Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Fichte (Johann Gottlieb) (suite)

Semblablement, la condition humaine s’exprime comme éthique de la destination ; elle est le support d’une véritable mission — celle qui échoit à l’homme pour réaliser l’union de ce que l’illusion métaphysique a abstraitement séparé, mais voudrait ici concilier : la dualité de la rationalité et de la matière. Aussitôt, la conceptualisation philosophique dévoile l’hypothèque religieuse qui la grève. Cette union consiste, en fait, dans l’unité — à promouvoir — de Dieu et du monde ; cela n’est rien d’autre que le sens ultime de ce qui est donné comme réalisation, pour l’homme, de l’unité de son être. À la fois esprit et matière, l’homme introduit, avec la symbiose de ces deux termes au cœur d’une « paix intérieure », la présence divine dans l’intimité de l’Être. Car il ne s’agit pas d’une donnée existentielle, mais, au contraire, d’une tâche répondant à son idéal, qui s’énonce ainsi : achever la création, réunir ses éléments que Dieu est censé avoir laissés divisés ou hétérogènes, en assurer l’homogénéité ontologique. Cette tâche est, en vérité, un devoir anthropologique d’établir le règne du monisme. La philosophie en est le savoir.

Fichte apparaît comme le fondateur de la philosophie moderne, en ce que sa philosophie n’est pas appuyée sur une théologie, mais sur un approfondissement permanent de la notion et de l’expérience de la liberté. C’est pourquoi sa philosophie théorique débouche sur une théorie du discours philosophique autonome et sa philosophie pratique sur une conception de l’histoire comme lieu de réalisation des libertés humaines.

Hegel*, que l’on tient pour le fondateur de la philosophie moderne de l’histoire, aura une telle conscience de sa dette à l’égard de Fichte qu’il demandera à être enterré à côté de lui.

D. J. et J. N.

 M. Guéroult, l’Évolution et la structure de la doctrine de la science chez Fichte (Les Belles Lettres, 1931 ; 2 vol.). / D. Julia, Fichte (P. U. F., 1964). / A. Philonenko, la Liberté humaine dans la philosophie de Fichte (Vrin, 1966). / B. Willms, Die totale Freiheit, Fichtes politische Philosophie (Cologne, 1967). / B. Bourgeois, l’Idéalisme de Fichte (P. U. F., 1968).

Fidji

État insulaire de l’Océanie ; 551 000 hab. (Fidjiens).


L’archipel des Fidji est situé au cœur de l’océan Pacifique, dans la zone intertropicale (de 15 à 21° de lat. S.). Il est traversé par le méridien 180°, mais, pour éviter des difficultés administratives, la ligne de changement de jour a été décalée vers l’est. Ce groupe d’îles a été découvert en 1643 par le Hollandais A. J. Tasman. Il était déjà peuplé depuis des siècles par des populations mélanésiennes. Annexées par l’Angleterre en 1874, les Fidji, devenues colonie de la Couronne, ont été pendant de nombreuses décennies la grande base britannique dans le Pacifique central. Elles constituent un État indépendant depuis 1970, mais les liens avec les autres pays du Commonwealth, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande et Australie, restent très étroits.

L’archipel est formé de deux îles principales : Viti Levu (10 500 km2) et Vanua Levu (5 500 km2), auxquelles s’ajoutent plusieurs centaines de petites îles, en particulier celles qui constituent l’archipel de Lau. Il couvre au total 18 300 km2. Les îles sont surtout volcaniques, mais aucun volcan n’est actif, et les édifices de laves ont été souvent très altérés par l’érosion. Dans les grandes îles, les formes de relief sont souvent escarpées, mais les plus hauts sommets ne sont pas très élevés (Viti Levu : 1 452 m). Certaines petites îles sont d’anciens récifs soulevés et sont bordées de falaises. La plupart des îles, en particulier Viti Levu et Vanua Levu, sont entourées de récifs-barrières séparés du rivage par un lagon ; ces récifs ont protégé la côte des assauts de l’océan et ont permis le développement de plaines alluviales.

En raison de la latitude, le climat est chaud (moyenne annuelle : 25 °C), avec de faibles écarts entre les mois (de 23 à 27 °C). Les pluies sont abondantes, en particulier sur les côtes au vent, face aux alizés d’est (3 100 mm en 248 jours à Suva) ; par contre, sur les côtes sous le vent, il y a deux fois moins de pluies (1 500 mm) et une période relativement sèche. Ce contraste climatique est bien souligné par la végétation ; aux belles forêts des montagnes de l’Est se substitue la savane dans les plaines des côtes occidentales de Viti Levu et de Vanua Levu. Il retentit aussi sur la répartition des productions agricoles et, par suite, sur celle de la population.

En effet, les autochtones, des Mélanésiens, parfois métissés de Polynésiens, groupés en villages (Koros), vivent dans les petites îles ou dans les zones les plus humides des grandes îles. En plus de la petite pêche côtière, ils pratiquent traditionnellement la culture des tubercules tropicaux : taro, igname, manioc. Depuis la pénétration occidentale, ils ont développé des cultures d’exportation caractéristiques des zones humides côtières : bananeraies et cocoteraies. Les produits sont vendus à des commerçants chinois ou directement à des Européens, qui possèdent également quelques grandes plantations. La production de coprah représente environ 40 000 t par an.

Les plaines moins arrosées des côtes sous le vent de Vanua Levu et de Viti Levu ont été conquises par la canne à sucre. Les Mélanésiens ne se sont pas intéressés à cette culture pénible, et, pour développer cette culture d’exportation, les Anglais ont importé une main-d’œuvre étrangère : de 1879 à 1916, ils ont fait venir des dizaines de milliers de travailleurs indiens. Certains de ceux-ci sont ensuite rentrés dans leur pays, mais beaucoup se sont fixés dans l’archipel ; aujourd’hui, 15 600 exploitants d’origine indienne produisent 96 p. 100 du sucre. D’abord simples ouvriers agricoles de grandes plantations, ils sont devenus dans les années 20 des petits propriétaires indépendants qui vendent toute leur production sous contrat à la South Pacific Sugar Mills Ltd., filiale de la Colonial Sugar Refining australienne. Celle-ci contrôle en effet les quatre sucreries de l’île. Le sucre brut (355 000 t en 1970) est exporté en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande et en Amérique du Nord.