût public l’obligeront-ils à composer avec la rocaille* : mais, toujours, il en saura régler la fantaisie. Le Régent l’avait choisi pour son orfèvre. Il sera celui du roi. Pour la reine, il cisèle, en 1726, la « toilette » décrite dans le Mercure de France : on y dénombre trente-cinq vases et boîtes, notamment plusieurs jattes en forme de nef dont les « châteaux » sont peuplés d’enfants attachant des dauphins. En 1733, le maître ciselait une écuelle qui subsiste, ainsi que le flambeau de l’ancienne collection Pichon, et commençait les pièces de haute fantaisie formant le surtout du roi de Portugal. L’ensemble, où la « main divine » qu’a célébrée Voltaire obéit au sens architectural que Thomas Germain gardait de ses premières études, est conservé dans les collections nationales du Portugal.
Le fils du grand artiste, François Thomas (Paris 1726 - id. 1791), prit la maîtrise peu après la mort de son père pour assumer la direction de l’atelier où il avait travaillé comme compagnon, notamment pour l’exécution du surtout du roi de Portugal. La pièce principale, le grand « dormant » à sujet de chasse, haut de trois pieds, serait son œuvre personnelle. En 1760, pour la tsarine Elisabeth, il exécutait un autre surtout, plus classique, dont il demanda les maquettes à Pigalle* : ce fut une réussite de l’orfèvrerie française. François Thomas n’en demeurait pas moins fidèle à la rocaille : le Mercure a décrit un surtout de sa main, simulant un rocher tout fissuré d’où s’échappent des sources et qu’entourent des arbres dont les branches portent des flambeaux. Le maître est l’inventeur d’un procédé de maté, dit « à l’acier cassé », qui suppose l’emploi de morceaux d’outils brisés, dont la cassure provoque un guillochis irrégulier, plus efficace que le travail à la molette, aux sillons parallèles. Le mat ainsi produit rend plus éclatant le luisant des « brunis ». La renommée de François Thomas lui valait un afflux de commandes qui dépassait les possibilités de l’atelier. Les quatre compagnons autorisés par le statut des orfèvres ne suffisaient plus. Germain s’avisa de constituer son atelier en entreprise commanditée. C’était contrevenir au règlement : la communauté se pourvut près des autorités de tutelle, obtint un arrêt qui destituait le maître et entraînait sa faillite, avec un passif énorme de 2 400 000 livres. Il était vain d’espérer de se relever, François Thomas disparut ; il mourut vingt-six ans plus tard.
Un second Pierre Germain (Avignon 1716 - Paris 1783) pourrait avoir avec cette lignée quelque lien de parenté. Ciseleur de talent, maître en 1744, il est élu garde de la corporation parisienne des orfèvres en 1757, grand garde en 1771. Il publie en 1748 ses Éléments d’orfèvrerie, cent planches dont quatre-vingt-treize sont de son invention, les sept autres étant dues à son collègue Jacques III Roettiers (1707-1784).
G. J.