Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

éducation (suite)

Selon la société et la période historique, la contribution de ces divers groupes varie considérablement. Ainsi, dans les sociétés archaïques, une très grande place dans l’éducation est occupée par les groupes des adultes, dont la tâche principale est d’initier les adolescents à la vie d’homme. De même, les fonctions des divers groupes reflètent le développement des sociétés et de leurs besoins. Schématiquement, on distingue deux types de fonctions éducatives selon que celles-ci sont spécialisées ou non. Les premières, non spécialisées, sont remplies par la famille et le groupe des pairs ; les secondes, par des institutions créées expressément pour la réalisation de ces fonctions. Historiquement, la naissance de la fonction spécialisée de l’éducation précède celle de l’institution éducative spécialisée. L’apparition de la première peut être située au moment même de la division du travail ; en effet, c’est avec la division du travail que commence la période où ni les parents ni d’autres groupes ne peuvent plus transmettre des savoir-faire qui sont devenus trop complexes. À cette période déjà, l’apprentissage commence à se faire chez un maître (ou un individu spécialisé). Plus tard, il sera complété ou entièrement remplacé par l’école.

De nos jours, quand nous parlons de l’éducation, nous avons en vue principalement deux institutions qui possèdent un quasi-monopole dans le domaine de l’éducation : la famille et l’école (depuis quelques années, une troisième force éducative a surgi, faisant une concurrence sérieuse aux deux premières : les moyens de communication* de masse). Toutefois, il est nécessaire de noter que les deux influences se trouvent en relation de complémentarité, mais souvent également en contradiction.


Les fonctions de l’éducation

Si l’on admet la conception durkheimienne selon laquelle l’éducation est un moyen utilisé par la société pour renouveler sans cesse les conditions de sa propre existence, il faut se poser une série de questions : quelles sont ces conditions ? qui les détermine ? Comment varient-elles d’un groupe à l’autre et de quelle manière l’éducation contribue-t-elle à les perpétuer ?

Toute analyse sociologique dans ce domaine prend nécessairement en considération le changement et ses conditions socioculturelles. Il est évident aussi qu’aucune analyse sérieuse ne peut se faire si elle ne s’arrête pas sur les fonctions de l’éducation réellement réalisées, ou tout simplement souhaitées par les éducateurs ou encore par ceux qui décident de ce que doit être l’institution éducative.

La fonction d’éducation, pour être reconnue en tant qu’objet sociologique, doit obligatoirement avoir une certaine permanence dans le temps et dans l’espace, et cela qu’on lui attribue ou non des finalités ou des méthodes constantes. D’autre part, l’observation la plus sommaire montre que l’école change ; ses contenus, ses techniques, ses orientations et les attentes qu’elle suscite varient largement, infléchis par la gamme des différents besoins individuels et sociaux auxquels elle est censée devoir répondre dans telle ou telle société.

Il faut noter en premier lieu que, depuis sa création, l’école a toujours eu un certain nombre de fonctions à remplir, et cela indépendamment de l’époque et du régime sociopolitique. Mais, en même temps, tout au long de l’histoire depuis les sophistes jusqu’aux institutions contemporaines, on peut observer comment les institutions éducatives naissent, se transforment et se définissent sous l’influence de nouveaux besoins individuels et sociaux. Aucune école dans le passé n’a été neutre ni désintéressée ; elle fut toujours organisée et réorganisée par l’État, par l’Église, par les fondations, etc., qui voyaient en elle le moyen de réaliser certains objectifs et de satisfaire des besoins déterminés.

Aussi, depuis toujours, l’éducation est-elle considérée comme un outil qui permet d’harmoniser les besoins et les moyens dans la réalisation de diverses fins globales ou individuelles.

On observe cependant que, selon les époques, l’école s’est plus ou moins adaptée aux besoins de la société, de même que ses fonctions ont plus ou moins été clairement définies. Cela s’explique aisément, car l’élaboration d’une fonction implique :
a) la connaissance implicite ou explicite des besoins sociaux, publics et individuels que l’école doit satisfaire si elle veut être approuvée et soutenue par la société ;
b) la connaissance du type des relations entre l’ensemble des moyens et des modes d’action de l’école, c’est-à-dire entre les méthodes, la durée et l’étendue de l’enseignement, d’une part, et la qualité ainsi que les capacités que l’école veut développer chez les élèves, de l’autre ;
c) la connaissance des relations entre les qualités intentionnellement développées chez les élèves et leur influence sur le processus déterminant la vie des groupes, de la nation, de l’État, aussi bien que sur l’économie, la politique, la vie sociale et culturelle.

Enfin, on doit tenir compte non seulement des intérêts et des besoins de l’État, de ses institutions ou des divers groupes sociaux, mais également de celui des individus et de leurs aspirations.

Il va de soi qu’il est rare de trouver dans l’histoire des systèmes scolaires dont les fins soient élaborées à la lumière de ces indications. Il est probable que les écoles hellénistiques pour lettrés, les écoles romaines pour patriciens, les écoles de monastères pour quelques privilégiés remplissaient sans heurts une fonction de transmission des savoir-faire et de la culture à un nombre réduit de personnes. En plus, la tâche de ces écoles était bien définie ; en règle générale, elles devaient préparer des fonctionnaires ou des prêtres. Il n’en va pas de même aujourd’hui. On peut même dire que la situation commence à se compliquer au moment où l’école devient un bien commun, où elle ouvre ses portes aux enfants des divers milieux sociaux et quand l’enseignement lui-même commence à se diversifier et à tendre vers une spécialisation sans cesse croissante. Il est vrai que cette nouvelle situation est récente. En France, par exemple, l’école élémentaire pour le peuple sera réalisée au cours du xixe s. ; l’obligation pour les communes de posséder une école remonte à 1833 et les lois sur l’obligation scolaire, la laïcité et la gratuité, à 1881-82.

La généralisation de l’enseignement primaire à l’ensemble de la population ainsi que sa relative homogénéisation (la tâche principale de ce type d’enseignement consiste à apprendre aux enfants à lire, à écrire et à compter) ont été menées parallèlement à une plus grande diversification de l’enseignement aux niveaux secondaire et supérieur.

Il semble que la transformation radicale des fonctions de l’école dans le monde d’aujourd’hui soit due à certains facteurs intervenus récemment.

Le plus important est l’accroissement brutal du nombre des élèves, et cela à tous les niveaux, mais plus particulièrement à ceux du secondaire et du supérieur. Deux chiffres montrent l’ampleur de ce phénomène : en 1911, la France totalise 26 000 étudiants ; elle en compte plus de 800 000 en 1975.