Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élection (suite)

En revanche, on peut admettre que les représentants du peuple — laissés libres d’agir selon leur conviction propre du fait du mandat représentatif qui est le leur — doivent permettre à leurs électeurs de se faire une opinion non plus seulement en fonction de leurs professions de foi électorales, mais également en fonction de leurs actes. C’est pourquoi les votes des parlementaires sont souvent publics (depuis 1885 en France), le scrutin secret étant surtout utilisé pour les votes comportant nomination de personnes à des fonctions où l’honnêteté, la compétence et l’aptitude paraissent devoir primer l’appartenance à un groupe.

Aux États-Unis, les grands électeurs, élus au suffrage universel direct dans chaque État, n’ont, pour l’élection du président, un mandat impératif formel que dans quelques-uns de ces États seulement. Toutefois, étant généralement désignés par les candidats à la présidence eux-mêmes, ils peuvent difficilement voter pour un adversaire de celui qui leur a permis d’accéder à cette fonction : dès lors, l’opinion connaît les résultats de l’élection présidentielle dès l’élection des grands électeurs, tout au moins quand un candidat réunit une majorité absolue de grands électeurs élus sur son nom.


Suffrage direct ou indirect

Dans le suffrage direct, les citoyens désignent eux-mêmes leurs dirigeants ou leurs législateurs. Dans le suffrage indirect, ils désignent des délégués qui choisissent, eux, soit directement les gouvernants ou les représentants, soit de nouveaux délégués chargés eux-mêmes d’élire ces gouvernants ou représentants. On estime, généralement, que le suffrage direct est plus démocratique que le suffrage indirect, car ce dernier supprime le contact entre les gouvernants et la masse des gouvernés.

En fait, trois cas doivent être distingués.
1o Les grands électeurs ont pour rôle exclusif d’élire des gouvernants ou des représentants. C’est le cas des « grands électeurs » du président des États-Unis ; c’était le cas des élus des bailliages chargés de désigner les représentants du tiers état aux états généraux ainsi que des notables auxquels était confiée la désignation du président de la République dans la première version (1958-1962) de la Constitution de la Ve République. Le suffrage indirect paraît, dans ces cas, compliquer un peu inutilement les consultations, bien que, selon Duguit, « il assure une meilleure sélection, atténue l’ardeur des luttes électorales, évite les entraînements irréfléchis », notamment « dans les pays où l’instruction est peu répandue, où l’éducation politique est encore peu développée ».
2o Il existe des conditions d’éligibilité pour les grands électeurs, comme c’était le cas dans les Constitutions de 1791 et de l’an III : il s’agit alors de restreindre le corps électoral chargé d’élire en définitive les représentants du peuple.
3o Les grands électeurs ont une autre fonction que celle, exclusive, de désigner des gouvernants. Il en est ainsi lorsque les membres d’un Parlement élisent un chef de l’État (Italie, Allemagne fédérale, France sous la IIIe et la IVe République) ou lorsqu’une des Assemblées constituant le Parlement est conçue en vue de la représentation des collectivités locales (Sénat des IIIe et Ve Républiques, Conseil de la République de la IVe République).


Suffrage égalitaire ou non

Lorsque chaque citoyen détient une voix et une seule, il y a suffrage égalitaire. Lorsqu’un citoyen détient plus d’une voix alors que d’autres ne peuvent s’exprimer qu’une fois, il y a suffrage inégalitaire.

Celui-ci peut avoir en fait quatre origines.
1o La fraude permet le vote multiple : un citoyen se fait inscrire illégalement dans plusieurs circonscriptions dont la proximité est telle qu’il puisse y voter successivement le même jour (la fraude est plus aisée dans certains pays où le scrutin dure un jour et demi) ;
2o La loi permet à un même électeur de s’inscrire au lieu de chacun de ses établissements industriels et commerciaux ainsi qu’au lieu de son domicile (c’était le cas en Grande-Bretagne jusqu’en 1951 pour le lieu du siège de l’industrie ou du commerce ainsi que pour le lieu de fonctionnement de l’université dont l’électeur était diplômé) ;
3o Le législateur veut favoriser les membres d’une certaine classe sociale (les plus riches ou les plus instruits) et, dans cette intention, leur accorde deux ou plusieurs suffrages supplémentaires (en France, « double vote » en 1820 ; en Grande-Bretagne, système des « franchises électorales ») ;
4o Le législateur estime que la participation électorale de chaque citoyen doit être proportionnelle à ses responsabilités, notamment familiales ; chaque chef de famille ayant un (ou plusieurs) enfant à charge reçoit une (ou plusieurs) voix supplémentaire. Il a été souvent question d’instaurer le vote familial en France, mais le Parlement s’y est toujours opposé, alors qu’il a été pratiqué en Belgique.

Il existe aussi une façon indirecte d’établir un suffrage inégalitaire en découpant les circonscriptions de façon qu’il y ait, par exemple, 10 000 électeurs dans l’une pour élire un représentant et 15 000, 20 000 ou 100 000 dans une autre pour élire également un représentant. Le système a souvent été volontairement pratiqué (« bourgs pourris » en Grande-Bretagne) ; il l’est parfois, mais d’une façon moins volontaire, du fait des migrations internes qui accroissent la population de circonscriptions urbaines au détriment de celle des circonscriptions rurales ; il suffit alors de ne pas rectifier avant chaque consultation le découpage des circonscriptions pour établir, maintenir ou accentuer un suffrage inégalitaire.


Scrutin uninominal ou scrutin de liste

Dès lors qu’il s’agit de désigner un gouvernant unique ou un collège réduit de gouvernants, l’élection de cet homme ou de ces hommes dans un cadre national est possible. C’est ainsi le cas en France, depuis 1962, pour l’élection du président de la République, élu dans le cadre national au suffrage universel direct. Mais, lorsqu’il s’agit de désigner un grand nombre de représentants, il semble nécessaire — pour des raisons matérielles (longueur, qui serait considérable, de listes nationales de candidats), psychologiques, voire même politiques (désir de rapprocher les élus des électeurs) — de diviser le territoire en circonscriptions : les mêmes raisons jouent sur le plan des élections locales dès que la collectivité intéressée est trop importante (la population de la ville de Paris représente à elle seule 1/20 de la population de la France).