Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

enseignement (suite)

L’enseignement à distance

La radio, puis la télévision ont fait naître le rêve d’une démultiplication fantastique des possibilités d’enseignement. Dès 1930, l’Australie avait organisé un système complet d’enseignement à distance par la radio pour les enfants isolés. Après la Seconde Guerre mondiale et surtout à partir des années 50, un grand nombre de pays créèrent leur propre système de télévision scolaire, et tout particulièrement les États-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne, l’Italie et la France. Vers 1960, plusieurs systèmes d’enseignement à distance par radio et télévision furent mis en place dans des régions en voie de développement : Inde, Amérique latine, Afrique noire.

Parallèlement, des dizaines d’universités, aux États-Unis notamment, se dotaient d’émetteurs de radio ou de télévision afin de démultiplier le nombre de leurs étudiants.

Peu de ces tentatives ont été réellement probantes. Le coût élevé de ces opérations a été rarement compensé par un accroissement sensible du nombre des enseignés et de la qualité de l’enseignement distribué. Pourquoi ? Cela tient sans doute à une certaine naïveté des promoteurs : enseigner consiste non seulement à distribuer des connaissances, mais encore à contrôler l’acquisition de ces connaissances. Le « déchet » dans l’enseignement à distance est toujours considérable. Par ailleurs, la plupart de ces opérations sont restées à l’état d’expériences ou de « projets pilotes ». Il aurait fallu, à l’échelon national, une volonté délibérée de transformation, prélevant sur les crédits de l’enseignement traditionnel les moyens financiers nécessaires à un véritable enseignement de substitution.

On connaît mieux désormais les conditions qu’il est nécessaire de réunir pour réussir une opération d’enseignement à distance. Le recours à plusieurs supports d’enseignement semble en particulier indispensable, et l’on parle de systèmes « multi-media » combinant la diffusion de cours par radio et télévision, la possibilité pour l’élève d’appeler un central téléphonique en cas de difficulté, l’appui d’un cours par correspondance, dont certains exercices peuvent être corrigés automatiquement sur ordinateur, le travail en petits groupes (cours du soir le plus souvent) avec l’assistance d’un animateur. Par ailleurs, les opérations de télé-enseignement réussissent d’autant mieux que le public visé a une motivation plus forte : nécessité d’obtenir un diplôme pour assurer sa promotion ou pour éviter le chômage.

Des expériences analogues sont également tentées pour les niveaux primaire et secondaire de l’enseignement. On a pu ainsi scolariser de manière satisfaisante de jeunes enfants africains tout en ne disposant que d’un personnel enseignant local sous-qualifié : la télévision distribue l’essentiel de l’enseignement, et le maître n’intervient que pour aider les élèves lors des exercices d’application. De tels systèmes ont, en outre, l’avantage d’élever progressivement le niveau des maîtres, car la télévision leur montre des techniques pédagogiques supérieures aux leurs.

Trois innovations techniques risquent de reposer le problème de l’enseignement à distance sur des bases nouvelles :
— la distribution de programmes de télévision enregistrés sur cassettes ou sur disques, assouplissant considérablement les contraintes d’horaires ;
— la distribution par câbles, permettant de multiplier les réseaux en les diversifiant sans se heurter à l’encombrement des fréquences hertziennes ou aux monopoles d’État ;
— la distribution par satellites, démultipliant soudain le nombre potentiel de téléspectateurs sans engendrer de dépenses d’infrastructure au sol.


L’enseignement programmé

L’enseignement programmé est une tentative d’application à l’éducation de certains principes psychologiques de l’apprentissage. Son style d’écriture pédagogique se prête particulièrement à la présentation de leçons par des machines manuelles, électromécaniques ou électroniques. Les développements actuels de l’enseignement programmé l’orientent plutôt vers la rationalisation de l’organisation des contenus à enseigner.

Le courant de recherches pédagogiques engendré par l’invention de l’enseignement programmé a sans doute au moins autant d’intérêt que le développement de ses applications.


Historique

On fait généralement remonter les débuts de l’enseignement programmé à 1912, date à laquelle l’Américain Sidney L. Pressey mit au point un petit appareil baptisé punching board (planche à perforer), qui permettait à ses étudiants de contrôler eux-mêmes leurs acquisitions en faisant apparaître des zones de couleurs différentes, selon que la réponse était vraie ou fausse, dans une feuille de papier masquée par une planche à trous.

Mais le vrai départ remonte à la publication, par le psychologue américain Burrhus F. Skinner (né en 1904), en 1954, d’un article intitulé « la Science de l’apprentissage et l’art de l’enseignement », paru dans la Harvard Research Review. Skinner y proposait l’adaptation à l’apprentissage humain de certaines méthodes de dressage des animaux (des pigeons en l’occurrence) qu’il avait mises au point. Ses conceptions peuvent se résumer par les propositions suivantes :
— les apprentissages complexes doivent être fractionnés en une chaîne d’apprentissages simples qu’il appelle « petites étapes » ;
— le franchissement de chaque petite étape doit être sanctionné de manière à créer un stimulus qui conduit l’élève à pousser plus loin son étude ;
— cette sanction doit toujours être positive afin que le stimulus le soit aussi.

Dans le dressage des pigeons, le stimulus est constitué par une graine de maïs venant récompenser automatiquement le bon comportement. Dans l’apprentissage humain, c’est la satisfaction d’avoir trouvé la bonne réponse qui tient lieu de stimulus.

L’exposé des théories de Skinner devait engendrer un courant d’intérêt considérable et aboutir à la réalisation de centaines de « cours programmés » (utilisés surtout pour la formation professionnelle, qui est le plus souvent une formation comportementale) et à la conception d’une étonnante génération de « machines à enseigner », dont la plupart sont déjà tombées en désuétude.