Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Charles II n’ayant aucun fils de ses deux mariages, la succession sur le trône suscite la convoitise de divers princes étrangers : Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, l’archiduc Charles (le futur empereur Charles VI*), fils de l’empereur d’Autriche Léopold Ier, et Joseph-Ferdinand de Bavière (1692-1699), petit-fils de la seconde sœur de Charles II, Marguerite-Thérèse ; ce dernier meurt avant le roi d’Espagne. Charles II, écoutant les conseils du cardinal Portocarrero (1635-1709), fait un testament en faveur de Philippe d’Anjou : tournant décisif dans l’histoire de l’Espagne.

• 1700 : le 1er novembre, quelques jours après avoir fait connaître ses dernières volontés, disparaît le dernier représentant en Espagne de la maison d’Autriche.


L’Espagne sous la maison d’Autriche

La puissance espagnole arrive à son apogée en 1492 avec la conquête de Grenade, dernier bastion maure, dont la chute permet de réaliser l’unité nationale, et la découverte de l’Amérique. Mais, avant même la mort de Philippe II (1598), elle commence à décliner.

Les causes principales de la décadence sont : l’étendue considérable des possessions espagnoles par rapport à la population de l’Espagne, l’incapacité des trois derniers souverains de la maison d’Autriche, l’abandon du pouvoir entre les mains de favoris, l’absence d’hommes suffisamment préparés pour organiser l’administration complexe de si vastes États, surtout en ce qui concerne le domaine des finances.

Cette mauvaise administration entraîne le dépeuplement de l’Espagne. L’émigration en Amérique et l’expulsion des morisques font passer la population de dix millions à sept millions à l’époque de Philippe III. L’agriculture traverse alors une crise très sérieuse, que vient encore aggraver l’existence de privilèges accordés à l’élevage des ovins (Mesta).

L’industrie, négligée, ne permet pas de subvenir aux besoins de la population, qui doit importer de l’étranger les denrées indispensables. Les sujets des souverains autrichiens, qui sont aveuglés par l’or des Indes — dont l’arrivée, d’ailleurs, se raréfie —, se désintéressent du travail et se disséminent dans les États d’outre-mer à la recherche d’une fortune facile à obtenir.

L’administration du royaume est confiée aux conseils de Castille, d’Aragon, d’Italie, de Flandre, du Portugal et des Indes, ce dernier s’occupant de l’organisation des territoires situés sur le nouveau continent. L’influence des étrangers devient prépondérante.

L’administration de la justice est presque entièrement réglementée depuis les Rois Catholiques. La diversité des lois conduit Philippe II à publier la Nueva recopilación (1567), recueil de tous les textes législatifs. Cela n’aboutit cependant pas à l’unification de la législation en Espagne puisque l’Aragon, la Catalogne, Valence, la Navarre et la Biscaye conservent leurs institutions propres et autonomes et sont gouvernés par un représentant du monarque, le vice-roi.


La guerre de la succession* d’Espagne (1701 à 1713-14)

Le duc d’Anjou, qui prend le nom de Philippe V, se rend à Madrid à la mort de Charles II. La maison d’Autriche se sent lésée. Surtout, l’Europe est révoltée parce que le roi d’Espagne ne renonce pas à ses droits sur la France.

La guerre réunit dans une alliance l’empereur Léopold Ier, l’Angleterre, les Provinces-Unies, le Danemark, quelques princes allemands, puis la Savoie et le Portugal (1703), qui conjuguent leurs efforts contre Philippe V, lequel a cependant certaines sympathies en Espagne, en dehors de la Catalogne et de l’Aragon. Ces deux régions se rangent du côté de l’archiduc Charles, qui est proclamé roi d’Espagne sous le nom de Charles III.

Les Anglais s’emparent de Gibraltar* (1704) et de Minorque (1708). La Catalogne, l’Aragon et Valence n’acceptent pas la nomination de Philippe V. Les alliés, sous le commandement du prince Eugène et de Marlborough, remportent les victoires de Ramillies (1706) et d’Oudenaarde (1708). Si la bataille de Malplaquet est indécise (1709), les Bourbons l’emportent nettement à Almansa (1707), victoire qui leur permet de reconquérir Valence et l’Aragon, ainsi qu’à Brihuega et à Villaviciosa (1710). Les partisans de l’archiduc se réfugient en Catalogne et défendent âprement cette région. En 1714, les troupes de Philippe V, dirigées par le duc de Berwick, entrent à Barcelone. Le nouveau roi, usant de représailles, enlève aux Catalans en 1716 leurs privilèges et instaure dans l’Espagne tout entière un gouvernement de caractère unitaire.

Le traité d’Utrecht, signé par les Autrichiens à Rastatt (1714), met fin au conflit. L’Espagne cède à l’Angleterre Gibraltar et Minorque, à l’Autriche les Pays-Bas, le Milanais, Naples et la Sardaigne, et au duc de Savoie la Sicile. L’Espagne est alors réduite à ses frontières naturelles, si l’on exclut les possessions situées dans le Nouveau Monde et en Océanie.


Les Bourbons


Philippe V* (1700-1746)

Pendant la première partie de son règne, Philippe V subit l’influence de la reine Marie-Louise de Savoie (1688-1714), qu’il épouse en 1701 et qui a pour conseillère la princesse des Ursins (1642-1722).

• 1712 : introduction en Espagne de la loi salique, qui exclut les femmes de la succession à la couronne et va à l’encontre de celle des Partidas.

• 1713 : fondation de l’Académie royale espagnole.

• 1714 : le roi se marie en secondes noces avec Élisabeth Farnèse (1692-1766). Dès lors, la direction des affaires de l’État passe à l’abbé italien Giulio Alberoni (1664-1752).

• 1717 : Alberoni veut rétablir la domination espagnole en Italie pour que les fils de la souveraine puissent porter la couronne de ces États. Il envoie deux expéditions en Sardaigne et en Sicile, mais les puissances européennes font échouer ses plans. Il est destitué de ses fonctions à la cour d’Espagne en 1719.

• 1724 : Philippe V laisse la couronne à son fils aîné Louis, qui meurt huit mois après. Philippe V reprend le pouvoir.

• 1726 : le baron de Ripperdá (v. 1680-1737) est nommé Premier ministre.

Johan Willem Ripperdá essaie d’imposer certaines réformes et tombe en disgrâce. Il est remplacé par José Patiño (v. 1666-1736).

• 1732 : l’infant Charles d’Espagne occupe les duchés italiens de Parme et de Toscane.

• 1733 : premier pacte de famille avec le roi de France. Intervention dans la guerre de la Succession de Pologne.

• 1734 : Charles obtient les royaumes de Naples et de Sicile.

• 1738 : fondation de l’Académie royale d’histoire.

• 1743 : signature du second pacte de famille qui entraîne l’Espagne dans la guerre de la Succession d’Autriche.

• 1746 : mort de Philippe V.