Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

éducation (suite)

En somme, l’éducation ne saurait être pensée comme un « bagage » qui resterait le même quel qu’en soit le porteur, et dont l’utilité pourrait être définie indépendamment des conditions sociales de son utilisation. On ne saurait non plus la concevoir comme le « capital » dont la rentabilité peut prêter à un calcul économique aussi rigoureux que dans le cas des investissements productifs proprement dits.


Éducation et valeurs sociales

La notion de valeur est placée au cœur de la sociologie de l’éducation. Elle n’est pas cependant dépourvue d’ambiguïté, car le processus de l’éducation, comme nous l’avons déjà souligné, suppose la transmission de la culture (familiale et scolaire, c’est-à-dire officielle), mais en même temps la transmission des valeurs sociales, c’est-à-dire des valeurs des différents groupes entre lesquels s’instaure une hiérarchie de prestige. Se trouve ainsi engagé dans l’éducation tout le système des valeurs, explicites et implicites, de la société globale. Que comprend-on par « valeurs sociales » ? En général, on a dans l’esprit la conception implicite ou explicite, distinctive d’un individu ou d’un groupe, de ce qui est désirable, influençant la sélection des modes, moyens et fins qui se proposent à l’action. Si la définition varie d’un auteur à l’autre, un élément reste cependant constant : la valeur est un désir qui oriente l’action de l’individu, de la famille ou de la société.

Les valeurs portées par des individus ont été analysées très souvent par les sociologues (notamment anglo-saxons), mais la sociologie les a réduites à l’étude des aspirations des élèves ou de leurs parents en confondant par ailleurs entre les aspirations elles-mêmes. Quand Herbert H. Hyman, par exemple, constate : « Quelle que soit la mesure de stratification employée, les catégories peu favorisées accordent moins d’importance à l’instruction ; comme celle-ci constitue une voie de mobilité ascendante, cette valeur ne peut que contribuer au maintien du système existant », on voit que la valeur spécifique doit expliquer un certain nombre de comportements ; mais elle-même se trouve expliquée par les valeurs situées à un plus haut niveau d’abstraction : par exemple l’attachement au but traditionnel de la réussite sociale. Mais l’éducation est surtout le lieu privilégié de la transmission des valeurs de la société globale, et cela parce qu’elle est seule à pouvoir harmoniser les besoins et les moyens. Le but ultime de l’école peut être dans ce cas d’introduire le changement chez l’élève par son intermédiaire, autrement dit de former l’homme à sa manière, à la manière de l’époque dans laquelle elle vit et agit ; et de l’adapter aux visées ultimes de cette époque. Une recherche récente (V. Isambert-Jamati) nous montre comment depuis cent ans, en France, la référence aux différentes valeurs varie selon les périodes en mettant l’accent tantôt sur les valeurs universelles (depuis Victor Cousin, les auteurs posent dans ce sens une triade de valeurs : le vrai, le beau, le bien), tantôt sur les valeurs individualistes et intellectuelles, ou encore sur celles qui exaltent la communauté, la patrie ou la société.

J. L.

➙ Enseignement / Formation professionnelle.

 E. Durkheim, Éducation et sociologie (Alcan, 1922 ; nouv. éd., 1968) ; l’Évolution pédagogique en France (Alcan, 1938 ; nouv. éd., P. U. F., 1969). / S. M. Lipset et R. Bendix, Social Mobility in Industrial Society (Berkeley, 1959). / P. Ariès, l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (Plon, 1960). / H. H. Halsey et coll., Education Economy and Society (Glencoe, Illinois, 1961). / P. Jaccard, Sociologie de l’éducation (Payot, 1962). / P. Bourdieu et J.-C. Passeron, les Héritiers. Les étudiants et la culture (Éd. de Minuit, 1964) ; la Reproduction (Éd. de Minuit, 1970). / Éducation, développement et démocratie (Mouton, 1967). / J. Markiewicz-Lagneau, Éducation, égalité et socialisme (Anthropos, 1969). / C. Grignon et J.-C. Passeron, Expériences françaises avant 1968 (O. C. D. E., 1970). / P. Perrenoud, Stratification socioculturelle et réussite scolaire (Droz, Genève, 1970). / C. Baudelot et R. Establet, l’École capitaliste en France (Maspéro, 1971). / C. Grignon, l’Ordre des choses, les fonctions sociales de l’enseignement technique (Éd. de Minuit, 1971). / V. Isambert-Jamati, la Crise de l’enseignement, la crise de la société (P. U. F., 1971). / G. Mialaret, les Sciences de l’éducation (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1976). / J. Ulmann, la Pensée éducative contemporaine (P. U. F., 1976).

éducation physique

Ensemble des activités physiques et sportives orientées vers des buts éducatifs.


Cette conception très large suppose : 1o que toutes les activités ne sont pas forcément éducatives ; 2o que les activités choisies le sont en fonction d’un milieu culturel, des normes qui régissent une société à une certaine époque. Par exemple, le sport, qui est retenu par beaucoup actuellement comme discipline éducative, était largement contesté à la fin du xviiie s. Il sera donc difficile d’avoir une interprétation très précise de l’éducation physique, compte tenu des buts fluctuants — dans le temps et dans l’espace — qui sont les siens. Contentons-nous pour le moment de la définir ainsi : ensemble des situations par lesquelles on cherche, à partir d’exercices corporels, à améliorer le comportement de l’individu en vue du plein épanouissement de sa personnalité.

Ainsi, nous parlerons plutôt d’activités physiques au moment des premières dynasties égyptiennes ; en effet, les scènes de chasse, de pêche, de danse, de lutte, de joute sur les canaux, que l’on a pu retrouver, témoignent que ces activités étaient liées plus ou moins directement à la survie.

Il semble que nous puissions parler d’éducation dès le IIe millénaire av. J.-C., en Chine, où se pratiquaient des exercices respiratoires, des massages exécutés à partir de positions fondamentales — debout, assise, couchée — ainsi que des jeux et des exercices musicaux.

En Europe, les Grecs font du développement du corps un système éducatif dédié aux dieux. Les jeux Olympiques, Pythiques, Isthmiques sont à l’origine des cérémonies religieuses, qui deviennent au viiie s. av. J.-C. des institutions nationales fondées sur un choix d’exercices, un enseignement et un enseignant.