Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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femme (suite)

• La femme mariée et le droit patrimonial. Dans l’ancien droit romain, tous les biens de la famille étaient la propriété du paterfamilias, ceux de sa femme et de ses belles-filles lui appartenaient donc. Puis, la famille tendant à s’émietter, le mariage sine manu se développant, la tutelle perpétuelle des femmes ayant disparu, la femme sui juris mariée sine manu peut commencer à faire des actes juridiques, limitée seulement par l’incapacité spéciale de s’engager pour autrui.

Tel est le régime qui subsista en pays de droit écrit : la femme mariée n’est pas soumise à l’autorité du mari, elle est capable de s’engager personnellement mais ne peut s’engager ni pour son mari ni pour autrui. Dans les droits barbares, par contre, la femme mariée était à peu près dans la situation de la femme romaine mariée cum manu. Le droit des pays de coutume subit leur influence : les biens de la femme, comme sa personne, sont sous l’autorité du mari, assurée par la pratique du régime de communauté — le plus répandu —, qui donne au mari des pouvoirs d’administration très étendus, et par l’incapacité de la femme sous tous les régimes.

Les rédacteurs du Code civil ont consacré l’autorité maritale, maintenu l’incapacité de la femme mariée et retenu le régime de communauté comme régime légal. La conception monarchique de la famille et l’effacement juridique de la femme mariée triomphaient.

Depuis la rédaction du Code, l’évolution des mœurs et des conditions de vie a amené les femmes à réclamer leur indépendance patrimoniale, et le législateur à la leur accorder peu à peu avec une certaine réticence : la loi de 1907 institue les biens réservés, soumis à la gestion de la femme ; les lois de 1938 et 1942 posent le principe de la pleine capacité de la femme mariée, capacité dont l’exercice n’est limité que par le contrat de mariage et la loi. L’évolution se poursuit en 1965. Un texte du 14 juillet porte alors réforme des régimes matrimoniaux. Il fixe un régime matrimonial « primaire » et « impératif », charte sur laquelle viendra s’articuler un régime légal ou conventionnel. Ce régime primaire continue de donner au mari la qualité de chef de famille, mais avec des attributions de plus en plus limitées.

Enfin, une loi de 1970 relative à l’autorité parentale (v. capacité) ôte au mari sa qualité de chef de famille ; celui-ci conserve toutefois une certaine prééminence en ce qu’il garde la haute main sur la gestion des biens des enfants mineurs dans le cas où l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, ce qui représente la situation la plus fréquente en pratique.

Chaque époux perçoit ses gains et salaires, peut en disposer librement et doit s’acquitter de sa part des charges du ménage, la femme pouvant toutefois s’en acquitter par son activité au foyer ou sa contribution à la profession du mari.

Chaque époux a le pouvoir d’accomplir seul certains actes qui obligent l’autre solidairement, notamment les contrats ayant pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants. On assiste à une transformation du pouvoir domestique de la femme mariée en une solidarité entre époux, à l’initiative personnelle de l’un d’eux. Chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt ou de titres en son nom personnel.

Le nouveau régime matrimonial légal n’est plus la communauté des meubles et des acquêts, mais une communauté réduite aux seuls acquêts, distincte de celle de l’ancien régime connu sous ce nom et qui désormais n’a plus l’usufruit sur les propres des époux. En effet, le maintien de cet usufruit aurait inévitablement abouti à ce que la femme n’aurait pu disposer, sans le concours de son mari, que de la nue-propriété de ses biens propres et à ce qu’elle n’aurait jamais pu conserver comme propres les sommes provenant de la vente de ses biens personnels, ces sommes, en vertu du quasi-usufruit, tombant automatiquement dans la communauté (v. mariage).

• La femme mariée et ses droits extra-patrimoniaux. Si le Code civil avait consacré, en 1804, le principe de l’obéissance de la femme à son mari, l’évolution des mœurs et des conditions de vie a poussé à supprimer par des lois successives le devoir d’obéissance de la femme en même temps que son incapacité.

Jusqu’à la loi du 4 juin 1970, le mari avait gardé sa qualité de chef de famille, avec des attributions à dire vrai de plus en plus limitées. Mais désormais ce sont les époux ensemble qui assurent la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient tous deux à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. Ils choisissent d’un commun accord la résidence de la famille (v. domicile). Il s’agit ici d’une véritable révolution.

La femme peut exercer une profession séparée sans le consentement de son mari. Elle peut librement exercer un commerce sous tous les régimes matrimoniaux.

Depuis 1927, la femme étrangère qui épouse un Français peut décliner la nationalité* française, et la femme française qui épouse un étranger répudier la nationalité française. Or, le fait pour la femme d’avoir une nationalité différente de celle de son mari augmente considérablement son indépendance.


Un surcroît de responsabilités

La femme ne gagne pas que des avantages à sa nouvelle position ; elle s’est exposée à de nouvelles responsabilités. Considérée peu à peu comme l’égale de l’homme, elle s’est vue obligée comme lui aux charges du ménage ; elle peut toujours demander la séparation de biens judiciaire à titre principal pour mauvaise gestion ou inconduite de son conjoint, mais cette faculté ne lui est plus réservée : elle a été étendue au mari ; l’hypothèque légale de la femme mariée a été remplacée par l’hypothèque légale des époux. Elle est responsable comme le père des dommages causés par les enfants mineurs habitant avec eux.

M. C.