Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (suite)

• Au début, les deux puissances, Autriche et Prusse, ont à faire face à un fort courant libéral, hostile à la restauration de l’ancien régime fondé sur les privilèges et les particularismes. En même temps se fortifie le courant unitaire. Une grande fédération, la Burschenschaft, où dominent bourgeois et intellectuels, et de nombreuses associations d’étudiants agitent dans ce sens le pays. La répression, menée par Metternich avec l’assentiment de la Prusse (congrès de Karlsbad, 1819), étouffe la vie politique en Allemagne.

• En fait, la Prusse pousse à l’unification de l’Allemagne à son profit par une action économique efficace. De 1818 à 1833 se constitue, autour d’elle et grâce à elle, une union douanière (Zollverein) qui prélude à l’unité nationale en supprimant les barrières douanières entre une vingtaine d’États.


La révolution de 1848

• Mars 1848 : la révolution éclate en Allemagne ; elle est favorisée par la crise économique de 1847, la propagande socialiste (Marx et Engels) et l’annonce de la révolution de février en France. Cette révolution est à la fois libérale et nationale.

• 31 mars - 4 avril : un parlement préparatoire (Vorparlament) réuni à Francfort décide l’élection au suffrage universel d’une assemblée nationale allemande de 586 députés, chargée d’élaborer une Constitution unitaire.

• 18 mai : cette assemblée se réunit pour la première fois à Francfort. Ses aspirations sont étouffées par les princes et par les radicaux ; son action est gênée par sa division en deux blocs hostiles : les partisans de la grande Allemagne avec l’Autriche et ceux de la petite Allemagne sans l’Autriche.

• Mars 1849 : cette dernière solution ayant été adoptée, la couronne impériale est naturellement offerte au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, qui, hostile par ailleurs à une libéralisation de la Constitution prussienne, refuse cette couronne mais cherche à se la faire offrir par les princes (union restreinte).

• 29 novembre 1850 : à Olmütz, Schwarzenberg, chancelier d’Autriche, impose au roi de Prusse l’abandon de ses projets. Humiliation qui pèsera lourdement sur les relations austro-prussiennes.


Guillaume Ier et Bismarck

• La Prusse, dans la lutte pour l’unité allemande qui va reprendre plus fortement que jamais, possède plusieurs atouts : sa puissance économique — qui s’affirme surtout depuis l’industrialisation des provinces rhénanes — et aussi l’action diplomatique et militaire du roi Guillaume Ier, successeur en 1861 de son frère Frédéric-Guillaume IV, ainsi que celle de Bismarck*, Premier ministre à partir de 1862.

• Réorganisée par Moltke et Roon, l’armée prussienne prouve son efficacité contre le Danemark (1864) et contre l’Autriche, qui, vaincue à Sadowa (1866), doit accepter (traité de Prague, 23 août 1866) de se retirer des affaires d’Allemagne.

• Bismarck organise alors, sous l’égide de la Prusse, une « Confédération d’Allemagne du Nord », comprenant tous les États (vingt-deux) situés au nord du Main. Cette confédération, qui durera trois ans (1867-1870), a comme président héréditaire le roi de Prusse, chef de la diplomatie et des armées. Celui-ci nomme un chancelier fédéral — Bismarck —, réel détenteur du pouvoir ; il peut dissoudre le Reichstag, élu au suffrage universel, mais non le Bundesrat, Conseil fédéral, véritable chambre haute formée de 43 délégués nommés par les souverains des États confédérés.
La Confédération se donne un drapeau national, qui unit le rouge du Brandebourg et des villes hanséatiques au blanc et noir du pavillon prussien.

• Provisoirement, les quatre États de l’Allemagne du Sud — Hesse-Darmstadt (en partie), Bade, Wurtemberg, Bavière —, qui répugnent à la domination prussienne, restent en dehors de la Confédération. Mais Bismarck signe avec eux des conventions militaires qui les obligent, en cas de guerre, à marcher avec la Prusse ; il les englobe même dans le Zollverein (juill. 1867).

• Il ne reste plus qu’à sceller l’unité politique du Nord et du Sud. Par une action diplomatique retorse, Bismarck amène la France à lui déclarer la guerre (juill. 1870). La guerre franco-prussienne* se solde par une victoire éclatante des armées allemandes. Sur les ruines de l’Empire français, l’Empire allemand (IIe Reich) est proclamé (Versailles, 18 janv. 1871). Guillaume Ier en est le premier titulaire, Bismarck le premier chancelier.

• 10 mai 1871 : le traité de Francfort cède à l’Empire allemand l’Alsace et une partie de la Lorraine, et lui accorde une indemnité de 5 milliards de francs, qui vont contribuer à développer son économie.


La société allemande de 1806 à 1870

• La révolution industrielle marque alors profondément l’Allemagne.
De 25 millions d’habitants en 1815, la Confédération passe à 38 en 1870 ; cet accroissement, dû surtout à une forte natalité, crée d’ailleurs un large courant d’émigration, dont profitent surtout les États-Unis.

• L’industrialisation massive de l’Allemagne après 1850 est liée aux progrès de l’extraction du charbon dans la Ruhr (2 Mt en 1850, 12 Mt en 1870) ; à l’adoption de techniques modernes dans le textile, la sidérurgie (Westphalie, Silésie), la chimie surtout, domaine où l’Allemagne assure dès lors sa suprématie ; à l’essor du trafic ferroviaire (500 km de voies ferrées en 1840, 18 000 en 1870) ; à la meilleure navigabilité du Rhin ; à la puissance des compagnies de navigation ; enfin et surtout au Zollverein, qui assure une politique économique rationnelle.

• L’unité monétaire étant assurée dès 1857, le marché financier se développe, les établissements de crédit se multiplient. Après des fluctuations et des crises cycliques (celle de 1846-1847 est la plus grave), l’économie allemande profite d’une conjoncture très favorable. L’urbanisation suit le rythme de l’industrialisation.

• Ce qui n’exclut pas la question sociale. Car l’Allemagne des confédérations voit s’épanouir, comme les autres pays occidentaux, une puissante classe bourgeoise, privilégiée par rapport aux ruraux et aux ouvriers.

• Les ruraux, qui en 1870 forment encore 64 p. 100 de la population, sont parfois des paysans aisés (Wurtemberg, Bavière) ; mais ceux de l’Est sont encore sous la domination des junkers, propriétaires de grands domaines. Ailleurs, fermiers, métayers et ouvriers agricoles constituent un prolétariat rural, qui est attiré par les villes et grossit le prolétariat industriel.