Édouard III (suite)
En compensation, Édouard III multiplie les concessions en faveur de cette dernière : donations en terre et en argent ; octroi des franchises permettant aux nobles survivants de tenir des cours de justice locales au nom du roi ; autorisation d’édifier des châteaux forts ; création de l’ordre de la Jarretière. Jusqu’en 1360, ces concessions se révèlent peu dangereuses pour le souverain en raison du prestige qu’il tire des victoires qu’il remporte aux dépens des Français, notamment à L’Écluse en 1340, à Crécy en 1346, à Poitiers en 1356, victoires qui lui permettent de signer en 1360 la fructueuse paix de Brétigny-Calais.
La noblesse trouve d’ailleurs avantage à ces campagnes d’outre-mer, particulièrement à celles qu’elle mène en Bretagne dans le cadre de la guerre de succession du duché, où se forge, de 1341 à 1365, le talent des grands capitaines (Thomas de Dagworth, Hugh Calverly). En effet, le conflit s’avère fort lucratif pour elle, car il lui procure rançons, offices et garnisons.
Bien entendu, Édouard III étend ses générosités à ses propres fils. Ainsi, tandis que le prince de Galles, Édouard, dit le Prince Noir, règne en fait en maître sur l’Aquitaine, son second frère, Jean de Gand, s’émancipe du pouvoir royal dans le duché palatin de Lancastre, que lui a offert en dot sa femme Blanche. Ils entretiennent d’ailleurs de véritables armées privées grâce à l’institution des « retenus », hommes de guerre qui, contre pension, restent perpétuellement à la disposition de leur seigneur ; aussi celui-ci peut-il répondre sans délai à la première réquisition du roi, qui recrute ses troupes par contrats d’endentures signés avec ses barons ; par ce procédé, Édouard III aide ces derniers à se constituer une clientèle de fidèles dont l’existence est fort dangereuse pour son autorité à partir du moment où celle-ci se trouve affaiblie par les défaites de la fin du règne, tant en Écosse qu’en Castille (défaite de Pierre le Cruel à Montiel en 1369) et en France, où la guerre reprend en 1369.
Malgré la création des gardiens de la paix (custodes pacis), magistratures que s’attribuent les chevaliers et les écuyers, Édouard III, vieilli et dominé par sa maîtresse Alice Perrers, ne peut ressaisir le pouvoir que se disputent le Prince Noir et Jean de Gand. Si le premier l’emporte au Bon Parlement de 1376, qui écarte Alice Perrers du roi et fait mettre en accusation le chambellan William Latimer selon la procédure nouvelle de l’impeachment, le second l’emporte en janvier 1377, après la mort du prince de Galles (juin 1376). En disparaissant le 21 juin 1377, Édouard III lègue donc à son petit-fils Richard II un royaume dominé par les factions, dont les ambitions opposées sont lourdes de guerre civile.
P. T.
➙ Angleterre / Cent Ans (guerre de) / Plantagenêt.
J. Mackinnon, The History of Edward the Third, 1327-1377 (Londres, 1900). / E. Perroy, la Guerre de Cent Ans (Gallimard, 1946). / M. Mackinsack, The Fourteenth Century, 1307-1399 (Londres, 1959). / R. Nicholson, Edward III and the Scots (Londres, 1965).