Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gambie (suite)

L’histoire

Le fleuve fut découvert par les Portugais en 1455. La traite des esclaves y attira de nombreux marchands, parmi lesquels les Anglais prédominèrent dès la fin du xviie s. En 1816, ils fondèrent, dans l’île Sainte-Marie, à l’embouchure du fleuve, le poste de Bathurst, destiné à servir de point d’appui à la croisière antiesclavagiste. Bathurst se développa comme comptoir commercial, et ses environs furent colonisés par des esclaves repris aux négriers et libérés. Après l’acquisition du vieux comptoir français d’Albreda, en 1857, la Gambie devint une sphère d’influence exclusivement britannique. Mais les Anglais ne se souciaient pas d’en faire la conquête. Ils retirèrent même, en 1866, la petite garnison qu’ils entretenaient depuis 1823 dans l’île MacCarthy, à 200 km en amont de Bathurst. Le long du fleuve, où s’échelonnaient une quinzaine de petits États appartenant à des ethnies diverses (Malinkés, Ouolofs, Peuls, Toucouleurs et Diolas), la guerre civile faisait rage entre « marabouts », puritains de l’islām, et chefs traditionnels païens ou superficiellement islamisés. Le commerce était ruiné, et Bathurst offrait une image de désolation. Les Anglais songeaient à un retrait total, mais les négociations d’échange entreprises en 1865 avec la France et plusieurs fois reprises jusqu’en 1920 échouèrent toutes devant l’impossibilité de trouver une compensation convenable, et aussi, en juillet 1870, devant les protestations des marchands britanniques et des habitants de Bathurst.

L’arrivée des colonnes françaises sur la haute Gambie, en 1887, mit les Anglais dans l’alternative de renoncer à l’intérieur du pays ou de s’y installer effectivement. En 1888, la Gambie cessa de dépendre du gouverneur de la Sierra Leone, qui négligeait ses intérêts, et fut érigée en colonie séparée. L’arrangement franco-britannique de 1889 fixa les frontières : dans la région côtière, deux parallèles ; à l’intérieur, une ligne située à 10 km de part et d’autre du cours du fleuve. Ces frontières démembraient les chefferies et séparaient les ethnies. La France ne poursuivit pas l’exécution de l’article des accords de 1904 qui lui accordait un accès au cours navigable du fleuve, qui, coupé de son arrière-pays, demeura inutilisé.

Administrativement, la Gambie se composait de la « colonie » (l’île Sainte-Marie, peuplée de « créoles » anglicisés, soumise, en gros, aux lois anglaises) et du « protectorat » (tout le reste, administré par les chefs indigènes contrôlés par des commissaires britanniques). Après la Seconde Guerre mondiale, la Gambie a suivi, sans heurts, l’évolution générale qui l’a conduite du régime représentatif (1960) à l’autonomie (1963) et à l’indépendance (18 févr. 1965) comme monarchie constitutionnelle, puis comme république (1970) dans le cadre du Commonwealth. L’introduction du suffrage universel abolit la distinction entre « colonie » et « protectorat ».

Des accords de coopération ont été signés avec le Sénégal, mais ils sont peu appliqués ; la création de la Fédération sénégambienne, préconisée par un comité d’experts de l’O. N. U. en 1964, se trouve gênée par la différence des langues officielles, des structures administratives et politiques, différence à la faveur de laquelle se développe une personnalité gambienne, et surtout, en raison de la variété des systèmes fiscaux qu’elle entretient le long d’une frontière particulièrement perméable par une intense contrebande, aux profits de laquelle les Gambiens ne semblent pas prêts à renoncer.

D. B.

➙ Afrique noire.

 J. M. Gray, A History of the Gambia (Cambridge, 1940 ; nouv. éd., Londres, 1966). / H. Deschamps, le Sénégal et la Gambie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 3e éd., 1970). / M. Armand-Prévost, Un micro-État : la Gambie (thèse, Bordeaux, 1971).

Gamelin (Maurice)

Général français (Paris 1872 - id. 1958).


Beaucoup plus que d’un grand chef de guerre, son tempérament fut celui d’un officier d’état-major hors de pair, qui donna toute sa mesure durant la Première Guerre mondiale comme chef de cabinet (1913-14), puis comme chef du bureau des opérations de Joffre (1915-16). Gamelin, fantassin, sorti major de Saint-Cyr en 1893, vient alors de dépasser la quarantaine ; Joffre le consulte sans cesse, adopte souvent ses points de vue, et il est indéniable que sa part dans l’élaboration du redressement français de 1914 a été active et efficace. Il s’y référera toujours, et son dernier ouvrage, publié en 1954, portera pour titre Manœuvre et victoire de la Marne. Dès lors, son ascension sera foudroyante : en deux ans, il passe du grade de chef de bataillon à celui de général de brigade (1916). De mai 1917 jusqu’à la victoire, il commande excellemment la 9e division, notamment lors de la percée allemande sur Noyon (mars 1918). L’entre-deux-guerres le voit en 1919 chef de la mission militaire française au Brésil, puis, en 1925, commandant les troupes françaises du Levant, où il achève la pacification du djebel Druze (1927).

De retour en France, il prend la tête du 20e corps à Nancy (1929), d’où il est appelé à Paris comme premier sous-chef de l’état-major de l’armée (1930). En 1931, il entre au Conseil supérieur de la guerre et devient chef d’état-major de l’armée. En 1935, tout en conservant cette fonction, il succède à Weygand comme vice-président du Conseil supérieur de la guerre et généralissime désigné, puis reçoit de Daladier en 1938 le titre nouvellement créé de chef d’état-major de la Défense nationale. Indépendamment de ses incontestables mérites militaires, il plaît aux politiques par sa très vive intelligence, son affabilité et peut-être aussi son manque d’excès de convictions, car l’époque est aux compromis. En 1914, déjà, Jean de Pierrefeu ne le jugeait-il pas comme doué de plus de souplesse que de chaleur, « cherchant moins à entraîner son auditoire qu’à le convaincre » (G. Q. G. secteur 1, 1920). Ceux qui l’ont connu dans les années 30 étaient séduits par sa virtuosité à analyser un problème sans pour autant proposer toujours des solutions, et en se dérobant parfois lors de leur exécution.