Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

évolution biologique (suite)

La découverte du rôle de l’A. D. N. dans l’information génétique, l’établissement du code génétique, la reconnaissance du « dogme fondamental » (l’information de l’A. D. N. se transmet à des molécules d’A. R. N., qui commandent la synthèse des protéines) ont fourni des arguments décisifs à la non-hérédité des caractères acquis. Le milieu ne peut modifier l’ordre des « lettres » des bases qu’au hasard et non d’une façon concertée.

Et voici que l’on aurait observé des cas où les informations seraient transmises de l’A. R. N. vers l’A. D. N., contrairement au dogme fondamental ; il reste à vérifier ces affirmations ; mais elles favorisent déjà la renaissance d’un « minilamarckisme » (A. Koestler) ; Thorpe, un spécialiste du comportement animal, accepterait ce minilamarckisme.


Le darwinisme

À vingt-deux ans, Darwin* part comme naturaliste sur le Beagle, qui devait explorer l’Amérique du Sud et quelques îles du Pacifique. Ce voyage exerce une profonde influence sur la pensée de Darwin. Des faits le frappent : la substitution des espèces alliées du nord au sud, la parenté entre les peuplements du continent et des îles voisines, la variété faunique des îles Galápagos, les affinités des Mammifères Édentés actuels avec les espèces fossiles des couches pampéennes. Tous ces faits, incompatibles avec le fixisme, se comprennent en admettant l’hypothèse d’une évolution graduelle des formes animales. Il cherche alors une explication du mécanisme de cette évolution.

Animaux domestiques et plantes cultivées lui montrent l’importance des variations et comment l’Homme sait les utiliser et pratique ainsi une sélection artificielle. Par ailleurs, un ouvrage de Malthus, Essai sur le principe de population, retient son attention. L’économiste montrait que la population s’accroît selon une progression géométrique, alors que les denrées alimentaires augmentent moins rapidement ; d’où une source de lutte pour la conquête de la nourriture, la victoire restant à ceux qui présentent un avantage par rapport aux autres. Deux notions essentielles, la lutte pour la vie et la sélection naturelle, étaient retenues. Dès 1837, Darwin commence à penser à l’Origine des espèces, volume qui paraîtra seulement en 1859.

Voici la théorie proposée par Darwin : les changements des conditions de milieu (climat, nourriture) provoquent des variations en agissant soit sur le corps, soit sur les cellules reproductrices. Les populations s’accroissant, la lutte pour l’existence est nécessaire ; tout individu est en concurrence avec ses semblables, pour la nourriture, pour son territoire. Les individus porteurs de variations avantageuses se maintiendront et les légueront à leurs descendants : toute variation nuisible sera détruite ; la persistance des meilleures formes constitue une sorte de tri, la sélection naturelle, qui conduit à la survivance du plus apte. Ainsi s’expliquera la morphologie de la Girafe : pendant les périodes de disette, les individus les plus grands pouvaient brouter sur les branches les plus hautes ; ils ont survécu et ont eu des descendants jouissant également d’une grande taille ; celle-ci se montrait également avantageuse dans la protection contre les carnassiers.

L’évolution résulte donc de la variabilité et de la concurrence, dont l’importance relative explique de nombreux faits. Une variabilité faible associée à une concurrence intense entraîne la disparition des espèces ; l’absence des deux facteurs explique la persistance sans modification pendant des périodes géologiques (espèces panchroniques). Enfin, la grande variabilité et la grande concurrence assurent l’évolution et la diversification des espèces. Plus une espèce est plastique, plus elle possède de potentialités évolutives.

Plus tard, Darwin ajouta à sa théorie la notion de sélection sexuelle ; les femelles choisissent les mâles les plus beaux, les plus vigoureux, les plus colorés ; ceux-ci écarteront leurs rivaux moins vigoureux et seront seuls à procréer.

Cette théorie explicative de l’évolution connut immédiatement un grand succès et suscita d’âpres discussions ; ses plus ardents défenseurs furent Thomas Huxley en Angleterre et Ernst Haeckel en Allemagne.

Les ultradarwinistes, représentés surtout par August Weismann et Alfred Russel Wallace, acceptent l’hypothèse darwinienne mais rejettent l’hérédité des caractères acquis ; la sélection est donc le seul facteur efficient, sa puissance est absolue. Weismann minimise encore l’action du milieu ; il érige en dogme la division de l’organisme pluricellulaire en soma et en germen, totalement indépendants. Toute variation résulte d’une cause interne localisée dans le germen ; les modifications somatiques n’offrent aucune valeur évolutive, étant incapables de devenir héréditaires.


Critiques du darwinisme

Le darwinisme repose sur la variation ; or, la plupart des variations sont des somations non héréditaires. La portée de la théorie s’en trouve considérablement diminuée ; le deuxième fait essentiel correspond à l’avantage conféré par une variation fortuite. L’estimation d’un avantage, d’une utilité est difficile ; favorable dans certaines conditions, l’avantage constituera un handicap plus ou moins important dans une autre situation. La palmure, avantageuse dans la nage, restreint les possibilités de la marche sur la terre. Mais une objection beaucoup plus grave réside dans la constatation que le triage exercé par la mort est illusoire. Des expériences ont prouvé que la mort n’est pas différenciatrice ; les jeunes êtres subissent une forte mortalité, compensée par l’abondance des œufs lorsque les premières phases du développement ne sont pas protégées ; après, la mort n’offre plus de valeur sélective. La survie des mieux adaptés est une illusion, il y a conservation du type moyen par élimination des tarés, des infirmes. Ainsi s’effondre une des notions fondamentales du darwinisme.

Et la sélection ? Quelle sera son action ? La sélection naturelle ne crée rien de qualitativement nouveau ; son action est plutôt quantitative ; elle accentue ou restreint certains caractères ; elle intervient sur des mutants vivant dans le même milieu ou lorsqu’ils changent de milieu. Dans le premier cas se déroule un phénomène de substitution ; dans le second cas, la notion de préadaptation intervient.