Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Édouard III (suite)

En compensation, Édouard III multiplie les concessions en faveur de cette dernière : donations en terre et en argent ; octroi des franchises permettant aux nobles survivants de tenir des cours de justice locales au nom du roi ; autorisation d’édifier des châteaux forts ; création de l’ordre de la Jarretière. Jusqu’en 1360, ces concessions se révèlent peu dangereuses pour le souverain en raison du prestige qu’il tire des victoires qu’il remporte aux dépens des Français, notamment à L’Écluse en 1340, à Crécy en 1346, à Poitiers en 1356, victoires qui lui permettent de signer en 1360 la fructueuse paix de Brétigny-Calais.

La noblesse trouve d’ailleurs avantage à ces campagnes d’outre-mer, particulièrement à celles qu’elle mène en Bretagne dans le cadre de la guerre de succession du duché, où se forge, de 1341 à 1365, le talent des grands capitaines (Thomas de Dagworth, Hugh Calverly). En effet, le conflit s’avère fort lucratif pour elle, car il lui procure rançons, offices et garnisons.

Bien entendu, Édouard III étend ses générosités à ses propres fils. Ainsi, tandis que le prince de Galles, Édouard, dit le Prince Noir, règne en fait en maître sur l’Aquitaine, son second frère, Jean de Gand, s’émancipe du pouvoir royal dans le duché palatin de Lancastre, que lui a offert en dot sa femme Blanche. Ils entretiennent d’ailleurs de véritables armées privées grâce à l’institution des « retenus », hommes de guerre qui, contre pension, restent perpétuellement à la disposition de leur seigneur ; aussi celui-ci peut-il répondre sans délai à la première réquisition du roi, qui recrute ses troupes par contrats d’endentures signés avec ses barons ; par ce procédé, Édouard III aide ces derniers à se constituer une clientèle de fidèles dont l’existence est fort dangereuse pour son autorité à partir du moment où celle-ci se trouve affaiblie par les défaites de la fin du règne, tant en Écosse qu’en Castille (défaite de Pierre le Cruel à Montiel en 1369) et en France, où la guerre reprend en 1369.

Malgré la création des gardiens de la paix (custodes pacis), magistratures que s’attribuent les chevaliers et les écuyers, Édouard III, vieilli et dominé par sa maîtresse Alice Perrers, ne peut ressaisir le pouvoir que se disputent le Prince Noir et Jean de Gand. Si le premier l’emporte au Bon Parlement de 1376, qui écarte Alice Perrers du roi et fait mettre en accusation le chambellan William Latimer selon la procédure nouvelle de l’impeachment, le second l’emporte en janvier 1377, après la mort du prince de Galles (juin 1376). En disparaissant le 21 juin 1377, Édouard III lègue donc à son petit-fils Richard II un royaume dominé par les factions, dont les ambitions opposées sont lourdes de guerre civile.

P. T.

➙ Angleterre / Cent Ans (guerre de) / Plantagenêt.

 J. Mackinnon, The History of Edward the Third, 1327-1377 (Londres, 1900). / E. Perroy, la Guerre de Cent Ans (Gallimard, 1946). / M. Mackinsack, The Fourteenth Century, 1307-1399 (Londres, 1959). / R. Nicholson, Edward III and the Scots (Londres, 1965).

Édouard VI

(Hampton Court 1537 - Greenwich 1553), roi d’Angleterre et d’Irlande (1547-1553).


Henri VIII étant mort le 28 janvier 1547, le Conseil royal, après avoir tenu pendant deux jours la nouvelle secrète, proclame roi le jeune Édouard, fils d’Henri et de Jeanne Seymour. Deux caractéristiques du nouveau règne se dégagent ainsi : d’une part, le rôle essentiel du Conseil ; d’autre part, une orientation protestante, puisque, pour les catholiques, seule Marie Tudor, la fille aînée d’Henri VIII, peut prétendre au trône.


Le jeune prince

Édouard reçoit dès son plus jeune âge une éducation soignée, dirigée par des maîtres illustres comme l’helléniste John Cheke ; il est très vite intéressé par les problèmes religieux. D’où l’impression de sérieux mais aussi de froideur que donnera le personnage. Intelligent, volontaire, c’est bien là un vrai Tudor. Mais il ne faut pas oublier qu’il est aussi un enfant, et que, malgré sa précocité, il n’est qu’un jouet entre les mains de ceux qui ont su capter sa confiance.


Somerset ou Northumberland (1547-1551)

Le Conseil qui est en place à la mort d’Henri VIII aurait voulu aller plus loin dans la rupture avec Rome. Les membres les plus éminents de ce Conseil sont l’archevêque Thomas Cranmer, Edward Seymour (v. 1500-1552), comte de Hertford et bientôt duc de Somerset, oncle du roi, John Dudley (1502-1553), comte de Warwick et plus tard duc de Northumberland.

Oncle du roi, Somerset est désigné comme Protecteur d’Angleterre. Il se fait le défenseur d’une politique relativement libérale. Très vite, il lui faut déchanter.

Sur le plan politique, il est aux prises avec des rébellions. Son propre frère, Thomas Seymour, a pris la tête d’un complot, et il doit le faire exécuter (mars 1549).

Sur le plan social, Somerset est sensible aux malheurs des petits paysans chassés de leurs terres par l’extension de l’élevage du mouton, dont la laine assure la prospérité aux riches et la famine aux pauvres. Il appuie les campagnes d’ecclésiastiques comme Hugh Latimer, ou l’action d’un laïque comme John Hales. Mais lorsque les paysans d’East Anglia, menés par Robert Ket, se révoltent et que seul Warwick s’avère, au bout de trois mois, capable de mater les rebelles (à Dussindale, août 1549), tout le monde se détourne de Somerset : après avoir passé quelques mois à la tour de Londres, celui-ci doit, en février 1550, accepter de partager le pouvoir avec Warwick.

Sur le plan diplomatique, l’Angleterre se trouve dans une situation paradoxale. Menacée par la France d’Henri II, qui voudrait récupérer Boulogne et même Calais et qui mène en Écosse une politique de soutien aux catholiques, elle est en même temps forcée de s’entendre avec elle contre les puissances catholiques (l’Empire) vers lesquelles se tournent les catholiques anglais, partisans de Marie Tudor. Après une courte guerre, les Anglais rendent Boulogne à la France et se retirent d’Écosse (traité de Boulogne, 29 mars 1550) : politique sans grandeur qui ruine le prestige acquis par Henri VIII.