Édouard VI (suite)
Sur le plan religieux, deux courants, en matière doctrinale, divisent l’Église d’Angleterre. L’un, mené par l’évêque Stephen Gardiner, reste fidèle à la théologie catholique, tandis que l’autre, dirigé par l’archevêque Thomas Cranmer, se rapproche de plus en plus des vues de réformés comme Zwingli. Le Parlement de 1549 consacre certes la victoire de ce dernier parti : mais l’« Acte d’uniformité » qui règle le déroulement des services religieux n’est encore qu’un compromis, qui ne satisfait pas pleinement les protestants, renforcés par la venue d’étrangers de marque, Pierre Martyr Vermigli, Bernardino Ochino, Jan Łaski, Martin Bucer, etc.
Northumberland seul au pouvoir (1551-1553)
Sûr de l’appui du roi, qui l’a lui-même introduit au Conseil en août 1551, épaulé par des troupes qu’il a fait lever dans les comtés par ses amis (en enlevant leurs fonctions militaires aux sheriffs et en les confiant à des lords-lieutenants qui sont ses créatures) sous couleur de réprimer les troubles sociaux, Warwick se débarrasse de Somerset (qui meurt sur l’échafaud le 22 janv. 1552) et distribue titres et postes à ses partisans (sept.-oct. 1551), lui-même devenant duc de Northumberland.
L’intensification de la politique protestante
Les évêques « catholiques » sont déposés et vont rejoindre pour la plupart Gardiner dans sa prison. Thomas Cranmer met sur pied une liturgie nettement « zwinglienne » (deuxième Book of Common Prayer, 1552), et les « quarante-deux articles » publiés en juin 1553 donnent au dogme anglican un caractère protestant.
Les difficultés financières
Northumberland n’a en effet pas le choix. Il a besoin des derniers biens d’Église disponibles, car les caisses sont vides, et le Parlement, docile en matière politique et religieuse, est intraitable en matière fiscale. Northumberland a aussi recours aux dévaluations, ce qui lui aliène une bonne partie de l’opinion. Or, le manque d’argent le force à discipliner les bandes armées dont il disposait dans les comtés.
Jeanne Grey
Si Somerset a essayé de fonder son pouvoir sur la popularité, Northumberland, lui, choisit la force. Mais les finances étant épuisées et le jeune Édouard VI étant visiblement en train de mourir, il pense à un autre moyen pour conserver le pouvoir. Il persuade Édouard que, pour assurer la victoire du protestantisme en Angleterre (et c’est bien là la préoccupation première du jeune roi), il lui faut déshériter ses sœurs — en particulier la catholique Marie — en faveur de sa cousine Lady Jane Grey, que Northumberland marie à son propre fils (juin 1553).
Édouard meurt le 6 juillet 1553. Jeanne Grey est proclamée reine le 10 juillet, mais, le 19, la réaction loyaliste triomphante amène Marie Tudor sur le trône et Jeanne en prison. Toute l’œuvre de Northumberland s’écroule, et l’établissement du protestantisme en Angleterre, but essentiel d’Édouard VI, est remis en question.
J.-P. G.
➙ Angleterre / Anglicanisme / Grande-Bretagne / Henri VIII / Réforme / Tudor.
J. G. Nichols (sous la dir. de), Literary Remains of Edward VI (Londres, 1857 ; 2 vol.). / A. F. Pollard, England under Protector Somerset (Londres, 1900). / J. D. Mackie, The Earlier Tudors, 1485-1558 (Oxford, 1952).