Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Le 22 juillet 1969, le général Franco annonce à la tribune des Cortes qu’il choisit pour successeur le prince Juan Carlos de Borbón y Borbón (né en 1938), fils de don Juan, comte de Barcelone, et petit-fils d’Alphonse XIII. Juan Carlos accepte cette désignation. Le remaniement du gouvernement qui s’ensuit suscite la réaction des ultras de la Phalange et de la droite de l’Action catholique. En décembre 1970, le procès intenté à Burgos contre plusieurs militants de l’E. T. A. (Euzkadi ta Askatasuna, « le Pays basque et sa liberté »), mouvement nationaliste et séparatiste clandestin du Pays basque espagnol, provoque une série de tensions et de manifestations. Le 8 juin 1973, Franco désigne comme Premier ministre l’un des ses plus fidèles lieutenants, l’amiral Carrero Blanco. Mais ce dernier est tué dans un attentat, attribué à l’E. T. A., en décembre de la même année, ce qui remet en cause la stabilité du régime franquiste. Le 20 novembre 1975, Franco meurt, et Juan Carlos accède au trône d’Espagne. Il conserve le successeur de Carrero Blanco, Carlos Arias Navarro, à la tête du gouvernement. Mais celui-ci, critiqué à la fois par l’opposition démocratique et par l’extrême droite, apparaît rapidement comme un obstacle majeur à la libéralisation du régime souhaitée par le roi. En juillet 1976, il est remplacé par Adolfo Suarez Gonzalez, qui entreprend une véritable démocratisation de l’Espagne. Le nouveau gouvernement accorde une large amnistie politique et prévoit la légalisation de la plupart des formations politiques et des syndicats. Celle du parti communiste intervient officiellement en avril 1977, malgré la vive réticence de certains cadres supérieurs de l’armée. Le 15 décembre 1976, le projet de réforme constitutionnelle établi par le gouvernement Suarez est approuvé par 94 p. 100 des votants lors d’un référendum qui consacre, en fait, la fin du régime franquiste et l’édification d’un régime représentatif : la réforme prévoit l’élection au suffrage universel d’un Congrès des députés et d’un Sénat. Les nouveaux représentants du peuple espagnol sont effectivement désignés lors des scrutins du 15 juin 1977 qui voient le succès de l’Union du centre, le parti d’Adolfo Suarez.

Sur le plan économique, dans la période qui suit la guerre civile et la Seconde Guerre mondiale, le redressement est compliqué par les restrictions commerciales qu’imposent les autres nations.

L’agriculture bénéficie de plusieurs réformes dans le cadre de la loi de colonisation, dont les plus importantes aboutissent au plan de Badajoz (1952) et au plan de Jaén (1953), fondés essentiellement sur l’irrigation des terres en vue de leur mise en valeur.

Le secteur industriel est favorisé par la création en 1941 de l’Institut national de l’industrie (Instituto Nacional de Industria), dont le but est d’orienter l’initiative privée vers les produits de base insuffisamment développés. Par le biais de cet institut, l’État investit des capitaux dans des entreprises nationales ou mixtes. Cette croissance entraîne une migration des travailleurs, qui quittent la campagne pour venir s’installer dans les villes, où se produisent alors des phénomènes de surpopulation. À partir de 1960, l’afflux des touristes devient une importante source de devises et, par voie de conséquence, donne un nouvel élan à l’économie.

En 1964 débute le premier Plan de développement élaboré par le Commissariat au plan, organe fondé en 1962 au sein de la présidence du gouvernement. Il est suivi en 1968 par le second Plan de développement, qui est lancé après la dévaluation de la peseta (1967), et le troisième, en 1972.

Sur le plan colonial, l’Espagne, qui fut l’une des plus grandes puissances à cet égard, ne conserve que très peu de territoires. En effet, en octobre 1956, elle renonce à son protectorat sur le Maroc, où elle ne conserve que Ceuta et Melilla ; en 1968, elle accorde l’indépendance à la Guinée équatoriale, en 1969, elle rend l’enclave d’Ifni au Maroc, et en 1975, elle abandonne la souveraineté sur le Sahara espagnol au profit du Maroc et de la Mauritanie.

Sur le plan international, l’Espagne reprend une grande importance une fois révoquées les décisions antérieures de l’O. N. U. Plusieurs accords sont signés avec différents pays : concordat avec le Saint-Siège en 1953, pacte de défense et d’assis tance mutuelle avec les États-Unis la même année, prévoyant l’installation de bases stratégiques américaines en Espagne en échange d’une aide économique directe ou canalisée par la banque privée. Reconduit en juin 1969, ce pacte est suivi en août 1970 d’un « accord d’amitié ».

L’Espagne est devenue membre de la plupart des organisations internationales : Unesco (1951), O.N.U. (1955), O.C.D.E., F.M.I. (Fonds monétaire international), B.I.R.D. (Banque internationale de reconstruction et de développement), etc. Elle mène une campagne active pour la récupération de Gibraltar*, qui est possession britannique depuis 1704. L’évolution démocratique du régime après la mort de Franco se traduit, notamment sur le plan diplomatique, par le rétablissement, en 1977, des relations avec l’U. R. S. S. et le Mexique, et par des négociations visant à intégrer pleinement l’Espagne à la Communauté économique européenne.

Les institutions de l’Espagne franquiste

L’Espagne franquiste n’avait pas de constitution dans le sens le plus strict du terme, mais elle disposait d’un ensemble de lois de caractère constitutionnel, les leyes fundamentales : le Fuero del trabajo (9 mars 1938), qui déterminait les lignes générales de la structure économique et syndicale du pays ; la Ley de Cortes (17 juill. 1942, révisée le 9 mars 1946, puis par la loi organique), qui précisait la composition et les fonctions de l’organe législatif ; le Fuero de los Españoles (17 juill. 1945, modifié par la loi organique), qui proclamait les droits et devoirs de la personne humaine ; la Ley del referéndum nacional (22 oct. 1945), qui représentait l’acceptation de l’exercice par le peuple de la démocratie directe ; la Ley de sucesión en la jefatura del Estado (26 juill. 1947, modifiée par la loi organique), qui réglementait la succession du chef de l’État et prévoyait le rétablissement de la monarchie, rendu effectif le 22 novembre 1976 ; la Ley de principios del Movimiento nacional (17 mai 1958), qui établissait l’idéologie du Mouvement ; enfin, la Ley orgánica del Estado (10 janv. 1967), destinée à réviser les structures politiques et sociales.