Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

évolution biologique (suite)

Les organes rudimentaires n’assurant aucun rôle sont les homologues d’organes normalement développés dans des groupes plus primitifs. L’homme compte ainsi de nombreuses « reliques anatomiques » : le repli semi-lunaire de l’œil correspond au reste de la paupière nictitante fonctionnelle chez divers Mammifères ; l’appendice vermiculaire est le vestige de la portion distale du cæcum ; les muscles de l’oreille humaine sont les restes d’une musculature exigée par une oreille mobile ; la musculature coccygienne témoigne de la présence d’une musculature caudale autrefois bien développée.

Les organes transitoires n’affectent que l’embryon ou le très jeune individu ; des ébauches de pattes sont présentes chez l’embryon d’Orvet, alors que l’adulte est apode ; des ébauches dentaires apparaissent chez certains embryons d’Oiseaux et disparaissent rapidement.

Il ne faut pas confondre les homologies avec les analogies. Des organes « analogues » présentent des formes analogues, mais leur origine est très différente ; ainsi, l’œil à cristallin existe chez les Vertébrés, les Pectens, des Céphalopodes ; c’est en quelque sorte une évolution vers le même point qui a fait paraître cette lentille convergente dans trois lignées indépendantes.


Les preuves chimiques

L’analyse biochimique du vivant a grandement progressé et donne une impression d’unité. Tous les Arthropodes possèdent de la chitine. L’hémoglobine existe chez tous les Vertébrés ; sa structure intime chez l’Homme et les Anthropoïdes présente assez peu de différences : la chaîne alpha de l’hémoglobine du Gorille diffère de celle de l’Homme par un seul résidu. Les techniques d’agglutination ont mis en évidence les affinités de la Limule avec les Arachnides, dont elle diffère beaucoup morphologiquement. Le fonctionnement musculaire repose sur la décomposition de composés phosphores riches en énergie ; chez les Invertébrés, il s’agit d’un acide arginine-phosphorique et chez les Vertébrés d’un acide créatine-phosphorique. Les Échinodermes et les Procordés, selon les classes, possèdent l’un ou l’autre de ces composés.


Les modalités ou les règles de l’évolution

L’évolution, phénomène universel, est-elle fortuite, aléatoire, ou des lois peuvent-elles être mises en évidence ? La réponse à la dernière question est affirmative.


La règle de complexité croissante

Depuis les premiers fossiles observés, le même cheminement se manifeste : les êtres vivants les plus simples apparaissent les premiers et sont suivis par des êtres de plus en plus complexes ; le fait est général et ne supporte pas d’exception. À un type d’organisation succède un autre type d’organisation plus complexe que le précédent. Otto Schindewolf (1896-1927) nomme ce phénomène la typogenèse. Chaque fois que l’on découvre un fossile nouveau, il occupe dans l’échelle des êtres et dans l’échelle chronologique la place qu’il doit occuper d’après sa complexité.


La règle d’Edward D. Cope ou des formes primitives synthétiques

L’histoire évolutive de chaque groupe présente le même aspect que l’histoire de chaque individu. Le groupe naît, s’épanouit, se diversifie, diminue puis s’éteint, ou persiste par quelques individus à distribution restreinte qui sont des reliques ou des fossiles vivants. Ce phénomène cyclique comporte donc trois phases principales : phase de préparation, phase de crise évolutive et phase de sénescence, qui se termine par la mort.

• La phase de préparation, généralement longue, demeure assez obscure ; pendant le Carbonifère et le Permien s’édifie la structure reptilienne ; pendant le Secondaire apparaît et s’organise la structure mammalienne. Il semble que, à l’origine, le groupe compte de petites espèces non exigeantes, qualifiées d’espèces généralisées, ou synthétiques, ou composites. Elles sont aptes à évoluer et à donner des formes qui évoluent à leur tour. La non-spécialisation de l’espèce humaine l’a peut-être protégée contre une disparition plus ou moins rapide.

• La phase de crise évolutive correspond à une diversification buissonnante, qui marque l’apogée du groupe ; riche en types variés et en individus, il tend à occuper les biotopes compatibles avec sa physiologie. La vie, d’abord apparue dans les eaux, a rapidement conquis les surfaces terrestres et les airs. Les groupes ou les espèces inféodés à des biotopes définis ne peuvent plus les quitter, mais une nouveauté organique favorise la conquête d’une place libre. Les nageoires paires de certains Poissons Crossoptérygiens se transforment en pattes à doigts chez les Stégocéphales, ancêtres des Tétrapodes terrestres. Cette révolution organique permet l’occupation du milieu terrestre ; elle doit être associée à l’établissement d’une respiration aérienne et d’une circulation adaptée aux dispositifs respiratoires.

• Plus ou moins longue, cette deuxième phase se continue par la phase de sénescence, marquée par quelques signes : diminution du nombre des individus, accroissement de la taille ; les grandes espèces sont en général défavorisées par leur poids et l’augmentation des besoins nutritifs, la lenteur de leur croissance et de leur reproduction.

Les causes profondes de l’extinction des grands groupes demeurent obscures ; les modifications de milieu, les restrictions alimentaires entraînent une diminution de la fécondité ; les épidémies, les batailles avec les carnassiers, la destruction des œufs interviennent. Un grand nombre d’espèces ont disparu à l’époque historique. L’action humaine (chasse, défrichements, introduction d’animaux nouveaux...) précipite l’extinction naturelle des espèces et notamment des Oiseaux des îles.

Quelques groupes ne disparaissent pas totalement et laissent des représentants qui subsistent jusqu’à nos jours ; les plus célèbres sont : le Sphenodon punctatus, Reptile de Nouvelle-Zélande, dernier survivant des Rhynchocéphales secondaires ; le Cœlacanthe* (Latimeria chalumnæ), Poisson de l’océan Indien, représentant des Crossoptérygiens, prospères au Dévonien ; un Mollusque abyssal, Neopilina galathæa, survivant d’un groupe du Primaire.