Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Édouard VI (suite)

Sur le plan religieux, deux courants, en matière doctrinale, divisent l’Église d’Angleterre. L’un, mené par l’évêque Stephen Gardiner, reste fidèle à la théologie catholique, tandis que l’autre, dirigé par l’archevêque Thomas Cranmer, se rapproche de plus en plus des vues de réformés comme Zwingli. Le Parlement de 1549 consacre certes la victoire de ce dernier parti : mais l’« Acte d’uniformité » qui règle le déroulement des services religieux n’est encore qu’un compromis, qui ne satisfait pas pleinement les protestants, renforcés par la venue d’étrangers de marque, Pierre Martyr Vermigli, Bernardino Ochino, Jan Łaski, Martin Bucer, etc.


Northumberland seul au pouvoir (1551-1553)

Sûr de l’appui du roi, qui l’a lui-même introduit au Conseil en août 1551, épaulé par des troupes qu’il a fait lever dans les comtés par ses amis (en enlevant leurs fonctions militaires aux sheriffs et en les confiant à des lords-lieutenants qui sont ses créatures) sous couleur de réprimer les troubles sociaux, Warwick se débarrasse de Somerset (qui meurt sur l’échafaud le 22 janv. 1552) et distribue titres et postes à ses partisans (sept.-oct. 1551), lui-même devenant duc de Northumberland.


L’intensification de la politique protestante

Les évêques « catholiques » sont déposés et vont rejoindre pour la plupart Gardiner dans sa prison. Thomas Cranmer met sur pied une liturgie nettement « zwinglienne » (deuxième Book of Common Prayer, 1552), et les « quarante-deux articles » publiés en juin 1553 donnent au dogme anglican un caractère protestant.


Les difficultés financières

Northumberland n’a en effet pas le choix. Il a besoin des derniers biens d’Église disponibles, car les caisses sont vides, et le Parlement, docile en matière politique et religieuse, est intraitable en matière fiscale. Northumberland a aussi recours aux dévaluations, ce qui lui aliène une bonne partie de l’opinion. Or, le manque d’argent le force à discipliner les bandes armées dont il disposait dans les comtés.


Jeanne Grey

Si Somerset a essayé de fonder son pouvoir sur la popularité, Northumberland, lui, choisit la force. Mais les finances étant épuisées et le jeune Édouard VI étant visiblement en train de mourir, il pense à un autre moyen pour conserver le pouvoir. Il persuade Édouard que, pour assurer la victoire du protestantisme en Angleterre (et c’est bien là la préoccupation première du jeune roi), il lui faut déshériter ses sœurs — en particulier la catholique Marie — en faveur de sa cousine Lady Jane Grey, que Northumberland marie à son propre fils (juin 1553).

Édouard meurt le 6 juillet 1553. Jeanne Grey est proclamée reine le 10 juillet, mais, le 19, la réaction loyaliste triomphante amène Marie Tudor sur le trône et Jeanne en prison. Toute l’œuvre de Northumberland s’écroule, et l’établissement du protestantisme en Angleterre, but essentiel d’Édouard VI, est remis en question.

J.-P. G.

➙ Angleterre / Anglicanisme / Grande-Bretagne / Henri VIII / Réforme / Tudor.

 J. G. Nichols (sous la dir. de), Literary Remains of Edward VI (Londres, 1857 ; 2 vol.). / A. F. Pollard, England under Protector Somerset (Londres, 1900). / J. D. Mackie, The Earlier Tudors, 1485-1558 (Oxford, 1952).

Édouard VII

(Londres 1841 - id. 1910), roi de Grande-Bretagne et d’Irlande (1901-1910).


Bon vivant, aimable, haut en couleur, celui qui fut pendant soixante ans le prince de Galles et pour dix ans seulement le souverain du Royaume-Uni reste comme une figure symbolique de la Belle Époque, celle des cours monarchiques et des villes d’eaux, des champs de courses et des réceptions fastueuses, de la société aristocratique et de la douceur de vivre. Francophile éprouvé dans ses goûts comme dans sa politique, il a toujours bénéficié en France, de la part du public mais aussi du côté des historiens, d’un traitement de faveur. Au nom de l’Entente cordiale, ses qualités d’homme d’État ont été exaltées outre mesure. Pendant un demi-siècle, il a réussi à briller aussi bien aux yeux des foules qu’auprès des cours de l’Europe en campant un personnage fastueux chez qui la grandeur se teintait de bonhomie. Ses faiblesses même — qui faisaient les délices de la presse à scandale et des journalistes en quête d’histoires croustillantes — semblaient comme donner une touche d’humanité à un mortel que sa condition élevait au-dessus du commun. Ainsi s’expliquent une popularité persistante et une légende tenace, bien au-delà des qualités de l’homme politique et de l’homme tout court.

Deuxième enfant, mais premier fils de la reine Victoria* et du prince consort, Albert Édouard est né le 9 novembre 1841 (c’est seulement à son avènement qu’il décide de prendre le nom d’Édouard ; jusque-là, il était prénommé Albert comme son père et était connu par le diminutif « Bertie »). Bien qu’il ait suivi scrupuleusement l’austère et sérieux programme éducatif tracé par ses parents, d’abord avec ses précepteurs puis comme étudiant à Oxford pendant deux ans, très vite il déçoit sa famille par son manque d’application et ses premières frasques. La mort prématurée du prince consort, le 14 décembre 1861, enferme la reine Victoria dans une attitude d’incompréhension sévère à l’égard de son fils. Le résultat, c’est que celui-ci est tenu rigoureusement et impitoyablement à l’écart des affaires de l’État. Même lorsqu’il aura dépassé la cinquantaine, il lui arrivera d’être vertement réprimandé par sa mère pour des initiatives tenues pour intempestives. Le 10 mars 1863, Édouard épouse une princesse danoise, Alexandra (1844-1925), fille aînée du futur roi Christian IX de Danemark, qui saura toujours par sa beauté, sa dignité et son tact tenir un rôle souvent difficile. Les sentiments antiprussiens de la princesse de Galles sont aisément partagés par son époux, d’autant que, chez ce dernier, s’y ajoute à partir de 1888 une hostilité personnelle à peine déguisée à l’égard de son neveu l’empereur d’Allemagne Guillaume II. Du mariage naissent cinq enfants, dont Albert Victor duc de Clarence (héritier de la couronne, mais borné et névrotique, il meurt en 1892), le duc d’York (le futur roi George V) et une fille, Maud, qui devient reine de Norvège en 1905.