Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

enseignement (suite)

Les programmes linéaires

Dans les cours programmés conçus selon les principes de Skinner, tous les élèves suivent un même itinéraire ponctué d’une multitude de questions extrêmement simples. En effet, pour qu’il y ait stimulus, il faut que l’élève trouve toujours la bonne réponse. Cela conduit à ne poser que des questions extrêmement simples et à détailler le cours à l’extrême en alignant le niveau sur les élèves les moins doués. Si le parcours est imposé, le rythme d’apprentissage demeure libre, puisqu’il est individuel.

Diverses études comparatives ont montré que les programmes de ce type convenaient mieux aux élèves lents qu’aux élèves rapides, lesquels se lassent vite d’un procédé de questions et de réponses trop simple. De meilleurs résultats sont obtenus dans la programmation de notions simples, voire élémentaires (début de cours), que pour l’enseignement de notions complexes. La mémorisation du cours par ce procédé est généralement très bonne, mais l’élève éprouve souvent des difficultés à faire une synthèse des notions apprises. Enfin, fait troublant, il est à peu près démontré que le cours a la même efficacité lorsqu’on fournit immédiatement la réponse à l’élève, dans le texte même de l’exercice, que lorsqu’on lui impose de la chercher. Ainsi, l’efficacité du stimulus serait toute relative et l’intérêt du cours programmé se trouverait dans le style d’écriture (et les précautions prises dans l’organisation du contenu).


Les programmes à branchements

Dans le dessein d’assouplir l’utilisation des cours programmés linéaires, il a été mis au point, à Sheffield (Grande-Bretagne), des programmes dits « à embranchements par saut » (skip branching) ou, plus simplement, « à branchements ». En certains points du programme, l’élève a le choix entre l’itinéraire normalement prévu, un raccourci ou une séquence plus détaillée, selon qu’il témoigne par sa réponse d’un niveau normal, supérieur ou inférieur à celui du programme.

Cette technique constitue un progrès certain sur le cours strictement linéaire et elle a donné naissance aux premières machines à enseigner dites « adaptatives », c’est-à-dire sélectionnant automatiquement des parties de cours en fonction des réponses de l’élève.


Les programmes à choix multiples

Souvent mise en parallèle avec les théories de Skinner, la conception des programmes à choix multiples, que l’on doit à un autre Américain, Norman Crowder, est fondamentalement différente. Si Skinner raisonne en psychologue de l’apprentissage, Crowder agit en stratège de la pédagogie. Il propose à l’élève des fragments de cours beaucoup plus longs (de 10 à 20 lignes au lieu de 2 à 5), puis pose une question à la suite de laquelle plusieurs réponses sont offertes au choix de l’élève. Chacune des réponses proposées est plausible : l’une est excellente ; les autres correspondent à des fautes plus ou moins graves fréquemment observées. En fonction de la réponse choisie, l’élève sera aiguillé vers une autre partie du cours, où ses erreurs seront corrigées.

Le cours ne se présente donc pas comme une suite linéaire d’informations, mais comme un réseau de fragments ; toutes les liaisons entre ces fragments sont prévues à l’avance, mais l’élève n’emprunte que celles qui sont strictement nécessaires à l’apprentissage.

Un même cours peut donc être utilisé par des élèves de niveaux assez différents. Les itinéraires peuvent varier considérablement d’un élève à l’autre. En quelque sorte, c’est le cours qui s’adapte constamment à l’élève.

Une violente querelle a opposé les partisans de la programmation linéaire et ceux de la programmation à choix multiples. Les premiers considéraient comme essentiel le fait que l’élève « construise » (rédige) sa réponse au lieu de la choisir simplement dans une liste comprenant nécessairement des réponses erronées. Les seconds faisaient valoir que les avantages considérables de l’adaptabilité compensaient largement l’inconvénient du choix multiple. Les machines à enseigner ont maintenant partiellement vidé cette querelle de son sens, puisque ces appareils permettent à l’élève de construire sa réponse sur un clavier, la machine analysant ensuite cette réponse pour sélectionner la partie du cours adaptée. La question reste évidemment entière lorsque les cours programmés sont simplement présentés sous la forme de livres ou de cahiers.


L’établissement des programmes

La rédaction d’un cours programmé pose nombre de problèmes dont la résolution progressive a conduit à d’utiles réflexions pédagogiques et à la formulation d’exigences nouvelles intéressant d’autres formes d’enseignement. La rédaction du cours est précédée par l’établissement d’un test initial et d’un test final destinés à l’élève. Le premier permet de vérifier que l’élève est bien au niveau nécessaire pour suivre avec profit l’enseignement ; le second sert non seulement à juger les performances de l’élève après son étude, mais encore à mesurer, pendant la période d’expérimentation, la qualité du cours.

Entre ces deux tests, le contenu est défini. On établit la liste des concepts, des notions à mémoriser et du vocabulaire à acquérir. Ces éléments sont ensuite organisés de la manière la plus logique possible, en fonction des exigences psychologiques de l’apprentissage et non pour des raisons purement formelles, comme c’est souvent le cas dans un manuel. Certaines représentations graphiques, comme la matrice de Davies, permettent d’avoir une vue d’ensemble de la construction pédagogique ainsi élaborée, avant même la rédaction.

Toujours avant la rédaction, on établit encore des diagrammes de déroulement (flow-diagrams) qui permettent de définir à l’avance l’alternance des règles énoncées, des exemples, des exercices, etc. Il s’agit ici de donner son rythme au cours programmé.

Une fois rédigé, le cours est essayé sur diverses populations d’élèves. C’est la phase de « validation ». Des tableaux statistiques, établis par la corrélation des étapes du cours et des pourcentages de bonnes réponses, permettent de détecter les passages trop difficiles... ou trop faciles et de modifier la rédaction, voire l’architecture générale, jusqu’à un équilibre satisfaisant.