Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

expertise (suite)

L’expertise en matière civile et commerciale

Le tribunal qui ordonne une expertise doit énoncer d’une manière précise les points sur lesquels elle doit porter et nomme le ou les experts chargés d’y procéder. Il impartit obligatoirement à l’expert un délai pour le dépôt de son rapport : le juge ne peut pas rendre sa décision sans avoir le résultat des opérations d’expertise ou sans que le ou les experts aient été mis en demeure d’exécuter leur mission. En principe, toute liberté est laissée au choix des juges pour la désignation des experts, mais il existe en pratique, auprès de chaque juridiction, une liste d’experts. Le tribunal ne commet qu’un seul expert, à moins qu’il n’estime nécessaire d’en désigner trois : il ne pourrait pas en nommer deux et pas davantage plus de trois. L’expert qui accepte sa mission prête serment par écrit ; les experts peuvent être récusés (sous réserve de l’appréciation souveraine des causes de récusation par les juges du fond) et remplacés sur leur demande ou d’office.

L’expert doit procéder en personne à l’accomplissement de sa mission ; il l’exécute sous la surveillance de la juridiction qui l’a commis et sous le contrôle du magistrat chargé de suivre la procédure, qui, seuls, ont compétence pour lui donner des ordres ou des instructions et, le cas échéant, trancher les litiges pouvant surgir entre lui et les parties. L’expertise n’est opposable à une partie qu’autant que celle-ci y a été appelée, présente ou représentée, et les parties doivent être régulièrement convoquées à toutes les opérations des experts. Le rapport d’expertise doit être rédigé par écrit et signé ; s’il y a plusieurs experts, ceux-ci ne dressent qu’un seul rapport, signé de tous, indiquant, dans le cas d’avis différents, les motifs des divers avis, sans faire connaître quel a été l’avis personnel de chacun des experts. Le rapport est enregistré, et son dépôt au greffe de la juridiction qui a ordonné l’expertise marque la fin de la mission de l’expert.

Le rapport d’expert fait foi jusqu’à inscription de faux relativement aux constatations personnelles que l’expert a faites dans les limites de sa mission. Les juges ont le pouvoir d’apprécier souverainement la portée et la valeur probante d’un rapport d’expertise ; ils ne sont pas liés par l’avis des experts commis et sont seulement tenus, lorsqu’ils l’écartent en tout ou en partie, d’énoncer les motifs qui ont entraîné leur conviction.

• L’expertise devant les tribunaux de commerce se différencie en ce qui concerne la nomination des experts et le paiement de leurs honoraires. Le nombre des experts est de un ou de trois, suivant la volonté du tribunal, mais les parties ont le droit de choisir ceux-ci, à condition qu’elles le fassent à l’audience même ; à défaut, le tribunal procède d’office à cette nomination. Il existe devant les tribunaux de commerce une procédure proche de l’expertise, qui est le renvoi devant des arbitres-rapporteurs, notamment pour examen de comptes, pièces ou registres : le tribunal nomme un ou trois arbitres pour entendre les parties, les concilier si faire se peut, sinon donner leur avis. Les arbitres sont généralement choisis par le tribunal, mais ils peuvent être désignés par les parties à l’audience ; ils procèdent comme les experts, mais ils ne font pas œuvre d’experts. Leurs opérations ne sont pas purement matérielles ; portant sur un point de fait ou de droit et non sur une question technique, elles les conduisent à formuler un avis qui n’est, cependant, pas une décision, ce qui les distingue nettement des véritables arbitres.

• L’expertise devant les tribunaux d’instance est soumise à la plupart des formalités substantielles de la procédure de droit commun ; le juge d’instance peut y recourir toutes les fois qu’il estime nécessaire d’être éclairé sur des points de fait d’ordre technique posés par le litige qui lui est soumis. Les experts, au nombre de un ou trois, sont choisis par le juge d’instance, mais rien n’empêche le juge de désigner des experts qui lui seraient officieusement indiqués par les parties : dans le cas où la cause n’est pas susceptible d’appel et si le juge du tribunal d’instance assiste à l’expertise, il n’est pas nécessaire pour les experts de dresser un rapport ; le juge énoncera dans son jugement le nom du ou des experts, la prestation de serment et le résultat des opérations d’expertise.


L’expertise en matière pénale

La nature et les caractères de l’expertise judiciaire en matière pénale sont sensiblement les mêmes qu’en matière civile. Dans le cas où se pose une question d’ordre technique, toute juridiction d’instruction ou de jugement peut ordonner une expertise : celle-ci est une mesure facultative prise d’office ou sur la demande du ministère public ou des parties à l’instance ; l’opportunité de cette mesure d’instruction est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fait, qui, en cas de refus d’une expertise demandée, doivent rendre une décision motivée, qui a un caractère juridictionnel et qui est susceptible de voies de recours, appel et pourvoi en cassation.

L’expertise en matière pénale présente certaines originalités : dualité d’experts, établissement de listes spéciales d’experts, intervention du ministère public lors de la désignation des experts, interdiction pour l’expert d’entendre les inculpés. Le législateur a posé comme principe qu’en matière pénale, lorsque la question soumise à l’expertise porte sur le fond de l’affaire, les experts commis sont au moins au nombre de deux, sauf si des circonstances exceptionnelles justifient la désignation d’un expert unique ; pour pallier les inconvénients que peut présenter ce système, il est stipulé que les experts doivent attester avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées et que, s’ils sont d’avis différents ou s’ils ont des réserves à formuler sur des conclusions, chacun d’eux indique son opinion ou ses réserves en les motivant.

Les experts doivent, en principe, être choisis sur la liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel ; toutefois, à titre exceptionnel et par décision motivée, les juridictions d’instruction peuvent choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes.