Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

• Le clergé est strictement hiérarchisé, tous les pouvoirs spirituels appartiennent aux évêques, qui eux sont bien tenus en main par le roi. Curés et vicaires n’ont aucun rôle dans le gouvernement des diocèses. Quant à la noblesse, elle n’est pas homogène ; la grande noblesse de Cour, prisonnière du luxe versaillais et des dettes qu’elle contracte dans cette prison dorée, dépend entièrement du roi, dont elle attend tout (charges et gratifications).

• La bourgeoisie* commerçante est désireuse de paix et d’ordre, tandis que monte, favorisé par les dépenses de guerre, le groupe social des financiers. Les parlements, les officiers déconsidérés dans l’opinion en tant que représentants des abus et des troubles du passé se taisent.

• L’obéissance, Louis XIV l’exige de tous, quitte à tomber dans l’arbitraire et le sectarisme. Le clergé vote les Quatre Articles de 1682, qui donnent sa charte à l’Église gallicane (v. gallicanisme). Le roi lutte contre l’influence du pape (affaire de la Régale, 1678 ; occupation d’Avignon, 1689-90 ; affaire de la garde corse, etc.). Toute tendance hétérodoxe est pourchassée ; le jansénisme*, manifestation d’une spiritualité personnaliste, est persécuté durant tout le règne (destruction de Port-Royal en 1709). La révocation de l’édit de Nantes en 1685 provoque l’exil de plus de 300 000 réformés et la persécution des autres, qui culmine avec la révolte des camisards* à la fin du règne (1702-1714). Les mystiques même sont suspects, parce que particularistes, et Fénelon* est disgracié, puis condamné en 1699 pour avoir soutenu le quiétisme*.

• Le règne de Louis XIV est marqué aussi par une immense tentative d’équipement économique, dont Colbert — partisan du mercantilisme — est le principal animateur mais dont la comptabilité est bouleversée à la longue par les guerres du règne.


Gloire puis déboires à l’extérieur

• Si Colbert assure à Louis XIV une marine efficace, Louvois* lui fournit une armée bien équipée, bien encadrée. L’aide de Vauban*, créateur de trois cents places fortes, est primordiale.

• La guerre de la Dévolution, ou de Flandre (1667-68), contre l’Espagne, pour soutenir les droits de la reine sur le Brabant, est en fait simple promenade militaire. La paix d’Aix-la-Chapelle (1668) accorde à la France Lille, Douai et une douzaine de places en Artois et dans les Pays-Bas espagnols.

• Entreprise surtout pour des raisons économiques, la guerre contre la Hollande (1672-1678) provoque la première coalition européenne (Empire, Espagne, Lorraine). Louis XIV est vainqueur partout. À la paix de Nimègue (1678), la France reçoit la Franche-Comté, le reste de l’Artois, Cambrai, Valenciennes, Maubeuge.

• L’excès de confiance en soi fait alors perdre au roi sa prudence et sa mesure naturelles : il prétend résoudre par voie d’autorité les problèmes territoriaux qui subsistent entre la France et ses voisins, l’Empire notamment. C’est la discutable « politique des réunions » (Alsace, Palatinat). La ligue d’Augsbourg se forme en 1686 ; bientôt, presque toute l’Europe se dresse contre Louis XIV (1689). Malgré les victoires de Luxembourg, la paix de Ryswick (1697) ne donne à la France que Strasbourg.

• La guerre de la Succession* d’Espagne (1701-1714), engagée pour conserver l’héritage du duc d’Anjou, débute bien, mais, à partir de 1704, une série de défaites réduisent le royaume à de tragiques extrémités. Des victoires inespérées, Villaviciosa (1710), Denain surtout (1712) et la lassitude de l’Angleterre, qui se détache de la coalition, évitent le pire.

• Aux traités d’Utrecht et de Rastatt (1713-14), si Philippe V reste roi d’Espagne, la France est ramenée aux limites du traité de Ryswick. Au point de vue économique, c’est l’Angleterre qui triomphe.

• Invasion, défaites, disette, mortalité accrue, impôts écrasants, mauvaises récoltes provoquent en France, dans les premières années du xviiie s., une misère effroyable, qui est à l’origine d’émeutes de la faim. Le règne de Louis XIV se termine dans la lassitude générale. Il n’empêche que le Roi-Soleil a vraiment fait de la France la « mère des arts, des armes et des lois ».


Le siècle des lumières (1715-1789)


La Régence* (1715-1723)

• Le successeur du Grand Roi, son arrière-petit-fils, Louis* XV, est à sa mort un enfant de cinq ans. C’est le duc d’Orléans, Philippe, qui va assurer la régence, courte période qui est caractérisée par une réaction générale contre l’austérité de la fin du règne de Louis XIV : au relâchement des mœurs correspond l’explosion de la libre pensée, sous-jacente au grand règne.

• La dette s’est accrue ; devant l’insuffisance des résultats des premières mesures, le Régent fait appel à Law, qui crée d’abord une banque privée, puis tente vainement une conversion de la dette publique (1716-1720). Son échec rend impossible pour longtemps le crédit en France ; l’économie française prend ainsi un retard sensible sur l’économie britannique.


Les débuts du règne de Louis XV (1723-1743)

• Après la mort du Régent (1723) et le ministère du médiocre duc de Bourbon (1723-1726), Louis XV, devenu majeur, confie l’État à son ancien précepteur, le cardinal Fleury, qui donne à la France près de vingt années de tranquillité.

• Les problèmes religieux sont toujours au centre des préoccupations. La piété des masses demeure intacte, mais le jansénisme* gagne du terrain, surtout chez les laïques, et Fleury lutte contre lui.

• L’économie est prospère. Si l’État reste pauvre à cause du mauvais système fiscal, qui enrichit surtout les fermiers généraux, le royaume est riche. Le contrôleur général, Philibert Orry, est le Colbert du règne.

• L’essor du commerce est remarquable et porte particulièrement sur les produits coloniaux. En 1740, la marine marchande compte plus de 5 000 navires, et les compagnies commerciales sont en pleine expansion. Le commerce d’Amérique enrichit Bordeaux, Nantes, Saint-Malo, La Rochelle, Dieppe, Rouen. La Compagnie des Indes, qui a son port à Lorient, garde le trafic avec l’océan Indien, où ses agents (Dumas à Pondichéry, Dupleix* à Chandernagor, La Bourdonnais à l’île de France) font un excellent travail.