Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Frédéric Ier Barberousse (suite)

De 1158 à 1162, Frédéric conduit une grande expédition en Italie, au cours de laquelle il abat la puissance milanaise. À la diète de Roncaglia (nov. 1158), il fait établir par une commission de maîtres de Bologne une liste des droits de toute nature qui appartiennent de manière exclusive au souverain (regalia). En 1159, il réorganise l’administration du royaume d’Italie : des procureurs sont chargés de l’administration des regalia. À Roncaglia, l’empereur promulgue d’autre part une paix générale pour cinq ans, tant pour l’Allemagne que pour l’Italie : pour lui, les deux royaumes sont indissolublement liés.

Le système politique instauré par Frédéric Barberousse en Italie ne fait que raviver l’hostilité des communes les unes envers les autres, l’empereur agissant à leur égard différemment selon leur degré de fidélité à l’Empire ; en 1162, il châtie la révolte de Milan en faisant raser la ville. Cependant, la brutalité des podestats mis en place par le chancelier Rainald de Dassel amène peu à peu une désaffection profonde des Italiens à l’égard de l’Empire. Dès 1164, à l’instigation de Venise, des villes de la marche de Vérone constituent une ligue pour s’opposer à tout empiétement nouveau de l’empereur en Italie. Frédéric Barberousse refusant d’entendre les doléances des villes italiennes, en mars 1167 quatre villes de Lombardie, Crémone, Mantoue, Brescia et Bergame (auxquelles se joindront Milan, Lodi, Plaisance et Parme) forment une autre ligue, qui, le 1er déc. 1167, s’unit à la Ligue véronaise (Ligue lombarde).

La nouvelle ligue trouve l’alliance du pape Alexandre III, contre qui Frédéric a fait reconnaître par le concile de Pavie en 1160 l’antipape Victor IV. À la mort de Victor IV (1164), Frédéric a fait élire un nouvel antipape, Pascal III, qui a proclamé à Aix-la-Chapelle en 1165 la canonisation de Charlemagne. En 1166, il a entrepris une nouvelle expédition en Italie et s’est fait de nouveau couronner empereur à Rome par Pascal III (1167), mais une épidémie a décimé son armée et l’a empêché de s’en prendre au roi de Sicile, Guillaume II, chez qui s’était réfugié Alexandre III.

Le désastre de l’expédition romaine de 1166-67 encourage les villes lombardes à la révolte. Au début de 1168 est conclue l’alliance entre la Ligue lombarde et Alexandre III. La Ligue décide alors de construire une ville nouvelle : Alexandrie, placée sous la protection du pape, devenu membre de la Ligue. L’empereur ne peut entreprendre une nouvelle expédition qu’en 1174, avec des contingents trop faibles. En avril 1175, les deux adversaires concluent l’armistice de Montebello, accepté à contrecœur par les Lombards. D’ailleurs, la lutte reprend au printemps 1176 : malgré les contingents qu’il a fait venir d’Allemagne, la cavalerie de Frédéric est battue par l’infanterie lombarde à Legnano (mai 1176).

Frédéric Barberousse est alors assez heureux de détacher le pape de la Ligue lombarde grâce au traité d’Anagni (fin de 1176).

Par la paix de Venise en 1177, une trêve de six ans est conclue avec la Ligue lombarde : Frédéric reconnaît Alexandre III comme pape légitime, et la sentence d’excommunication prononcée contre lui est levée. Si Frédéric réussit à conserver le contrôle de l’Église allemande, en revanche, il doit renoncer à son projet de restaurer l’autorité impériale en Italie. La paix de Constance en 1183 règle au mieux des intérêts de l’empereur la question lombarde : Frédéric reconnaît aux villes les regalia, mais le souverain garde le droit d’investir les consuls et tient en chaque ville un juge d’appel : la Ligue, reconnue par l’empereur, reçoit mission de défendre les biens impériaux dans le royaume d’Italie. Frédéric renonce ainsi à la restauration de l’autorité souveraine en Italie.


À partir de 1177, le souverain se consacre à l’Allemagne

L’empereur entend y réprimer l’esprit d’indépendance des princes laïques et ecclésiastiques.

Or, maître de la Saxe et de la Bavière, de territoires conquis sur les Wendes, Henri le Lion est en train de se constituer un véritable État à l’est de l’Empire, où il mène une lutte très dure contre les Slaves. L’entente entre Frédéric et Henri le Lion s’est maintenue en principe jusqu’à 1177 ; mais, dès 1162, Henri ne participe plus aux expéditions italiennes, et, en 1175, Henri refuse ses contingents militaires à Frédéric. L’empereur profite d’une clause du traité de Venise sur les sièges épiscopaux tenus par des évêques schismatiques pour essayer d’abattre Henri, qui soutient Gero, l’évêque schismatique d’Halberstadt, contre Ulric, l’évêque alexandrin. La question est évoquée devant le tribunal royal. Deux procès sont engagés contre Henri le Lion, l’un selon le droit public en 1179, où une sentence de ban est prononcée contre lui, le second selon le droit féodal, où Henri est privé de ses fiefs et alleux.

Mais l’empereur ne peut mettre la main sur les territoires d’Henri le Lion, car, en vertu du droit de réinvestiture obligatoire, le duché de Saxe est inféodé au fils cadet d’Albert l’Ours, le duché de Bavière au comte palatin Otton de Wittelsbach, tandis que l’archevêque de Cologne reçoit des territoires dans les limites de son évêché et de celui de Paderborn ; des seigneurs de territoires wendes devenaient vassaux directs de l’empereur. En 1182, Henri le Lion, pardonné, part pour trois ans en exil, mais recouvre ses alleux.

L’empereur n’a donc pu former un domaine royal ; les princes vont désormais constituer un groupe particulier (Reichsfürsten), placé au sommet de la hiérarchie féodale.

Cependant, le mirage italien obsède encore Frédéric Barberousse ; n’ayant pu obtenir du pape la reconnaissance de la transmission héréditaire de la couronne impériale, il fait proclamer en 1184 les fiançailles de son fils Henri (VI) avec Constance, héritière du royaume de Sicile. Le mariage est célébré à Milan en janvier 1186 ; Henri est alors couronné roi d’Italie, recevant officiellement le titre de césar. Contre le pape, Frédéric obtient en novembre 1186 le soutien d’une assemblée de princes laïques et ecclésiastiques allemands réunis à Gelnhausen ; seul l’archevêque de Cologne, Philippe de Heinsberg, fait défection, entrant en rébellion ouverte.