Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Fāṭimides (suite)

Sous les Fāṭimides, l’Égypte entretient des relations commerciales avec de nombreux pays, notamment l’Inde, l’Abyssinie et les villes d’Italie (Amalfi, Pise, Gênes, Venise). L’Inde lui fournit des épices, qu’elle exporte avec ses tissus en Europe. Celle-ci lui vend en échange du blé, du fer, du bois, de la laine et de la soie. Cette situation d’intermédiaire entre l’Europe et le Moyen-Orient assurera la prospérité de l’Égypte jusqu’à la découverte de la route des Indes à la fin du xve s.

Toutefois, cette prospérité ne profite qu’à une minorité de privilégiés. Le faste des fonctionnaires richement dotés contraste avec la misère de la grande majorité de la population. Ecrasé par l’impôt, le peuple égyptien reste à la merci des famines, dont l’Égypte souffre périodiquement dès que l’inondation du Nil est insuffisante et qui s’accompagnent, comme en 1054-55 et de 1065 à 1072, de troubles et d’épidémies.


La chute des Fāṭimides

Dans ces conditions, l’État fāṭimide ne jouit pas de l’appui de la population, dont la grande majorité reste fidèle au sunnisme. Ainsi, privé d’assises sociales, affaibli par les révoltes populaires et les troubles militaires qu’accusent les rivalités sociales au sein d’une armée composée de Berbères, de Turcs et de Noirs, l’Empire fāṭimide décline-t-il pour succomber dans la seconde moitié du xiie s. sous les coups des croisés. Le maître de Damas, Nūr al-Dīn, envoie à son secours une armée dirigée par Chīrkuh et Saladin (Ṣalāḥ al-Dīn). Chīrkuh obtient en 1169 l’évacuation du pays par les Francs et devient le vizir des Fāṭimides. À sa mort, la même année, son neveu Saladin lui succède à la tête de l’Empire. En 1171, il décide de mettre fin au califat fāṭimide, devenu une pure fiction, pour restaurer dans la vallée du Nil le sunnisme et la suzeraineté ‘abbāsside.

Les Fāṭimides laissent une réputation de constructeurs (fondation de deux capitales : Mahdia en Ifrīqiya et Le Caire en Égypte) et de tolérance en matière religieuse (plusieurs juifs et chrétiens purent accéder au poste de vizir).

M. A.

➙ Algérie / Chī‘isme / Égypte / Ismaéliens / Sunnites / Tunisie.

 L. E. O’Leary, A Short History of the Fatimid Khalifate (Londres, 1923). / G. Wiet, l’Égypte arabe, t. IV : Histoire de la nation égyptienne, sous la dir. de G. Hanotaux (Plon, 1937). / V. A. Ivanov, Ismaili Tradition concerning the Rise of the Fatimids (Londres, 1942). / Manṣūr al-‘Azīzī, Vie de l’ustâdh Jaudhar (trad. de l’arabe, Carbonel, Alger, 1958). / S. M. Stern, Fatimid Decrees, Original Documents from the Fatimid Chancery (Londres, 1964).

Faulkner (William)

Écrivain américain (New Albany, Mississippi, 1897 - Oxford, Mississippi, 1962).


Né dans le sud des États-Unis, Faulkner (pseudonyme de William Harrison Falkner) y vécut presque toute sa vie en reclus, y puisant l’inspiration d’une œuvre romanesque exceptionnelle, mais longtemps méconnue. Malgré un prix Nobel en 1949, il fut mieux apprécié en Europe qu’aux États-Unis, où la reconnaissance officielle du prix Pulitzer lui vint en 1954 pour son plus mauvais livre, A Fable (Parabole). Il ne fait pas de concession au lecteur. À un critique qui lui demandait : « Que doit-on faire quand on vous a lu deux ou trois fois sans comprendre ? », il répondit : « Lire une quatrième fois. » Il manipule la chronologie, commence ses récits par la fin, embrouille les intrigues et les noms de personnages, dissimule les événements essentiels, comme le célèbre viol de Sanctuary, multiplie les adjectifs, allonge ses phrases et semble prendre plaisir à rajouter l’obscurité à une réalité déjà chaotique. Pourtant, la richesse de l’œuvre justifie l’effort demandé au lecteur. La manipulation du temps, des analogies, des correspondances éclaire subtilement la signification profonde d’événements que le temps ordinaire embrouillait dans les apparences.

Sous des dehors très réalistes, Faulkner est un génie épique. À partir de son Sud natal, il a peu à peu constitué, de roman en roman, plus qu’une comédie humaine : une théologie, une cosmogonie, où la superbe alliance du réalisme et de l’imaginaire enlumine les réactions archétypales des hommes devant les problèmes de la mort, de l’identité, du destin.

La famille Falkner, originaire de Caroline, émigre d’abord au Tennessee, où l’arrière-grand-père du romancier devient une personnalité haute en couleur. Colonel, banquier, homme de loi, entrepreneur de chemin de fer, deux fois accusé de meurtre et finalement assassiné sur la grand-place d’Oxford, c’était aussi un journaliste et un romancier, auteur d’un best-seller américain, The White Rose of Memphis. Ce fabuleux ancêtre hante l’œuvre de Faulkner, dont les parents, après avoir vendu le chemin de fer familial, mènent une vie plus modeste dans la quincaillerie. Établi à Oxford (Mississippi), William Falkner est un élève distrait, volontiers mystificateur. En 1918, il s’engage dans la R. A. F. britannique, au Canada. Mais la guerre se termine avant qu’il ait achevé son instruction de pilote. Il passe deux ans à l’université du Mississippi (1919-1921), étudiant l’anglais et le français. Il y est populaire, affecte des allures de dandy, dessine et publie des poèmes dans la revue de l’université. En août 1919, il publie, sous un titre en français, l’Après-midi d’un faune, son premier poème qui révèle l’influence du symbolisme. Il quitte l’université sans diplôme, pour devenir employé des postes, puis peintre en bâtiment. En décembre 1924, il publie à compte d’auteur un recueil de vers, The Marble Faun (le Faune de marbre), sous le pseudonyme, peut-être accidentel, de Faulkner, qu’il gardera. En 1925, il s’embarque pour l’Europe, débarque à Gênes, visite l’Italie, la Suisse, puis Paris. Mais il ne se mêle pas aux écrivains américains de Montparnasse. Il ne fréquente ni Hemingway, ni Fitzgerald, ni Dos Passos, ni Gertrude Stein. C’est un isolé. À son retour aux États-Unis, il rencontre, à La Nouvelle-Orléans, Sherwood Anderson*, qui le confirme dans sa vocation d’écrivain. « Voilà, écrit Faulkner, un homme qui s’enfermait toute la matinée à travailler. Puis l’après-midi il sortait et on se promenait en discutant. Et le soir encore, avec une bouteille. Et puis le lendemain il s’enfermait de nouveau. Sur quoi je me dis : si c’est cela être écrivain, voilà le métier qu’il me faut. »