Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (suite)

• L’artisanat, fort répandu en Allemagne, est de plus en plus concurrencé par la grande industrie à structure capitaliste. Tout naturellement, au sein d’un prolétariat ouvrier de plus en plus nombreux et dont les conditions de vie sont assez misérables, les idées socialistes font rapidement leur chemin. Or, les théoriciens du socialisme* sont nombreux en Allemagne : Marx et Engels, dont l’influence sera prépondérante dans le mouvement ouvrier allemand ; Mgr Ketteler, évêque de Mayence, tenant d’un socialisme chrétien ; Ferdinand Lassalle († 1864), partisan d’un socialisme national protégé par l’État (il est en relation avec Bismarck). En 1869, au congrès d’Eisenach, le courant marxiste triomphe (Bebel, Liebknecht) avec la formation de la social-démocratie (parti ouvrier social-démocrate), qui adhère à la Ire Internationale.

• La période 1806-1870, d’abord marquée par le romantisme, est une des plus fécondes dans l’histoire de la civilisation allemande : musique et littérature notamment témoignent d’une prise de conscience du génie national, génie que le militarisme prussien triomphant en 1871 va partiellement détourner de sa voie.


Le IIe Reich : 1871-1918


L’Empire bismarckien (1871-1890)

• Le nouvel Empire allemand (l’ancienne Confédération de l’Allemagne du Nord et les quatre États du Sud) couvre un peu plus de 540 600 kilomètres carrés. L’Alsace-Lorraine, érigée en Reichsland, est la propriété commune des vingt-cinq États allemands.

• L’Empire allemand est fédéral, c’est-à-dire que les 25 États gardent leurs dynasties et leurs assemblées. Mais l’organisation militaire, les postes, la monnaie sont communes à tous les États, dont les intérêts sont défendus par un Bundesrat, ou Conseil fédéral, groupant leurs représentants élus selon le système des classes : la Prusse y jouit d’ailleurs d’une position prépondérante.

• Une assemblée nationale, le Reichstag, est élue au suffrage universel à scrutin unique : elle vote le budget et les lois, mais ces dernières doivent être soumises à la ratification du Bundesrat.

• Le premier Reichstag, élu en mars 1871, vote la Constitution impériale dès le 16 avril.

• Le roi de Prusse, Guillaume Ier, est empereur héréditaire. Les affaires — et notamment la diplomatie — sont entre les mains du chancelier Bismarck. Celui-ci consolide son œuvre unitaire en faisant émettre le mark par une banque d’Empire (1875), en mettant en place un Code de procédure civile et criminelle (1872-1876), en créant le septennat militaire (1874), en travaillant à la germanisation des minorités nationales.

• 1871-1878 : Bismarck se heurte à la double hostilité des conservateurs protectionnistes (lui-même est libre-échangiste) et des catholiques (parti du Centre, dirigé par Windthorst), contre lesquels il pratique le Kulturkampf*.

• 1878-1890 : afin de protéger l’agriculture allemande et parce que treize députés socialistes sont présents au Reichstag en 1877, Bismarck renonce au libre-échange (1879), ce qui lui aliène les industriels ; en même temps, il cherche à se rallier le centre (fin du Kulturkampf). Tout en pratiquant une politique de répression contre la social-démocratie (1878), il fait des avances aux ouvriers et réalise un socialisme étatique (assurances obligatoires, 1883-1889), ce qui n’empêche pas la montée des voix socialistes (un million et demi en 1890).

• Bismarck est, durant vingt ans, l’arbitre de l’Europe. Son principal souci est d’isoler la France, qu’il cherche à détourner des préoccupations continentales (Alsace-Lorraine) en favorisant sa politique coloniale. Pour éviter une alliance franco-russe, il met sur pied un système d’alliances complexe mais efficace, s’appuyant à la fois sur l’Autriche-Hongrie et la Russie.

• Sa maîtrise diplomatique fait de lui le pivot de la politique internationale, comme en témoigne son rôle au congrès de Berlin (1878), qui stoppe l’avance russe dans les Balkans, et à la conférence de Berlin (1884-1885), qui délimite les sphères d’influence européennes en Afrique.

• Guillaume Ier meurt en 1888. Son fils Frédéric III, qui déteste Bismarck, ne règne que quelques semaines (mars-juin 1888). Guillaume II* (1888-1918), fils de Frédéric III, impatient de régner vraiment, provoque la chute de Bismarck (1890).


L’Empire wilhelmien (1890-1918)

• Quatre chanceliers se succèdent sous Guillaume II : Caprivi (1890-1894), Hohenlohe (1894-1900), Bülow (1900-1909), Bethmann-Hollweg (1909-1917). Aucun n’a une action comparable à celle de Bismarck. C’est l’empereur qui gouverne.

• À l’intérieur, avec des moyens moins violents, le Kaiser poursuit sans succès la lutte contre la social-démocratie, qui, en 1910, est le parti le plus nombreux au Reichstag. Dans les provinces polonaises, le gouvernement tente une germanisation forcée ; en Alsace-Lorraine, il applique une politique tantôt de violence, tantôt de conciliation.

• À l’extérieur, l’impérialisme allemand s’affirme, surtout sous la pression d’un essor économique considérable. Les termes Weltpolitik (politique mondiale), Weltwirtschaft (économie mondiale) traduisent mieux que pangermanisme — qui désigne des visées annexionnistes — le désir de l’Allemagne d’avoir place partout. Car il semble que la population — fière des réalisations scientifiques, économiques et culturelles (musique) du pays — ait été, dans son ensemble, pacifique. Il n’en reste pas moins que Guillaume II, en renforçant l’armée et le militarisme allemands, éléments de grandeur, et en pratiquant à l’extérieur une politique brouillonne et fanfaronne (Tanger, 1905), a renforcé les risques de guerre, avec la France et la Russie notamment.

• Contrairement à Bismarck, Guillaume II favorise la création d’un empire* colonial allemand. En fait, l’Allemagne ne peut guère s’installer, en Afrique principalement, que sur des territoires médiocres. Plus efficace est l’implantation de véritables « colonies » allemandes au Brésil et aux États-Unis.