Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aliment (suite)

De ces considérations découlent quelques conséquences pratiques :
1o Une ration protidique moyenne apporte à l’organisme un nombre restreint mais non négligeable de calories. (Les 75 g de base signalés comme un minimum apportent donc 300 calories.)
2o Cette ration protidique est indispensable et doit couvrir la totalité des besoins en acides aminés essentiels pour remplir son rôle plastique. En outre, cet apport en acides aminés doit être équilibré, car une richesse prédominante en un acide aminé nuit à l’absorption des autres.
3o Par contre, une dépense calorique élevée (travail de force) ne pourra pas être couverte par un supplément exclusif de protides : parce que leur faible rendement obligerait à ingérer des doses incompatibles avec un appétit normal (un besoin de 3 000 calories nécessiterait 730 g de protides, soit, la viande contenant au maximum 20 p. 100 de protides, plus de 3 500 g de viande) ; parce que la digestion de ces grosses quantités de protéines entraînerait une production calorique de déperdition telle qu’elle dépasserait à coup sûr les besoins de la thermogenèse ; parce que cette déperdition s’accompagnerait d’une trop grande quantité de produits de déchets, que l’organisme aurait ensuite à épurer ; enfin, parce que les protides constituent un aliment onéreux. C’est pourquoi il a été admis que la ration protidique devait couvrir 15 p. 100 environ des besoins totaux, le reste étant dévolu aux lipides, dans les limites que nous avons déjà signalées, et aux glucides, qui constituent véritablement le « volant de sécurité » des apports énergétiques.


La répartition des nutriments dans les aliments

Rappelons, tout d’abord, quelques principes généraux d’alimentation. En premier lieu, les aliments que nous utilisons ne doivent pas être toxiques. À un certain sens inné du bon et du mauvais, sens surtout développé chez l’animal, s’est ajoutée chez l’homme une notion acquise par la reconnaissance des aliments. Cette reconnaissance peut être en défaut dans certains cas : enfants ingérant des baies vénéneuses ou adultes ingérant par ignorance des champignons* non comestibles. En deuxième lieu, les aliments doivent être digestibles. Ce caractère tient en fait à deux composantes : d’une part la digestibilité propre de l’aliment (fonction surtout de sa richesse en protides complexes et en lipides), et d’autre part celle qui est liée à son mode de préparation lorsqu’il est cuisiné. Tel mets digestible s’il est grillé peut devenir indigeste s’il est accommodé d’une sauce grasse et épicée. Là intervient donc un certain facteur gastronomique indépendant de la valeur intrinsèque de l’aliment. En troisième lieu, l’alimentation doit être variée, et ce pour plusieurs raisons. D’une part pour des raisons physiologiques : l’apport des divers nutriments doit se faire en respectant une proportion correcte, proportion qui, on l’a vu, doit être adaptée en fonction des besoins énergétiques, de telle sorte que les besoins indispensables ou essentiels, tant quantitatifs que qualitatifs, soient couverts, et que le surplus calorique soit apporté de manière harmonieuse entre glucides, lipides et protides. D’autre part, pour des raisons psychologiques : il est en effet nécessaire qu’un repas soit fait non seulement d’aliments de groupes différents, mais encore, à l’intérieur d’un même groupe, d’aliments multiples, et que cette répartition soit changée au fil des repas pour ne pas contribuer à perturber l’appétit. L’aliment vient calmer la faim, mais en outre il satisfait un désir sensoriel. L’aliment possède ainsi un « tonus émotionnel » qui fait que d’une part il sera accepté comme nourriture, mais encore recherché et attendu d’autre part par un appétit aiguisé, où intervient plus l’interprétation cérébrale que la simple gustation végétative. Le rôle psychologique de l’aliment est primordial. En effet, c’est un aliment — le lait — qui sera le premier contact, la première relation affective du nouveau-né avec le monde extérieur. C’est ensuite la façon (affectueuse ou non) avec laquelle seront donnés les aliments qui sera ressentie comme agréable ou comme désagréable. L’aliment est alors considéré par l’homme (enfant, puis adulte) comme un « objet » qui sera « investi » de la notion de bon ou de mauvais en fonction de la manière dont il est reçu. L’aliment devient ainsi un mode de relation avec autrui. En faut-il plus pour expliquer que tel aliment absorbé dans une ambiance heureuse sera aisément digéré et apprécié, alors que ce même aliment absorbé en phase de contrariété sera immédiatement vomi ?


Les viandes et apparentés

• Les viandes ont une composition, donc une valeur nutritive, variable en fonction de l’espèce animale, du morceau considéré, selon qu’il s’agit uniquement de chair musculaire ou qu’il s’y associe des os et tendons, et enfin en fonction aussi du mode d’alimentation du bétail, des différences de composition ayant été détectées selon que l’élevage s’était fait ou non en pâturage. Ces réserves faites, il existe cependant quelques données générales. Les viandes contiennent peu de glucides. En effet, le glycogène de réserve contenu dans les muscles est rapidement transformé en acide lactique, et cette acidité locale contribue à donner à la viande un aspect agréable ; sinon, elle aurait une consistance collante et flasque peu appétissante. Les lipides sont contenus en proportion variable selon l’espèce et le degré d’embonpoint de l’animal : cette proportion oscille entre 5 et 20 p. 100, mais atteint 30 p. 100 dans le porc et la charcuterie. En fait, les viandes sont avant tout un aliment protidique : l’équilibre en acides aminés est différent selon qu’il s’agit de muscle ou d’abats. D’une manière générale, la viande est riche en lysine (qui a un grand rôle dans la croissance). Par contre, elle est pauvre en méthionine et en tryptophane, surtout au niveau du collagène et de l’élastine, c’est-à-dire des tissus séparant les masses véritablement musculaires. Les sels minéraux y sont nombreux. Le phosphore y est présent à la dose de 160 à 200 mg pour 100 g. Le fer (3 mg pour 100 g) est surtout contenu dans la myoglobine, dont le pigment, voisin de celui de l’hémoglobine, est aussi à base de fer ; mais le foie est beaucoup plus riche en fer (12 mg pour 100 g). Les oligo-éléments sont surtout présents dans le foie. Par contre, le calcium n’est présent qu’à un taux infime, et cette seule raison fait de la viande un aliment non équilibré. Les vitamines des deux groupes sont présentes, mais la proportion en vitamines hydrosolubles et vitamines liposolubles varie selon la teneur en eau et en lipides du morceau considéré. Le foie est particulièrement riche en vitamine C, en acide folique et en vitamine B12. En revanche, la viande musculaire ne suffit pas à couvrir les besoins en vitamine C. Ces caractéristiques valent pour une viande non préparée. Mais ces teneurs sont très influencées par le mode de cuisson, notion que l’exemple suivant nous permet d’introduire. Les viandes bouillies perdent la plus grande partie des vitamines et des sels dans l’eau de cuisson. Lorsque celle-ci est récupérée sous forme de bouillon, on y retrouve les sels. Par contre, les vitamines sont, pour la plupart, dénaturées par une cuisson prolongée. À l’inverse, les viandes grillées ou rôties perdent beaucoup moins d’éléments. En effet, la haute chaleur à laquelle elles sont soumises brutalement provoque une coagulation des couches superficielles. Il se crée une sorte de carapace imperméable, d’où sels et vitamines ne peuvent plus s’échapper. Ils resteront emprisonnés dans le bloc de viande jusqu’au terme de la cuisson, le degré de dénaturation des vitamines variant avec la durée de celle-ci. Quel que soit son mode de préparation, la viande est un aliment digestible qui laisse peu de résidus intestinaux. Son catabolisme aboutit à la formation d’urée et d’acide urique (surtout les abats). Elle a des propriétés excito-sécrétrices sur l’estomac.

• Les volailles ont approximativement une composition comparable à celle des viandes. Elles sont un peu plus riches en bases puriques, surtout le gibier, entraînant donc un excès d’acide urique qui doit faire déconseiller leur usage chez les goutteux. Par contre, elles constituent un aliment très digestible.