Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dreiser (Theodore) (suite)

Après ce succès, Dreiser semble renoncer au roman pour se tourner vers l’essai et l’engagement politique. Un voyage en U. R. S. S. en 1927, puis la crise économique de 1929 le rapprochent des communistes. Dans Tragic America (1932), il invite l’Amérique à sauver la démocratie en suivant l’exemple de l’Union soviétique. Dans America is Worth Saving (1941), il se fait le champion de l’isolationnisme. Peu de temps avant sa mort, il adhère au parti communiste.

L’importance de Dreiser dans l’histoire littéraire est incontestable. Son « réalisme » a imposé la réalité américaine au roman américain et l’a définitivement sorti de l’orbite esthétique européenne. Mais sa valeur artistique intrinsèque est plus discutée. « C’est le grand roman le plus mal écrit du monde », a-t-on dit d’Une tragédie américaine. Dreiser écrit mal. Confus, incorrect, prolixe, il a le goût des effets et des sentiments. Ses théories naturalistes sont dépassées. Mais ses défauts, ses longueurs, son manque de goût semblent ceux de la vie même : il a l’énormité, la vulgarité, la puissance de l’Amérique de son temps. Cette puissance a sauvé Dreiser de ses théories : il a dominé le naturalisme, il a dépassé la simple critique sociale des « muckrakers ». « Il manquait de tout sauf de souffle et de génie », a-t-on dit de ce créateur un peu primitif, dont la force et la simplicité brutales s’accordaient si bien avec l’Amérique de son époque. Dreiser n’a pas la grandeur de Whitman* ou de Mark Twain*. Mais il y a quelque chose de leur souffle chez ce grand romancier populaire.

J. C.

 R. H. Elias, Theodore Dreiser Apostle of Nature (New York, 1949). / F. O. Matthiessen, Theodore Dreiser (New York, 1951). / C. Schapiro, Theodore Dreiser (Carbondale, 1962). / P. L. Gerber, Theodore Dreiser (New York, 1963). / J. J. McAleer, Theodore Dreiser (New York, 1968). / R. Lehan, Theodore Dreiser (Carbondale, Illinois, 1969).

Dresde

En allem. Dresden, ville de l’Allemagne orientale ; 501 000 hab.
Dresde est l’une des plus grandes villes de la République démocratique allemande, la capitale d’un des trois districts de la Saxe, qui dépassait légèrement le demi-million d’habitants en 1970 alors qu’elle en comptait 630 000 en 1939. La ville ancienne s’est développée sur les rives de l’Elbe, au centre d’un bassin agricole fertile, annonçant les plaines saxonnes au débouché des montagnes moyennes du grès connues sous le nom de Elbsandsteingebirge.

A. B.



Le développement urbain

Le nom de Dresde indique, comme celui d’une bonne partie des villes à l’est de la Weser, une origine slave, sa racine désignant le bois, la forêt. Un village sorabe a donné naissance à une ville coloniale grâce à l’action des margraves de Meissen (Misnie), ville mentionnée pour la première fois en tant que telle en 1216. Une forteresse protégeait alors un marché. Pendant tout le Moyen Âge, Dresde se contenta d’être une ville commerciale sur la route menant de Saxe en Bohême, l’une des grandes routes européennes il est vrai. Elle restait bien moins importante alors que Meissen, capitale religieuse et politique, que la ville minière de Freiberg, que la grande cité de Leipzig. Mais à partir de 1485, quand la ligne Albertine de la maison princière des Wettin installa à Dresde sa capitale, la ville connut un grand développement, lié à la fortune de la ligne Albertine qui, en 1547, reçut la dignité électorale (enlevée à la ligne Ernestine).

Les nouveaux Électeurs firent beaucoup pour leur capitale qui devint, avec la vieille rivale Leipzig, l’un des deux centres vitaux du puissant État saxon, qui joua au xvie et au xviie s. un rôle prépondérant dans le Reich. Les habitants vécurent des diverses industries de consommation et de luxe que favorisèrent la présence de la Cour et le goût des princes pour les dépenses somptuaires. Dès le xvie s., Dresde fut une ville d’art et de science, avec les premières collections (1560 : Kunstkammer) et les premières bibliothèques ; au xviie s. se développa la vie théâtrale et musicale, et un immense jardin à la française (Grosser Garten) fut créé au sud-est des remparts ; la Cour s’intéressait aussi à l’alchimie et aux « chinoiseries », et le résultat en fut la fabrication, pour la première fois en Europe, de la porcelaine dure (1710 : manufacture de Meissen). Le grand essor culturel date cependant du xviiie s., quand les Électeurs, devenus rois de Pologne, constituèrent une sorte d’axe politique et artistique Dresde-Varsovie ; de cette époque datent les grands édifices de l’art baroque saxon (notamment le curieux Zwinger) et les grandes fondations : en 1721, le Grünes Gewölbe et ses collections d’arts mineurs ; en 1722, la Gemäldegalerie, abritant depuis 1754 la Madone de Saint-Sixte de Raphaël ; en 1728, le cabinet des estampes ; en 1764, l’académie des beaux-arts. Le ministre Heinrich von Brühl construisit en bordure du fleuve la célèbre terrasse (Brühlsche Terrasse) qui devint en 1814 une promenade publique.

Les nombreuses guerres qui marquèrent le déclin de la Saxe et l’ascension de sa vieille ennemie, la Prusse, firent connaître à Dresde sièges et bombardements. En 1763, la couronne de Pologne fut perdue, mais Napoléon créa le royaume de Saxe qui fut son allié fidèle et qui paya cette fidélité par la perte de la majeure partie des Lusaces et l’effacement politique après la défaite française, un instant retardée par la victorieuse bataille de Dresde (26-27 août 1813).

La vie politique ne fut plus marquée que par les troubles de mai 1849, par la conférence avortée de 1850-51, qui vit l’échec du projet austro-prussien de réforme de la Confédération germanique, et par l’intense mouvement socialiste à la fin du xixe s.

Mais Dresde sauvegarda et développa son importance économique tout en gardant sa prééminence culturelle. Favorisée par la destruction des remparts à partir de 1817, l’extension de la ville fit passer le nombre des habitants de 62 000 en 1830 à 130 000 environ en 1861, à 396 000 en 1900 (avec une très forte proportion d’ouvriers d’industrie) ; la navigation à vapeur sur l’Elbe fut ouverte en 1837, des chemins de fer construits (1839, ligne de Leipzig ; 1847, ligne de Görlitz ; 1851, ligne de Bohême).

J.-B. N.