Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

énergie (suite)

Ainsi, la géographie de l’énergie voit-elle se multiplier les transports : les vieilles zones productrices de charbon préfèrent importer du pétrole plutôt que de poursuivre la modernisation d’établissements dont les prix de revient sont plus élevés. La plupart des pays sur le point d’accéder au développement le doivent pour l’essentiel à l’emploi systématique de sources d’énergie modernes et à bon marché, qu’elles soient produites sur place (comme au Mexique) ou importées.

Du coup, les questions de l’énergie se posent plus que par le passé en termes politiques. Au début de ce siècle, le développement était lié à la possession de ressources abondantes de charbon ; on exploitait les ressources de son propre sous-sol, cela ne posait pas de problèmes internationaux. Il en va autrement aujourd’hui. Pour les pays industrialisés, il importe de coordonner les moyens employés : faut-il laisser inutilisés des équipements qui ont coûté cher, mais dont la rentabilité est compromise par le faible prix des substituts ? Pour des nations comme l’U. R. S. S., dont les dotations paraissent suffisantes dans tous les domaines, des problèmes de choix se posent aussi. Faut-il privilégier les sources comme l’hydro-électricité ? La solution dépend de l’abondance des capitaux et de leur coût ; il est délicat de fournir une réponse dans un régime sans prix.

Aux États-Unis, la situation devient semblable à celle de l’Europe : les réserves locales sont plus importantes, mais il devient nécessaire de les compléter par l’importation.

On conçoit l’amertume des pays sous-développés. Jusqu’au début de ce siècle, ils ont paru condamnés à la stagnation par suite du manque d’énergie. Puis la découverte d’énergie en quantité a d’abord peu fait changer les choses. Les méthodes de mise en valeur proposées par les pays développés ne nécessitaient pour ainsi dire pas l’emploi de main-d’œuvre. Les compagnies qui exploitaient les gisements, et qui possédaient un pouvoir de marché considérable, étaient beaucoup moins soucieuses d’assurer la rémunération du facteur terre que celle du capital et de l’entreprise. C’est dans cette optique qu’il faut se situer pour comprendre les récentes augmentations brutales du prix du pétrole et les prises de contrôle effectives par les pays producteurs.

La politique de l’énergie est devenue l’un des soucis essentiels des pays industrialisés. En attendant la relève par l’énergie nucléaire, leur équilibre dépend de la sécurité et du prix de leurs approvisionnements : cela explique l’importance qu’ils attachent à la mise en valeur des réserves directement contrôlables, celles de la mer du Nord pour l’Europe occidentale, celles de l’Alaska pour l’Amérique du Nord.

D’autres soucis apparaissent dans les milieux scientifiques. La consommation croissante d’énergie ne va-t-elle pas modifier de manière appréciable les conditions de l’équilibre écologique général, ou des équilibres particuliers, à la surface de la planète ? Sur le plan local, la réponse est simple : là où les consommations d’énergie fossile sont les plus fortes — dans les pays de vieille industrie de l’Europe du Nord-Ouest ou des Appalaches comme dans les zones fortement urbanisées et motorisées, à l’exemple de la Californie —, les nuisances sont devenues catastrophiques. Le rejet de gaz toxiques et d’anhydride carbonique est un fléau qu’on ne sait encore comment contrôler.

À l’échelle de la planète, la réponse est plus difficile à fournir. La consommation sera sans doute multipliée par vingt au cours des cinquante prochaines années : aux alentours de 2020, pour une population voisine de 10 milliards d’habitants, la consommation énergétique serait de 130 millions de mégawatts annuels, contre 6,6 millions à l’heure actuelle. C’est un chiffre énorme, mais le rayonnement thermique de la Terre vers l’atmosphère, qui ne fait qu’équilibrer ce que la terre reçoit de l’espace, est de l’ordre de 120 milliards de mégawatts annuels. L’énergie produite par l’homme ne représenterait encore guère plus de la millième partie des échanges entre la Terre et l’Univers.

Le danger réside ailleurs. Dans la mesure où la progression de la consommation est liée à l’utilisation de combustibles fossiles, elle s’accompagne d’une production accrue de gaz carbonique. Une partie est absorbée par les masses océaniques. Ce qui reste dans l’atmosphère est important : la teneur en gaz carbonique est passée de 280 à 320 pour un million depuis un siècle. On prévoit 380 ou 400 pour l’an 2000. On suppute les conséquences de ce bouleversement : certains annoncent un réchauffement général, d’autres un nouvel âge glaciaire. C’est dire la difficulté du problème. Mais il est réel. La poussée continue des consommations d’énergie remet en question la plupart des équilibres écologiques sur lesquels l’humanité a vécu depuis ses origines.

P. C.

➙ Électricité / Gaz / Houille / Hydro-électricité / Lignite / Nucléaire (énergie) / Pétrole.

 P. George, Géographie de l’énergie (Libr. de Médicis, 1950). / P. Maillet, l’Énergie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954 ; 3e éd., 1966). / J. Chardonnet, Géographie industrielle, t. I, les Sources d’énergie (Sirey, 1963). / J. Mérigot et R. Froment, Géographie économique, t. I (Sirey, 1963). / P. R. Odell, An Economic Geography of Oil (Londres, 1963). / G. Manners, The Geography of Energy (Londres, 1964). / Y. Mainguy, l’Économie de l’énergie (Dunod, 1967). / A. Gamblin, l’Énergie en France (S. E. D. E. S., 1968). / The Biosphere, numéro spécial de Scientific American (1970). / Commissariat général du Plan, l’Énergie (A. Colin, 1972). / M. Grenon, Ce Monde affamé d’énergie (Laffont, 1973). / R. Oizon, l’Évolution récente de la production énergétique française (Larousse, 1973). / L. Thiriet, l’Énergie nucléaire (Dunod, 1976).
On peut également consulter la Revue de l’énergie.