Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Eça de Queirós (José Maria)

Écrivain portugais (Póvoa de Varzim 1845 - Paris 1900).


Sa naissance fut légitimée par un mariage tardif, et il passa une partie de son enfance et de son adolescence loin de ses parents. Ces circonstances expliqueraient un certain complexe de frustration qu’on a sans doute exagéré. Fils de magistrat, il fait des études juridiques à l’université de Coimbra de 1861 à 1866. C’est surtout en spectateur qu’il assiste aux luttes du mouvement dit « de l’école de Coimbra », animées par ses deux amis Antero de Quental (1842-1891) et Teófilo Braga (1843-1924) et dirigées contre le pontificat littéraire du vieil António Feliciano de Castilho (1800-1875). Le jeune Eça de Queirós dirige ensuite, pendant quelques mois, un journal politique de province à Evora (1867). Il rédige alors ses premiers articles et des contes qui seront réunis et publiés après sa mort sous le titre de Proses barbares (1903). Il a l’occasion d’assister en 1869 à l’inauguration du canal de Suez et de faire un voyage en Orient, expérience qui marquera fortement sa vie littéraire. Décidé à embrasser la carrière diplomatique, il fait un stage administratif comme sous-préfet à Leiria, qui lui laisse le temps de publier, en collaboration avec José Duarte Ramalho Ortigão (1836-1915), un roman policier mi-sérieux, mi-burlesque, le Mystère de la route de Sintra. La même année, en 1870, Eça est reçu au concours pour la diplomatie. L’année suivante, il commence, toujours avec son ami Ramalho Ortigão, la publication mensuelle As farpas, véritables « banderilles » décochées contre une société décadente et arriérée.

En 1873-74, Eça de Queirós remplit les fonctions de consul du Portugal à Cuba. Il quitte ensuite La Havane pour l’Angleterre, où il restera pendant quatorze ans. Son expérience des idées et des hommes s’enrichit, et il n’abandonne nullement la littérature. En 1875, il a publié son premier roman important, le Crime du P. Amaro, livre de combat et première œuvre de la nouvelle école réaliste au Portugal. En 1888, il obtient enfin son transfert pour Paris. Il réalisait ainsi l’ambition de sa vie, dont les rêves étaient nourris par la francophilie ardente qui fut un peu au Portugal le propre de toute sa génération. C’est à Paris, dans les loisirs de sa profession, qu’il composa et remit plusieurs fois sur le chantier ses principales œuvres, véritables créations continues et dont certaines ne seront publiées qu’après sa mort, survenue prématurément en 1900, alors qu’il était âgé seulement de cinquante-cinq ans.

Les horizons d’Eça de Queirós se sont élargis avec le temps. Il a commencé par des articles et des contes qui sont une exhibition de style moderniste ; son roman policier est un bon tour joué aux amateurs ; As farpas amorcent une satire sociale plus sarcastique. Il veut d’abord forcer l’attention, puis il découvre, avec Proudhon, que le réalisme est « la révolution en littérature ». Le Crime du P. Amaro en est l’application, à propos des amours sordides d’un prêtre et d’une jeune fille élevée selon la tradition. Jusqu’ici provincial, le cadre de ses romans s’élargit à la capitale dans le Cousin Basílio (1878), qui étudie un cas de bovarysme mineur dans la bourgeoisie moyenne de Lisbonne. Ces deux romans ont scandalisé. Le lecteur portugais n’était pas préparé à une peinture aussi crue de la réalité. On accusait Eça de saper les fondements moraux de la nation. La peinture réaliste de la société portugaise reparaîtra encore dans une œuvre tardive, longuement élaborée, les Maias (1888). Cette fois, ce sont les hautes sphères de la société qui sont observées avec une ironie cruelle et scrupuleuse. Récit fantastique, le Mandarin (1880) est une évasion de la fantaisie retrouvée, qui peint la bureaucratie portugaise et la Chine des voyageurs. La Relique (1887) fait la satire des bigots et offre une très belle évocation de la Palestine et du drame de la Passion. Mélange étonnant de caricature et de réalité, d’irrévérence et d’onction poétique et religieuse, ce livre mérite une place à part dans les littératures de la péninsule Ibérique.

Cette peinture sévère du Portugal a fait accuser Eça de Queirós d’être dénationalisé, voire antipatriotique. Il n’en était rien, mais il a vécu plus d’un quart de siècle éloigné de son pays, avec les avantages et les inconvénients d’une telle situation. Il a voulu détruire pour reconstruire, et sa deuxième manière, avec une tendresse de plus en plus vive pour sa patrie, est le fruit d’une lente évolution. Entre-temps, il y a eu les Lettres familières et les billets de Paris (réunis en 1907), qui s’adressent pour la plupart au public brésilien. Il y a eu surtout son livre le plus original, la Correspondance de Fradique Mendes (1900), véritable autobiographie d’un esthète paré des qualités et des défauts chers à l’auteur.

Son amour pour sa patrie s’épanche dans l’Illustre Maison de Ramires (1900), où la tendance constructive s’affirme dans un retour aux sources : l’homme, le paysage et les liens de l’histoire. La Ville et les montagnes (1901) est un hymne à la nature et à la simplicité bucolique portugaise. Après avoir voulu construire un monde nouveau sur les données de la science, Eça a été le désenchanté de la technique et de la civilisation urbaine. Observateur lucide et ironiste des plus fins, il a donné une nouvelle jeunesse à la phrase portugaise.

R. C.

 A. Cabral, Eça de Queirós, a sua vida e a sua obra (Lisbonne, 1945). / J. Gaspar Simões, Eça de Queirós, o Homen e o Artista (Lisbonne, 1945). / E. Guerra da Cal, Lengua y estilo de Eça de Queirós (Coïmbre, 1954). / A. Coimbra Martins, Ensaios queirosianos (Lisbonne, 1967).

ecclésiologie

Théorie de l’Église, partie de la théologie ayant rapport à l’Église.


Au sens habituel du mot, l’Église est la communauté des chrétiens fondée par Jésus de Nazareth au cours de son ministère de trois ans, scellée au terme de celui-ci par sa Passion et sa résurrection. Elle est depuis cet événement rassemblée dans l’unité par une même foi, la participation aux mêmes sacrements et une vie en communion confiée à la vigilance de ses ministres. Cependant, en raison des divisions survenues au cours de l’histoire, il y a diverses Églises, désunies les unes des autres quant à leurs doctrines et à leurs structures, encore qu’elles professent une même origine et tendent de nos jours à se réunir grâce aux efforts accomplis au sein du mouvement œcuménique. Cette situation de séparation, consacrée par la formation d’ecclésiologies différentes, s’explique surtout par des raisons historiques.