Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gênes

En ital. Genova, principal port d’Italie, sur le golfe de Gênes ; 850 000 hab. (Génois).


Gênes est la cinquième ville d’Italie. Capitale de la Ligurie, elle a un rôle régional notable, mais elle est avant tout le premier port italien, débouché maritime des régions hautement industrialisées de la plaine padane (Piémont, Lombardie). C’est aussi un grand complexe industriel. Le dynamisme urbain est ainsi fondé sur les activités secondaires et tertiaires.


Site et situation

La ville au fond du golfe de Gênes est caractérisée par le contraste entre un site exécrable et une situation excellente. La retombée brutale de l’Apennin sur la mer détermine une côte rocheuse, fermée, avec de multiples indentations de détail. Le site primitif est composé d’un amphithéâtre de collines s’élevant jusqu’à 500 m, limité à l’est par le torrent Bisagno et à l’ouest, 5 km plus loin, par le torrent Polcevera. Ces collines enserrent une baie semi-circulaire, large de 2 km, profonde d’un peu plus de 1 km, largement ouverte vers le sud et, de ce fait, exposée aux vents d’ouest et de sud-ouest.

Le site urbain est donc médiocre, car l’absence de vastes terrains plats limite les extensions. Tout cela est compensé par les avantages de la position. La ville est placée au point de la côte ligure le plus proche de la plaine padane, là où, précisément, la traversée de l’Apennin est la plus facile. En effet, par la vallée du Polcevera, on atteint aisément le col dei Giovi (473 m) et, de là, par la vallée de la Scrivia, la plaine padane. Pour conserver cet avantage, les Génois n’ont pas reculé devant d’énormes travaux tendant à gagner des espaces sur la mer.

E. D.


L’histoire


Les origines

Défendue contre des incursions continentales par l’Apennin ligure, disposant d’une rade en eau profonde, Gênes est une ville « naturellement jetée à la mer » pour reprendre l’expression de Fernand Braudel. De plus, elle apparaît bien située au carrefour de la via Postumia (Gênes-Aquilée) et de la via Aurelia (Marseille-Rome). L’antique Genua aurait été réduite par les Romains, dès 218 av. J.-C., à la condition de cité fédérée. Lieu de débarquement du consul P. Cornelius Scipio en 218, incendiée par le Carthaginois Magon en 205, Gênes semble n’avoir été romanisée que fort superficiellement en raison de l’étroitesse de son site et de son isolement géographique, isolement contre lequel elle devra lutter tout au long de son histoire.

Pourvue d’une première enceinte au ive s., tour à tour occupée par Théodoric le Grand (ve s.), puis par Bélisaire (vie s.), la ville devient la résidence du vicaire d’Italie et de l’archevêque de Milan. Dédiée à un Grec, saint Georges, elle devient alors un important marché aux confins des mondes grec, germanique et arabe. Elle est prise et démantelée en 641 par Rothari, roi des Lombards ; exposée aux raids sarrasins, elle n’est bientôt plus que le chef-lieu misérable d’un comté de la marche toscane.


Gênes et la mer, du xe au xiie siècle

Vers 952, une nouvelle enceinte enclave le castrum et la civitas avec la cathédrale San Lorenzo, mais exclut le burgus. Gênes riposte aux envahisseurs dès la fin du xe s. sous la direction des chefs de la famille ligure des Obertenghi. Des expéditions pisano-génoises en Sardaigne (1017) et contre Mahdia (1087), d’autres purement génoises contre les bases musulmanes de Valence (1092) et de Tortosa (1093) consacrent la naissance de la puissance maritime de la ville, fondée sur la construction de nombreux navires par les riches propriétaires fonciers qui y sont établis, qui vont armer dès 1097 une première flotte de dix galères pour participer aux bénéfices matériels de la première croisade*. Les citoyens de la ville, qui fournissent les combattants et les équipages, exigent une participation plus large au gouvernement de la ville. Assuré d’abord par des vicomtes qui représentent les Obertenghi et qui résident à l’intérieur de la cité dans des palais fortifiés par des tours, ce gouvernement urbain est partagé à partir de 958 entre les vicomtes et l’évêque. Mais, devant le regroupement, à partir de 1080, des citoyens en trois associations à la fois topographiques, judiciaires et militaires (castrum, civitas, burgus), ce prélat conclut avec ces derniers, en 1099, une association jurée de trois ans qui englobe tous les Génois, à la seule exception des non-résidents : la compagna communis. Renouvelée, puis réduite à un an seulement à partir de 1122 et dirigée par six consuls (quatre à partir de 1130) d’origines sociales très diverses, cette compagna, qui s’identifie très vite à la commune, oriente Gênes de façon décisive vers la mer à la faveur de la première croisade.

En participant tour à tour à la prise du port d’Antioche, qui sauve en 1098 l’armée chrétienne, à celle de Jérusalem en 1099, enfin à celles d’Arsouf et de Césarée en 1101 et en 1102, les trois premières expéditions maritimes génoises armées pour la Terre sainte fondent un premier empire maritime génois qui comprend dès lors un quartier d’Antioche avec l’église Saint-Jean et un fondouk.

Entre 1101 et 1110, cet empire s’agrandit d’un quartier dans chacune des villes de Tortose (Tartous), d’Acre, de Gibelet (Djebail), de Tripoli, de Sidon, de Beyrouth, conquises par des Génois et que la commune concède parfois en fief (tels les deux tiers de la ville de Gibelet) faute de pouvoir les peupler et les administrer. S’adonnant dès lors au commerce des produits d’Orient (épices de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est, draps de soie de Damas, alun d’Asie Mineure), en échange d’esclaves et des produits de première nécessité (bois, fer, armes, draps d’Occident), les grandes familles génoises de toutes origines (Embriaci, Della Volta, Avvocati dans le premier quart du siècle ; Burone, Mallone, Usidomare, Vento et toujours Della Volta dans le troisième quart) font de leur ville l’une des grandes places maritimes de la Méditerranée.