Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Europe (suite)

Enfin, les États, formés à la suite d’une longue histoire, présentent une variété extrême de tailles, de formations, de situations. Le tableau met en valeur les États minuscules de l’Europe et la variété des superficies (la France est le plus étendu) et de population (l’Allemagne occidentale est le plus peuplé) : en tout, vingt-six États, plus les parties européennes de la Turquie et de l’U. R. S. S., plus cinq États nains, vestiges du passé féodal, parmi lesquels il faut citer le Vatican, dont l’audience est universelle, plus Malte, indépendant depuis 1964, Gibraltar, demeuré base britannique, bien que revendiqué de temps à autre par l’Espagne. Aucune autre partie du monde n’est aussi divisée et découpée.

Les modes de classification de ces États peuvent faire appel à des critères variables, les uns purement formels, les autres reposant sur la nature et la puissance de leur économie. Ainsi, on peut distinguer : les États de formation récente, dont l’unité date de la seconde moitié du xixe s. (l’Italie et l’Allemagne) ; ceux qui apparaissent après le démembrement des empires austro-hongrois, ottoman et russe, de la Pologne à la Bulgarie. D’autre part, il existe des États de structure fédérale (la Suisse et ses cantons ; la Yougoslavie et ses six républiques ; l’Autriche ; l’Allemagne occidentale et ses Länder ; la Tchécoslovaquie depuis la Constitution de 1968, divisée en « pays tchèques et moraves » et en Slovaquie) et des États unitaires, de formation plus ancienne (comme la France et l’Espagne). On peut distinguer : les États dont les frontières sont à peu près restées intactes depuis le début de ce siècle ou la fin de la Première Guerre mondiale (l’Europe occidentale et Scandinave et la Méditerranée occidentale) ; ceux qui ont subi des changements plus profonds à la suite de la Seconde Guerre mondiale (la Pologne ; l’Allemagne coupée en deux, avec sa capitale Berlin ; la Yougoslavie, qui gagne des territoires sur l’Italie ; la Grèce, qui a rattaché le Dodécanèse ; la Roumanie, qui a abandonné le sud de la Dobroudja à la Bulgarie et la Moldavie à l’U. R. S. S. ; la Tchécoslovaquie, privée de la Ruthénie, celle-ci étant devenue l’Ukraine subcarpatique).

On peut aussi classer les États selon leur position géographique. Certains se confondent : avec une île (Islande, Malte) ou la majeure partie d’une île (Irlande, ou Eire) ; avec une presqu’île (Italie, Grèce, Danemark). La Norvège est par excellence le type de l’État côtier et maritime ; l’Espagne, la France, le Danemark et la Suède sont les seuls à bénéficier de deux façades maritimes, tandis que Suisse, Autriche, Tchécoslovaquie et Hongrie n’ont pas de débouchés sur un littoral, leur commerce extérieur devant avoir recours à des ports francs ou de transit : Rotterdam et Gênes pour la Suisse ; Trieste et Rijeka pour l’Autriche et la Hongrie ; Hambourg et Szczecin pour la Tchécoslovaquie. Des groupes d’États se définissent par leur vocation autour d’une mer fermée (les États baltes, les États méditerranéens), le long d’un grand fleuve (États rhénans, États danubiens). L’ancienne division selon le régime formel : États monarchiques (Royaume-Uni et États scandinaves), républiques parlementaires, dictatures, etc., ne résiste pas à l’examen. En fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, la différenciation fondamentale apparaît dans les structures économiques. L’Europe est divisée grossièrement entre deux types fondamentaux, l’économie libérale et l’économie collectiviste ou socialiste planifiée, en deux grands blocs : les pays qui ont connu une profonde révolution économique et sociale après la dernière guerre ont collectivisé tous les moyens de production, institué le régime du parti unique (les démocraties populaires, ou « pays socialistes », ou « pays de l’Est ») ; les pays qui sont restés fidèles à la conception de la libre entreprise, ou Europe de l’Ouest, parmi lesquels figurent des États comme la Grèce qui font partie de l’Europe orientale, ou l’Espagne. Mais, à l’intérieur de ces deux « camps », ou « blocs », la variété des situations exprime bien soit les volontés d’indépendance nationale, soit l’originalité nationale de chacun de ces pays. Ainsi, la Yougoslavie socialiste n’a jamais appartenu à l’organisation du Comecon ; l’Albanie s’en est retirée en 1961. Les trois États balkaniques d’économie collectiviste se réclamant du marxisme-léninisme présentent sur un espace réduit les contradictions internes du monde socialiste : la Bulgarie reste inconditionnellement fidèle à la patrie du socialisme, l’U. R. S. S. ; la Yougoslavie a cherché sa voie dans un retour aux sources par la décentralisation et l’autogestion, mais a libéralisé son économie et entretient des rapports étroits avec l’Occident ; l’Albanie suit une voie prochinoise. De son côté, l’Europe occidentale est loin d’être unie : à l’extrême libéralisme économique de l’Allemagne occidentale s’opposent la « planification à la française », le « socialisme à la suédoise », la mainmise technocratique sur l’économie en Espagne...


L’Europe des espaces économiques et politiques

Presque tous les États européens appartiennent à des organisations internationales, dont les unes dépassent le cadre même de l’Europe, les autres sont spécifiquement européennes. Ainsi se modèlent de grandes régions internationales, espaces économiques ou politiques : l’Europe reflète la division du monde en blocs.

Sur le plan militaire, deux organisations s’opposent, l’une et l’autre dominées par chacun des deux Supergrands.

Au pacte de l’Atlantique* Nord (O. T. A. N. ou NATO) adhèrent les États-Unis et le Canada, tous les États d’Europe occidentale (la France s’étant retirée de l’O. T. A. N. mais participant aux travaux du Conseil de l’Atlantique Nord) plus la Grèce et la Turquie, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, de la Suède, de la Finlande, de la Suisse, de l’Autriche et de Malte.

Le pacte de Varsovie unit l’Union soviétique et les pays socialistes européens, sauf la Yougoslavie et l’Albanie (qui s’en est retirée).

Une organisation de caractère politique, le Conseil de l’Europe, siège à Strasbourg. Il comprend la quasi-totalité des États d’Europe occidentale.