Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes-Maritimes. 06 (suite)

La côte rocheuse et découpée déroule une série d’anses et de promontoires (golfe de La Napoule et golfe Juan, cap d’Amibes et cap Ferrat) jusqu’à la Riviera italienne, qui constitue son prolongement naturel vers l’est. Ici se regroupe l’essentiel des activités ; urbanisation et tourisme vont de pair dans le cadre d’une « rue urbaine » sans solution de continuité. Les deux pôles essentiels en sont Nice, dont l’agglomération regroupe près de 440 000 habitants, et Cannes, qui n’en compte que 70 000, mais qui triple ce chiffre grâce à son agglomération. Dans les deux cas, on enregistre un solde naturel nul ou même négatif, mais les agglomérations continuent à progresser plus vite que les villes grâce aux courants migratoires. Cette frange urbaine doit son extension au phénomène touristique ; Nice ne comptait que 25 000 habitants en 1820 ; Beausoleil a décuplé en moins d’un siècle ; Cannes a peu à peu comblé sa baie ; Menton a rejoint Cap-Martin. Le chapelet de petites bourgades égrenées dans une nature riante s’est transformé en un ruban ininterrompu. Au tourisme hivernal de luxe du xixe s. a succédé un étalement de la saison sur les mois d’été ; aux richissimes clients des grands hôtels se sont ajoutés les campeurs et le tourisme populaire. Les Britanniques restent toujours au premier rang des étrangers (le quart de la totalité), devant les Américains et les Belges.

Tout proche des concentrations humaines du littoral, où les densités moyennes dépassent 1 000 habitants au kilomètre carré pour Menton et Antibes, 2 000 pour Cannes, 3 000 pour Nice, l’intérieur présente des conditions différentes. La moyenne des densités n’atteint plus que 50 habitants au kilomètre carré pour les collines proches de la côte et moins de 10 pour le secteur montagnard. L’arrière-pays s’organise entre deux massifs anciens, les môles de l’Esterel, porphyrique, au sud-ouest, et de l’Argentera (ou Mercantour), cristalline, au nord-est. Entre les deux, les chaînes calcaires prolongent le système des Alpes-de-Haute-Provence jusqu’au Var ; au-delà, le rebroussement des plis selon un axe méridien les rend perpendiculaires à la ligne du rivage. L’ensemble est peu peuplé, malgré la valeur des paysages et la tonalité méditerranéenne, les coteaux plantés de vignes et d’oliviers, les falaises calcaires des « baous » de Grasse, les causses du Plan de Caussols, qui laissent peu à peu la place aux forêts et aux herbages à moutons. Le caractère torrentiel des cours d’eau a nécessité la mise en place de barrages : Saint-Martin sur la Vésubie, Saint-Dalmas, près de Tende, sur la Roya, Bancairon et Valabres sur la Tinée. Les stations de ski de Peïra-Cava, Auron et Beuil-Valberg drainent les vacanciers vers les champs de neige de l’intérieur.

Le tourisme n’est pas le seul atout du département. Les cultures florales et horticoles donnent des revenus élevés : fleurs pour la parfumerie à Grasse, qui traite 2 000 à 4 000 t par an, œillets sous serres ou de plein champ, qui ajoutent au charme de la campagne azuréenne. Mais le recul de cette agriculture de haute valeur devant l’urbanisation pose le problème de la préservation des sites devant la spéculation foncière. Le décalage avec l’arrière-pays montagnard ne fait que s’accentuer et demande la mise sur pied d’une politique d’aménagement de l’espace pour réduire les disparités entre la côte et l’intérieur, entre les villes et les campagnes.

R. D. et R. F.

➙ Cannes / Côte d’Azur / Nice.

Alphonse VI

(1040 - Tolède 1109), roi de León (1065-1109), de Castille (1072-1109) et de Galice (1073-1109).


Toute son existence se déroule au cours d’une étape particulièrement troublée de la Reconquista, et la présence dans son entourage du Cid a contribué sans aucun doute à l’éclipser.

Deuxième fils de Ferdinand Ier le Grand, Alphonse reçoit une excellente éducation de l’évêque Raimundo de Palencia. À la mort du roi, l’immense royaume est divisé entre tous les enfants : Alphonse se voit attribuer le León, Sanche la Castille, García la Galice, Elvire et Urraque les villes de Toro et Zamora. Ce morcellement des possessions de Ferdinand Ier entraîne toute une série de querelles et de luttes intestines, et aboutit à la guerre civile, pendant laquelle Sanche est assassiné devant les murs de Zamora.

Alphonse, qui s’était réfugié à Tolède, alors en territoire musulman, reprend la couronne de León et y ajoute celle de Castille, qui lui revient de droit par la mort de son frère. Les chroniqueurs du moment critiquent âprement cette annexion, car ils jugent qu’Alphonse a une grande part de responsabilité dans le meurtre de Sanche, dû, selon eux, à un complot tramé par le roi de León et Urraque, qui auraient eu des rapports incestueux. Le souverain doit jurer en l’église Santa Gadea de Burgos qu’il est étranger à la disparition de Sanche, événement qui est amplement repris dans le « romancero ».

En fait, la noblesse et le peuple de Castille ne pardonneront pas à Alphonse VI d’avoir pris successivement pour épouses cinq princesses étrangères, ni d’avoir introduit à la Cour le goût français. Il remplace en effet le rite mozarabe par le rite carolingien et l’écriture wisigothique par les caractères français ; il favorise les pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle en supprimant le droit de passage qu’on devait payer à Santa María de Autares, sur la frontière galicienne, ce qui permet à l’influence de Cluny de se faire profondément sentir ; il marie ses filles aux ducs de Bourgogne. On lui reprochera en outre son manque d’enthousiasme dans l’épopée de la Reconquista, qu’il ne fait que retarder.

On peut imputer cette attitude à son peu d’intérêt pour les choses militaires ou à sa tendance promusulmane, qui se manifeste à bien des égards dans les coutumes de la Cour. En réalité. Alphonse VI, qui est un homme d’État perspicace et un prudent diplomate, se rend très bien compte de l’énorme appui que suppose pour les royaumes affaiblis des « taifas » l’arrivée des Almoravides*, dirigés par Yūsuf Ier, lequel inflige d’ailleurs au souverain castillan une cruelle défaite à Zalaca (ou Sagrajas) en 1086. La littérature nous le rend également antipathique par les différends qui l’opposent au Cid* et qui, d’après les trouvères, sont le fruit de la jalousie.