Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

femme (suite)

Il apparaît, en définitive, que des changements profonds sont intervenus dans la condition féminine, que ces changements apparaissent essentiellement comme une conséquence de la participation des femmes à la vie professionnelle, mais que les mutations qui se poursuivent rencontrent encore bien des résistances. Pour analyser ces résistances, il faudrait évoquer les difficultés matérielles que rencontrent les femmes qui travaillent, difficultés nées du cumul des tâches professionnelles avec les tâches ménagères ou familiales. Il faudrait évoquer aussi les éléments d’ordre psychologique qui, lorsqu’ils contribuent à freiner l’évolution de la condition féminine, trouvent leur origine dans la persistance des modèles traditionnels du rôle des femmes dans la société. Leur existence, la résistance qu’ils opposent peuvent être constatées à tous les niveaux de la réalité sociale, dans le milieu familial, dans le milieu professionnel, chez les femmes elles-mêmes. Il est évident toutefois que le seul jeu des obstacles liés aux tâches familiales des femmes et à l’influence des images types de leur rôle dans la société ne saurait, à lui seul, rendre compte de la réalité. Des facteurs d’ordre économique interviennent. La rentabilité plus grande de l’emploi des femmes dans les tâches simples et répétitives constitue sans doute un élément important d’explication des obstacles que rencontre leur promotion dans le secteur industriel. Il est probable que si cette promotion rencontre moins de difficultés dans d’autres secteurs, c’est en grande partie parce que l’importance de ses implications économiques est moindre. Le jeu de ces éléments divers est d’autant plus complexe que la nature des déterminants qui entrent en jeu est différente et que ceux-ci sont susceptibles de s’épauler mutuellement.

M. G.


La situation juridique de la femme

Le problème de la situation juridique de la femme ne se pose plus guère que pour la femme mariée. La femme célibataire a acquis, elle, des droits quasiment égaux à ceux de l’homme depuis qu’elle vote et accède aux mêmes carrières avec, en principe, un salaire égal.

Il n’en a pas toujours été ainsi. En Grèce comme à Rome, la femme est juridiquement mineure toute sa vie : en se mariant, elle ne fera que passer de la puissance du père ou du paterfamilias sous la puissance du mari. La femme sui juris elle-même (c’est-à-dire celle que la mort du pater a rendue indépendante et qui n’est pas mariée) reste perpétuellement sous tutelle, tutelle instituée sous prétexte de la faiblesse de son sexe et de son inexpérience mais tendant en fait à sauvegarder sa fortune dans l’intérêt de ses héritiers présomptifs. Mais, assez rapidement, la tutelle des femmes sui juris devient moins rigoureuse, pour disparaître sous le dominat. De nos jours, l’évolution a rendu la femme non mariée l’égale juridique de l’homme.


La condition juridique de la femme mariée : la conquête de l’égalité

Si, virtuellement, la femme mariée a la même capacité qu’une femme célibataire, elle ne peut l’avoir dans la pratique pour des raisons qui tiennent à son état même de mère, ou de mère en puissance, et du fait que dans toute association il faut un chef.

Certes, une nette évolution s’est en fait produite, due à divers facteurs dont le moindre n’est pas l’évolution radicale de la conception de la famille*. Cette conception n’est pas la même en droit romain, où, dans la famille de type patriarcal, les descendants sont groupés autour d’un ancêtre commun, la femme lui appartenant loco filiae, en droit germanique, où elle comporte un clan très étendu, en droit moderne enfin, où l’on a de plus en plus tendance à ne voir dans la famille que le groupement formé par le père, la mère et leurs enfants tant que ceux-ci restent sous le lien familial. Il faut citer parmi les autres facteurs l’évolution philosophique : l’on est loin aujourd’hui de l’époque où l’on se demandait si la femme avait une âme ! Il faut citer encore l’évolution économique, sociale et politique, l’influence des guerres. La polygamie tend à disparaître partout dans le monde, et l’on assiste même parfois aux premiers signes d’un certain matriarcat.

La famille romaine de type patriarcal était à l’origine très fortement constituée : l’autorité du chef de famille y était absolue, celle de sa femme, de ses filles et de ses belles-filles y était donc forcément nulle. Le mariage sine manu (iiie s. apr. J.-C.), qui laissait la femme dans sa famille d’origine — donc indépendante si elle était sui juris —, de même que l’institution du divorce, qui s’est considérablement développée dans la période qui va de 134 av. J.-C. à 140 apr. J.-C., ont considérablement affaibli l’autorité du chef de famille. Avec Constantin (ive s.) est apparue dans la législation la conception chrétienne de la famille conjugale, fondée sur un sacrement et dans laquelle l’autorité du chef de famille est avant tout une charge qu’il doit remplir dans un sentiment d’amour et de respect vis-à-vis de la femme. Si le droit germanique, quant à lui, mettait la femme et les enfants sous le mundium, dépendance complète à l’égard du chef de famille, la conception chrétienne triomphe à partir des Carolingiens.

Les rédacteurs du Code civil, tout en admettant la sécularisation du mariage et le divorce, prônés par le droit révolutionnaire, ont maintenu le double principe de l’autorité monarchique du mari et de l’incapacité de la femme mariée. Une évolution va néanmoins de nouveau se faire sentir. En 1816, le divorce est supprimé, puis rétabli en 1884. La famille peu à peu se réduit en étendue. Peu à peu également, la femme gagne du terrain sur le plan de l’autorité. Elle va, en 1907, avoir droit de disposer de ses biens réservés, c’est-à-dire des biens qu’elle a acquis par son travail.

Des lois de 1938 et de 1942 tendent à lui rendre sa capacité, au moins de principe ; les régimes matrimoniaux, qui limitent cette capacité (v. mariage), sont modifiés en 1965. En 1970, l’égalité de l’homme et de la femme dans la vie du ménage est affirmée. Tant sur le plan des droits patrimoniaux que sur le plan des droits extra-patrimoniaux, la femme va de conquête en conquête. Sa responsabilité s’accroît d’ailleurs en fonction de cette évolution.