Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alphonse VI (suite)

Il serait cependant injuste d’oublier qu’Alphonse remporta une victoire encore plus éclatante et significative que celles du Cid en incorporant dans son royaume la merveilleuse ville de Tolède, perle du monde musulman (1085). Il entra triomphalement à Valence en 1100, un an après la mort du Cid ; il est vrai qu’il dut abandonner la ville peu de temps plus tard et qu’il y mit le feu au moment de son départ, en 1102.

Les dernières années du règne furent assombries par la mort de l’infant Sanche, au cours de la bataille d’Uclés, en 1108.

La succession d’Alphonse VI posa de nouveaux problèmes, étant donné que cinq de ses six épouses, Agnès d’Aquitaine, Constance de Bourgogne, Berthe de Tuscia, Isabelle et Béatrice, ne lui avaient donné que des filles : Urraque, qui allait lui succéder, née de son union avec Constance, ainsi que Sancha et Elvire, enfants d’Isabelle, qui épousèrent respectivement le comte Rodrigue des Asturies et Roger II de Sicile. Son seul fils, Sanche, mort à Uclés, était l’enfant de la Mauresque Zaida.

Ramón Menéndez Pidal fait ainsi un bilan du règne d’Alphonse VI : « Ce fut un fervent continuateur du renouveau de l’Espagne, commencé par son père et son grand-père, un guerrier infatigable et un homme du monde qui réunissait toutes les qualités susceptibles d’attirer la bonne fortune. »

R. G.-P.

➙ Castille / Espagne / León / Reconquista.

 R. Menéndez Pidal, La España del Cid (Madrid, 1947) ; El Cid Campeador (Madrid, 1961).

Alphonse X le Sage

(Tolède 1221 - Séville 1284), roi de Castille et de León de 1252 à 1284, fils du roi de Castille Ferdinand III le Saint et de Béatrice de Souabe.



Son rôle politique

Il participe à la Reconquista : en 1243, alors qu’il est encore infant, il prend Murcie. Le roi Jaime Ier le Conquérant, le 26 mars 1244, lui reconnaît la possession de celle ville aux termes du traité d’Almizra, qui délimite les zones d’influence des couronnes aragonaise et castillane. En 1249, l’infant Alphonse devient le gendre du souverain d’Aragon en épousant sa fille Violante (ou Yolande). De cette union naissent dix enfants, dont Fernando de La Cerda ; le décès prématuré de ce dernier provoquera d’âpres luttes de succession.

En 1252, à la mort de saint Ferdinand, il monte sur le trône de Castille et prend le nom d’Alphonse X. Il poursuit la guerre contre les musulmans par les campagnes de l’Algarve (1252) et la conquête de Jerez, Medina Sidonia, Niebla, Lebrija et Cadix (1262). Il envoie même au royaume du Maroc Pedro Martínez de Santa Fe et Juan García de Villamayor, mais cette entreprise, malgré la victoire de Salé (1260), se retourne vite contre les chrétiens, puisqu’elle provoque le débarquement des Marīnides en Andalousie (1272).

Le roi de Castille a décidé, par ailleurs, de faire valoir les droits qu’il a hérités de sa mère (cousine germaine de Frédéric II) au trône du Saint Empire romain germanique, face à Otton de Brandebourg et à Richard de Cornouailles. L’archevêque de Trèves, grand Électeur, réussit, le 1er avril 1257, à faire proclamer Alphonse empereur, mais l’opposition du pape Grégoire X parvient à faire annuler l’élection au profit de Rodolphe de Habsbourg (couronné en oct. 1273). Alphonse doit renoncer à ses droits, malgré de multiples intrigues politiques.

Les dernières années du règne d’Alphonse X sont assombries par des difficultés internes découlant de la rivalité qui existe entre son fils Sanche et ses petits-fils, les infants de La Cerda, à propos de la succession, ce qui entraîne une guerre civile où s’affrontent l’infant Sanche et Alphonse. Ce dernier se voit privé de ses pouvoirs par les Cortes de Valladolid, en 1282 ; il doit se réfugier à Séville et demander la protection du souverain marīnide Abū Yūsuf. Après avoir déshérité Sanche au profit des infants de La Cerda, Alphonse meurt à Séville le 4 avril 1284.

Les malheurs politiques et familiaux du « Roi Sage » ont donné naissance à une tradition qui le présente comme un monarque faible et incapable. Le père Juan de Mariana (1536-1624) laissait déjà entendre qu’il était plus intéressé par la contemplation des astres que par l’administration de ses domaines :
« Il a tellement levé la tête vers le ciel
Que sa couronne est tombée. »


Son apport culturel

Bien que le règne d’Alphonse X coïncide avec l’épanouissement de la culture occidentale en langue espagnole, l’activité du roi dans ce domaine a été controversée et son savoir mis en doute. Nous savons aujourd’hui que le monarque n’a pas pris directement part aux travaux du conseil de recherches, créé à son instigation et composé d’équipes de traducteurs, de compilateurs et d’écrivains qui travaillaient dans les centres culturels de Séville, Murcie et Tolède. Mais il est indéniable qu’Alphonse X a toujours été préoccupé par les questions juridiques et linguistiques en vue d’une politique nationale castillane.

Poète, il fait de sa cour un foyer de la poésie des trouvères, et lui-même écrit en galico-portugais les Cantigas a la Virgen (Cantiques à la Vierge) en suivant la ligne de la dévotion à la Vierge que l’on retrouve dans toute l’œuvre lyrique du Moyen Âge.

Les deux grands ouvrages historiques du roi Alphonse sont : la Grande e general estoria, travail gigantesque qui représente la première tentative d’une histoire universelle, dans laquelle il entreprend de relater les événements de l’humanité depuis sa création jusqu’à l’époque de son règne, mais qui ne va pas au-delà du premier siècle de notre ère ; et surtout la Crónica general de España, qui est la première histoire nationale de l’Espagne. On y constate un sens patriotique très fort, que l’on sent particulièrement dans les Laudes Hispaniae : « Dieu a comblé de dons tous les pays du monde et toutes les provinces, mais c’est à l’Espagne, terre d’Occident, qu’il en a accordé le plus... »

L’œuvre juridique la plus importante d’Alphonse le Sage est son code des Partidas (1256-1263 ou 1265), divisé en sept volumes pour rappeler les sept lettres de son nom (A-l-f-o-n-s-o) et pour reprendre le nombre d’or.