Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gambetta (Léon) (suite)

Lorsque éclate la crise du 16 mai 1877, Gambetta refuse de reconnaître un gouvernement imposé par l’exécutif et dirige la résistance. Il obtient la protestation solennelle de 363 députés, et, à son appel au cours d’un séance fameuse, une grande partie de l’Assemblée acclame en Thiers le « libérateur du territoire ». La consultation électorale qui suit la dissolution de la Chambre (25 juin) prend l’allure d’un combat singulier entre Mac-Mahon et Gambetta. C’est à Lille que celui-ci avertit Mac-Mahon : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. » Les élections donnent la victoire aux républicains, mais moins triomphale qu’ils étaient en droit de l’espérer : Gambetta, qui, pendant sa campagne, a déchaîné l’anticléricalisme, a inquiété l’opinion modérée.

L’essentiel est cependant acquis : désormais, le président de la République ne peut pas en appeler au pays contre l’Assemblée. Le gouvernement est directement responsable devant les Chambres. Le 5 janvier 1879, les républicains remportent un nouveau succès lors du renouvellement triennal du Sénat, entraînant la démission de Mac-Mahon.


L’homme de gouvernement

Gambetta se dérobe à la pression de ses amis, qui le prient de poser sa candidature à la présidence de la République, mais il accepte la présidence de la Chambre (31 janv. 1879) et espère beaucoup de sa nouvelle fonction, qu’il remplit avec autorité et impartialité. Son influence, déjà considérable, grandit encore lorsque son ancien disciple Freycinet est promu président du Conseil (déc. 1879 - sept. 1880), à tel point que ses adversaires dénoncent en lui « un gouvernement occulte ». Il suit avec une particulière attention les problèmes de politique extérieure et parle en faveur de l’intervention française en Tunisie (avr. 1881). Mais le spectacle de la vie parlementaire lui apporte beaucoup de désillusions ; l’enlisement de la Chambre dans des problèmes de personnes le déçoit. Persuadé que le scrutin de liste donnerait plus de largeur de vue et de dignité aux députés, il intervient directement pour demander son rétablissement (19 mai 1881). Mais ce projet échoue devant le Sénat, et son auteur, accusé d’aspirer à la dictature, est victime d’une campagne de dénigrement tant de la part des conservateurs que des « nouvelles couches » prolétariennes.

Depuis 1879, par trois fois, pour des raisons d’antipathie personnelle, Jules Grévy s’est refusé à choisir Gambetta, chef de la majorité, comme président du Conseil ; les élections législatives d’août 1881 ayant renforcé la position de l’Union républicaine et devant l’échec de Jules Ferry*, il s’y décide enfin. Mais les années d’attente ont usé le tribun et c’est un homme prématurément vieilli qui accède au pouvoir. Gambetta souhaite former un grand ministère d’union républicaine. Des refus successifs le font échouer, et c’est un ministère d’hommes jeunes, de « commis » dit-on alors, qu’il présente le 14 novembre 1881. Son action rencontre l’opposition des droites, des radicaux et notamment de Clemenceau* — qui, malgré l’amnistie des communards, obtenue grâce à ses efforts en 1880, attaquent son opportunisme —, d’Henri Rochefort*, qui l’insulte dans l’Intransigeant, de certains républicains eux-mêmes — inquiets des rumeurs qui courent sur les goûts de luxe sinon de confort de leur chef, sur ses relations dans les milieux financiers et aristocratiques —, des « revanchards », qui lui reprochent son manque de fermeté, des pacifistes, pour lesquels il demeure l’« homme de la guerre ». Si bien que, lorsque le 26 janvier 1882 Gambetta demande une fois encore le retour au scrutin de liste, il est battu par 268 voix contre 218 et démissionne. Son ministère n’a duré que 72 jours, et son rêve de réaliser l’unité nationale a vécu.

Alerté en juillet par la gravité de la crise égyptienne, il fait à la tribune sa dernière apparition pour préconiser l’intervention française aux côtés des Anglais à Alexandrie. Il séjourne le plus souvent dans la propriété qu’il a acquise aux Jardies à Ville-d’Avray. C’est là qu’il se blesse à la main droite en manipulant un revolver le 27 novembre. L’alitement prolongé qui lui est alors prescrit provoque une pérityphlite qui l’emporte le 31 décembre 1882.

P. M.

➙ Défense nationale (gouvernement de la) / Franco-allemande (guerre) / République (IIIe).

 R. Cartier, Léon Gambetta (Éd. Gutenberg, Lyon, 1946). / L. Gambetta, Textes (Éd. Hemera, Monaco, 1952). / P. Pierrard, Dictionnaire de la troisième République (Larousse, 1968). / J. Chastenet, Léon Gambetta (Fayard, 1969).

Gambie

En angl. Gambia, État d’Afrique occidentale.



La géographie

Cette ancienne colonie anglaise est un des produits les plus surprenants du découpage colonial. En dehors des îles de l’Atlantique, c’est la plus petite entité politique du continent africain. Son territoire, entièrement enclavé dans celui du Sénégal, se présente comme un long ruban de 330 km, avec une largeur de près de 50 km à l’ouest et de 20 à 25 km à l’est. Son axe est constitué par le cours de la Gambie (qui lui a donné son nom), navigable sur 240 km, qui dessine à l’amont de nombreux méandres et s’élargit en aval en une vaste « ria », estuaire envahi par les eaux océaniques.

Outre la vallée alluviale de la Gambie, relativement étroite (5 km à l’est, 10 à 12 km à l’ouest), le territoire englobe une fraction des bas plateaux de grès tendre (avec sols argilo-sableux) qui occupent le sud de la « cuvette sénégalaise ». Le climat tropical (plus humide en basse Gambie, avec une végétation naturelle forestière aujourd’hui dégradée, plus sec en amont) est identique à celui des régions sénégalaises voisines. Les ethnies dominantes, qui se retrouvent également dans le Sénégal voisin, sont les Mandings (40 p. 100) au centre et à l’ouest, les Peuls (24 p. 100) à l’est, les Ouolofs (12 p. 100, mais 50 p. 100 de la population de la capitale, Banjul), les Sérères et les Diolas à l’ouest. Les produits vivriers sont le mil, le riz, le manioc, le maïs. La seule culture commercialisée importante est celle de l’arachide, qui avait valu à la Gambie de la part des Anglais le surnom de Groundnut Colony (112 000 t en 1970 ; 82 p. 100 des exportations en valeur en 1969). Sa position géographique et la longueur de ses frontières difficilement contrôlables ont favorisé le développement d’une contrebande active avec le Sénégal, dont on a pu dire qu’elle était la seconde ressource (sinon la principale) du pays.

Cette circonstance, jointe au particularisme anglophone hérité de l’époque coloniale, explique largement les réticences à une fusion ou au moins à une union étroite avec le Sénégal, à quoi l’indépendance aurait dû logiquement conduire.

J. S.-C.